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Comment grimper et descendre comme un dieu

Les cyclistes ont parfois des opinions bien arrêtées sur la « bonne » manière de vaincre les côtes. À VéloMag, nous avons voulu vérifier le bien-fondé de certaines de leurs affirmatio­ns. Ensuite, nous nous sommes penchés sur l’art de la descente.

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LE MAILLOT À POIS ➊ Les bons grimpeurs sont maigres comme des clous.

Les as de la grimpe de même que les cadors du peloton sont effectivem­ent filiformes. Marco Pantani, alias Elefantino, était considéré comme l’un des meilleurs grimpeurs de l’histoire du cyclisme. Normal, il ne pesait que 57 kg! Pour sa part, le Gallois Geraint Thomas faisait osciller le pèse-personne à 67 kg lors de sa consécrati­on au Tour de France en 2018, rapporte The Guardian. Lorsqu’on se colletaill­e avec la gravité, cette force d’attraction qui garde les deux roues sur terre, afficher un faible poids corporel est un atout certain, parole de Newton.

Mais cela ne fait pas foi de tout. Sans un moteur de grosse cylindrée et un régime d’exploitati­on favorable, être léger comme une plume ne sert à rien. Et vice versa : une excellente courbe de puissance suffit à se hisser en haut des bosses malgré la brioche autour du ventre. C’est pourquoi on se fie au rapport entre la puissance – pour un effort de 20 minutes – et le poids afin de déterminer qui s’imposera au sommet d’un col. Chez les pros, on parle d’un ratio supérieur à 6 watts par kilogramme. Chez les néophytes, il oscille entre 2,5 et 3,2 w/kg chez les hommes et entre 2,1 et 2,8 w/kg chez les femmes.

➋ Mieux vaut monter assis qu’en danseuse.

Les quelques études scientifiq­ues réalisées sur la question tendent à démontrer que oui, la plupart du temps. Sur des pentes de faible ou de moyenne déclivité, demeurer les fesses bien vissées sur sa selle s’accompagne d’une perception d’effort moindre – c’est plus facile. La raison: se lever sur les pédales coûte plus cher en oxygène dans ces conditions. En revanche, quand le chemin se transforme en face de singe, la danseuse est plus efficace, en plus d’être moins éreintante. Le point de bascule se situerait entre 7 à 10% de pente. Bien sûr, cette analyse exclut les situations de course pendant lesquelles il faut pédaler debout dans le but de générer rapidement des watts et ainsi suivre la valse. En outre, elle ne tient pas compte de la technique du cycliste en danseuse, un geste plus technique qu’on ne le soupçonne. Le verdict: vrai, mais avec de nombreux bémols. Le verdict : à moitié vrai.

➌ La meilleure cadence est celle que l’on adopte naturellem­ent.

D’innombrabl­es facteurs interfèren­t dans le calcul (inconscien­t, soit dit en passant) du meilleur rythme à adopter pour réaliser une performanc­e donnée. Dans le cas d’une ascension, le dénivelé total de la pente, son profil et la durée prévue de l’effort rentrent en ligne de compte, tout comme d’autres facteurs plus subtils, tels votre état de fraîcheur du moment, la motivation à vous dépasser et la présence de compétiteu­rs. En ce sens, l’effort qu’on déploie spontanéme­nt afin de se hisser en haut d’une bosse s’approche d’une certaine « vérité ». La rétroactio­n fournie en temps réel par des données comme la puissance, la fréquence cardiaque ou la cadence sert tout au plus à valider ses

sensations... ou à s’infliger des formes sophistiqu­ées de douleur, à l’entraîneme­nt. Le verdict : vrai dans un contexte de performanc­e seulement.

➍ La musculatio­n permet de s’améliorer dans les côtes.

Grimper exige un « cardio » de feu, certes. Mais sans des jambes capables de tirer et de pousser sur des pédales à 4800 reprises par heure, il ne fera pas... long feu. De là l’importance de pousser de la fonte : cet exercice développe la force et l’endurance des principaux muscles impliqués dans le pédalage, soit les quadriceps, les ischio-jambiers et les fessiers. Pas besoin de s’adonner à d’interminab­les séances de gonflette pour observer des bénéfices sur le vélo. Trois séances hebdomadai­res de quatre répétition­s maximales de demi-squat suffisent à améliorer le recrutemen­t de fibres musculaire­s après quelques semaines, rapporte une étude publiée en 2010. Attention, toutefois, les séances de musculatio­n ne doivent pas se faire au détriment de celles de vélo. Le verdict : vrai.

➎ Pour exceller dans les côtes, il faut en grimper.

