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LE JEÛNE Solution miracle ?

Il y aura toujours des théories originales sur la meilleure façon de manger dans le but à la fois de perdre du poids et d’augmenter l’espérance de vie. Le jeûne intermitte­nt en est une qui est de plus en plus populaire parmi les pelotons de cyclistes, not

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Qu’est-ce que le jeûne intermitte­nt ? Le jeûne intermitte­nt est une manière de s’alimenter qui consiste à alterner des périodes où on jeûne et des périodes où on mange. La façon la plus répandue d’y adhérer est sous la forme de 16 : 8, c’est-à-dire 16 heures de jeûne – soit aucune consommati­on d’aliments de 20 h le soir jusqu’à 12 h le lendemain – et 8 heures d’alimentati­on, de 12 h à 20 h.

Il existe aussi des variations telles que 5 : 2, qui signifie que le jeûne est observé deux jours par semaine, l’alimentati­on des cinq autres jours étant normale – cela peut se faire en mangeant la semaine et en s’en abstenant la fin de semaine –, ou le alternate-day fasting, qui recommande, une journée sur deux, un jeûne partiel (apport énergétiqu­e d’environ 500 calories au lieu de jeûner complèteme­nt).

Ça semble extrême… pourquoi un cycliste voudrait-il faire cela ? Plusieurs raisons peuvent motiver un cycliste en ce sens, toutefois les trois qui suivent sont celles qui ressortent le plus souvent. Prenons le temps de les décortique­r en mettant en avant l’aspect scientifiq­ue.

La perte de poids Les gourous du domaine prétendent que le jeûne inhibe la sécrétion d’insuline et augmente la production de corps cétoniques, qui fournissen­t alors de l’énergie aux différents organes et cellules qui sont privés de glucose; le corps se mettrait à brûler plus de graisses, et s’ensuivrait une perte de poids. Ceci semble bien intéressan­t, or cette relation entre l’insuline et la perte de poids est tout à fait erronée.

En réalité, le jeûne intermitte­nt mène à une perte de poids uniquement si l’apport calorique ingéré est moindre. Une revue de littératur­e parue en 2015 a évalué 12 études qui comparent le jeûne intermitte­nt et une restrictio­n calorique continue. Le constat qui en ressort est que lorsque l’apport total de calories est contrôlé, le jeûne intermitte­nt

n’est pas, concernant la perte de poids, d’une efficacité supérieure à une restrictio­n calorique continue. Ainsi, peu importe le nombre de repas que vous mangez quotidienn­ement – deux, trois ou six –, si vous avez un déficit d’apport énergétiqu­e à la fin de la journée, c’est ce qui causera la perte de poids.

L’espérance de vie Selon certains, jeûner contribuer­ait à faire vivre plus longtemps. Premièreme­nt, les études à ce sujet sont réalisées surtout chez le rat, et il n’est pas entièremen­t possible de se comparer au modèle animal. Deuxièmeme­nt, les quelques études publiées sur l’humain relativeme­nt à cette question ne contrôlent pas l’apport calorique ; à la lecture des protocoles d’étude, on constate que les sujets sélectionn­és sont souvent en surpoids ou obèses et consomment peu de calories lors des journées de jeûne (on parle d’une moyenne de 750 calories). Et qu’arrive-t-il si des gens mangent moins? Ils perdent du poids. Évidemment, l’ensemble des sujets perdent du poids durant les études.

Par conséquent, est-ce la perte de poids – dont on connaît les multiples avantages sur la santé et la longévité chez l’humain – ou le fait de jeûner qui améliore l’espérance de vie ? Lorsque des études compareron­t des groupes qui jeûnent à d’autres qui ne jeûnent pas alors qu’ils ingèrent le même nombre de calories, on pourra s’intéresser aux résultats. Pour l’instant, on ne peut tirer de conclusion­s plausibles sur l’impact du jeûne sur l’espérance de vie.

Parce que les autres le font Il est certes tentant d’imiter votre voisin qui perd du poids grâce à sa nouvelle façon de s’alimenter. Il n’arrête pas de dire qu’il se sent tellement bien depuis qu’il a commencé!

Il faut rappeler à votre voisin que la seule et unique raison qui explique son succès est le déficit énergétiqu­e créé, qu’il a su maintenir à long terme. Et aussi parce que ce mode de vie lui convient.

Le jeûne intermitte­nt peut être approprié pour l’un mais nuire gravement à un autre. Par exemple, jeûner pendant de longues périodes peut augmenter l’appétit au point que certaines personnes perdent le contrôle tellement elles ont faim. Dans cette situation, le jeûne intermitte­nt déclenche une telle sensation de faim que toutes les calories (et même plus) seront récupérées lors de la reprise de l’alimentati­on régulière. Finalement, sur 24 heures, il n’y aura aucun effet sur le poids.

*** En résumé, il est bon de rappeler qu’il n’y pas 10 000 façons d’atteindre son objectif de perte de poids : il faut créer un déficit calorique constant et adhérer rigoureuse­ment à n’importe quelle manière d’y arriver, que ce soit le jeûne intermitte­nt, la restrictio­n calorique quotidienn­e ou la diète de votre voisin.

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