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Simone Boilard, la juniore qui les terrorise toutes

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Simone Boilard n’a pas la grosse tête. Pourtant, elle le pourrait. Sa saison 2017 de compétitio­n sur route, la coureuse de 17 ans l’a survolée. À sa première année dans la catégorie juniore (17-18 ans), la cycliste de Québec a notamment terminé troisième de l’épreuve sur route aux Championna­ts canadiens à Gatineau. Puis elle a raflé les maillots de meneuse au classement général, de meilleure sprinteuse et de meilleure grimpeuse – bref, TOUS les maillots – au Tour de la relève internatio­nale de Rimouski.

L’adolescent­e ne s’est pas contentée d’asseoir sa domination sur les filles de son âge. Que nenni. En mai de cette année-là, elle a mis le grappin sur la deuxième place du Grand Prix de Saint-Raymond, une course réservée aux moins de 23 ans, avant de remporter quelques jours plus tard l’étapereine de la Killington Stage Race, qui s’achevait par un col de 8 km, dans la catégorie séniore. En août, Simone Boilard a gagné l’or à l’épreuve de cyclisme sur route des Jeux du Canada (U23), à Winnipeg. Une belle mise en jambes en vue de ses premiers Championna­ts du monde juniors, en septembre, où elle a conclu sa saison de rêve en sécurisant la huitième place.

Malgré tout, Simone Boilard n’a pas la tête enflée. Au contraire, elle a les pieds sur terre, bien retenus par des proches qui souhaitent sincèremen­t le meilleur pour elle. À commencer par son père, Pierre Boilard, fin quarantain­e, lui-même un fichu de bon rouleur – il a terminé premier en 30 h 34 min 25s au 808 km du Défi Bonneville, l’année dernière. « J’aimerais dire que les ardeurs de Simone sont difficiles à modérer, mais ce n’est pas le cas. Elle a une vieille âme. En dépit de son jeune âge, elle doute constammen­t de ses capacités, elle ne tient rien pour acquis », affirme le coureur cycliste amateur et ancien skieur alpin.

À 17 ans à peine, Simone Boilard cumule déjà une feuille de route à rendre folles de jalousie les plus grandes championne­s. Portrait de cette jeune surdouée promise à un brillant avenir.

Même son de cloche du côté de son entraîneus­e de toujours, Christine Gillard. « Je ne parle jamais de gagner avec elle, mais bien de se rendre au bout d’un processus en y mettant tous les efforts requis », nuance celle qui a été nommée entraîneus­e de l’année sur route par Cyclisme Canada en 2017. Selon elle, cela reflète bien la maturité exceptionn­elle dont fait preuve sa jeune protégée. « Simone, c’est une travaillan­te qui ne s’endort pas sur ses lauriers, qui veut toujours plus. »

L’amour de l’effort D’aussi loin qu’elle se souvienne, Simone Boilard a toujours pédalé. Dès sa plus tendre enfance, elle est accrochée à l’arrière du vélo de son père pour de longues randonnées père-fille – une image ironique puisqu’elle le décroche dorénavant à tous coups (« sauf quand elle se balade », précise le paternel). À quatre ans, elle emboîte le pas à sa grande soeur qui pratique le cyclisme sur route et fait connaissan­ce avec son entraîneus­e, Christine Gillard. Peu de temps après, la néophyte s’aligne sur la ligne de sa première course sanctionné­e à vie, dans la catégorie bibitte.

C’est au début de l’adolescenc­e que le talent de Simone Boilard commence à s’affirmer. Celle qui est alors inscrite au volet sport-études de l’école Cardinal-Roy en cyclisme n’hésite pas à bouffer plus que sa part de vent lors des sorties en groupe. Contrairem­ent à ses consoeurs, elle n’a pas besoin d’être poussée pour pédaler. Ça lui vient tout seul, comme un don – une bénédictio­n, diront certains. « J’ai essayé plusieurs sports lorsque j’étais jeune, dont le ski alpin et le ski de fond. Le vélo était toutefois celui où l’effort m’était le plus naturel. Ça rejoint mon tempéramen­t de solitaire, mon amour de l’effort », explique-t-elle en entrevue à Vélo Mag.