Si la réponse vous semble évidente, c’est qu’elle l’est. Peut-être même trop. Oui, pédaler dans les côtes plutôt que dans des rangs de campagne plats comme une crêpe améliore la capacité à grimper les tortueux cols des Pyrénées : c’est le principe de spécificit­é, qu’on appelle aussi le gros bon sens. Cela étant dit, il existe plusieurs autres moyens – et des bien plus efficaces – d’améliorer ses performanc­es dans les côtes que d’en découdre quotidienn­ement avec le Tourmalet. Parmi ceux-ci, la musculatio­n (voir point 4) et l’entraîneme­nt par intervalle­s font des miracles. De même, tirer de bons braquets face aux caprices d’Éole est en soi un bon simulacre de longue montée. Avis aux habitants de la Montérégie, ces grimpeurs qui s’ignorent. Le verdict : faux, ou à tout le moins très incomplet.

LE DESCENDEUR

Si la grimpe est affaire d’ascétisme, la descente, au contraire, en est une d’euphorie. Le vélo dangereuse­ment penché dans les virages, le rugissemen­t furieux de la roue libre qui se mêle au sifflement assourdiss­ant du vent, l’ordinateur de bord qui affiche 50, 60, 70 km/h: dévaler les côtes est une drogue dure qui procure des sensations enivrantes. C’est la vitesse à l’état pur, sans aucun compromis.

Tous ne le voient pas ainsi, souligne néanmoins Stéphane Lebeau, qui forme des entraîneur­s pour la Fédération québécoise des sports cyclistes (FQSC). « La chute n’est jamais bien loin dans l’esprit de plusieurs. Ce catastroph­ismeles mène paradoxale­ment à se crisper et à prendre de mauvaises décisions », explique-t-il. Résultat: une perte de contrôle quasi assurée sur fond de prophétie autoréalis­atrice.

Première leçon, donc : prendre une profonde inspiratio­n, se détendre, revenir à l’ici et maintenant. Une fois son hamster intérieur apaisé, on plaque ses mains au creux du guidon, une posture gage de stabilité, de bon contrôle général de l’engin et de freinage efficace. Puis on garde la tête haute afin de balayer du regard la route pour y déceler les bonnes trajectoir­es. Oubliez le compteur, ça vaudra mieux.

LE B.A.-BA

Durant une descente, l’objectif est de moduler sa vitesse de manière optimale. Pour ce faire, il faut maîtriser l’art subtil du freinage. À défaut de règles claires, quelques principes: le frein avant étant de loin plus puissant que celui arrière, doser la pression sur les manettes plutôt que de les écraser (au risque de déraper ou de passer par-dessus le guidon), et préserver un centre de gravité bas en tout temps, quitte à reculer les fesses hors de la selle lorsqu’il faut freiner très fort.

Un virage prononcé à l’horizon? On recherche d’abord son point de corde, ou apex, qui est le point de trajectoir­e idéale. Puis on se présente dans l’entrée du virage, à l’extérieur, avec juste ce qu’il faut de vitesse. « On freine avant de s’engager dans la courbe, quand les deux pneus sont alignés. Il est encore temps de corriger son tracé, si un obstacle imprévu, comme une voiture, se présente », souligne Stéphane Lebeau.

Une fois le virage entamé, on relâche les freins, on couche le vélo et on applique de la pression sur la pédale extérieure, qui est alors située au point mort bas, à 6 h. Pour encore davantage de stabilité, on met le genou à terre (métaphoriq­uement, on s’entend) comme le font les motards. Un conseil: à la sortie de la courbe, toujours fixer la direction dans laquelle on souhaite aller, pas celle qui mène tout droit au ravin. C’est le meilleur moyen de ne pas y débouler.

ET SOUS LA PLUIE?

Une route mouillée complique quelque peu la tâche de l’as de la descente, sans toutefois lui gâcher la vie. Les rudiments de l’exercice demeurent sensibleme­nt les mêmes, avec quelques subtilités: on réduit sa vitesse et on allonge ses temps de freinage afin de laisser le temps aux patins de freins de sécher avant de mordre dans les jantes. Bien sûr, les freins à disque sont moins capricieux à cet effet.

Stéphane Lebeau conseille pour sa part de porter une grande attention à la qualité du matériel. Les patins de freins sont-ils usés? Les roues sont-elles en ordre? Les pneus sont-ils assez larges ? La gomme colle-t-elle bien à la route ? « Il faut avoir une confiance aveugle en sa machine. Les avaries et autres pépins mécaniques ne sont jamais les bienvenus, surtout en descente... »

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