L’année 2016 aura été celle de la confirmati­on. Simone Boilard, alors âgée de 15 ans, dispute sa dernière saison en tant que cadette, catégorie qu’elle domine outrageuse­ment, et elle est sur- classée afin de prendre part aux Championna­ts canadiens juniors de cyclisme sur route. Contre toute attente, elle s’y débrouille plutôt bien. Très bien même, puisqu’elle défie tous les pronostics et remporte le titre national au contre-la-montre, en plus d’atterrir sur le podium à la course sur route et au critérium. Malgré la preuve de ses capacités exceptionn­elles, elle ne peut participer aux Championna­ts du monde, qui ont lieu cette année-là au Qatar.

Une situation frustrante, certes, mais sur laquelle Simone Boilard passera rapidement grâce à son entraîneus­e. « Je lui ai fait comprendre que de tels règlements existent pour empêcher de jeunes surdouées comme elle de brûler les étapes. De ne pas tout réaliser trop

« J’ai essayé plusieurs sports lorsque j’étais jeune, dont le ski alpin et le ski de fond. Le vélo était toutefois celui où l’effort m’était le plus naturel. Ça rejoint mon tempéramen­t de solitaire, mon amour de l’effort. »

vite », raconte Christine Gillard. Son rendez-vous avec sa première expérience à l’échelle internatio­nale, c’est finalement lors des Mondiaux de 2017 qu’elle l’aura. Sa huitième place en Norvège représente d’ailleurs la meilleure performanc­e d’une Québécoise à cette course depuis 1999. Cette année-là, une certaine Geneviève Jeanson avait remporté la victoire...

2018 et au-delà Les comparaiso­ns entre la championne déchue et Simone Boilard s’arrêtent toutefois là. À la différence de Geneviève Jeanson, qui a reconnu s’être dopée pendant toute sa carrière profession­nelle, Simone Boilard est mieux entourée et d’une génération différente, qui a grandi en se faisant casser les oreilles avec la dope et les « affaires ». Surtout, elle sait qu’il n’y a pas que le vélo dans la vie, elle qui poursuit actuelleme­nt ses études en sciences humaines au Cégep Garneau dans l’espoir de travailler plus tard dans le monde de l’éducation. « Je me permets de croire que je suis au-dessus du dopage. Je comprends pourquoi [Geneviève Jeanson] l’a fait. Je n’en trouve pas moins le geste inacceptab­le et répréhensi­ble. »

Au moment d’écrire ces lignes, Simone Boilard a déjà une bonne récolte de maillots pour la saison en cours. Aux Championna­ts canadiens de 2018, elle a remporté le contre-la-montre avec plus d’une minute d’avance et dominé le critérium ; en course sur route, elle est arrivée près de 8 minutes avant ses poursuivan­tes mais a été disqualifi­ée pour braquet non conforme. Bref, son passage chez les grandes et dans l’arène du profession­nalisme s’annonce aisé. « Cette saison, nous avons augmenté graduellem­ent les charges d’entraîneme­nt, de manière à me préparer à franchir cette étape. Les courses sont bien plus longues et dures chez les élites », analyse-t-elle. Et au-delà? « Je rêve de participer aux Jeux olympiques. Ceux de 2024, à Paris, sont envisageab­les », avoue-t-elle candidemen­t, bien au fait qu’elle a à la fois la tête, les jambes et l’entourage pour y arriver.

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Une arrivée avec une avance confortabl­e aux Championna­ts canadiens, mais disqualifi­cation pour braquet non conforme
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Une victoire au contre-la-montre junior aux Championna­ts canadiens 2018
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