Velo Mag

SAMUEL ROY

La quête de l’équilibre

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amuel Roy comptabili­se 23 ans sur l’odomètre de la vie. Il possède pourtant une feuille de route digne d’un quadragéna­ire, au moins. En 2019, il s’improvise guide de luxe lors d’une chevauchée africaine de 4 mois et 11 200 km, du Caire, en Égypte, jusqu’à Cape Town, en Afrique du Sud. L’année précédente, il participe aux Championna­ts du monde d’Ironman, à Kailua-Kona, dans l’État d’Hawaï, complétant l’épreuve de triathlon longue distance en un temps canon de 9 9h45 min. Au travers de tout ça, il étudie en gestion du tourisme et de l’hô l’hôtellerie à l’UQAM, entretient une vie sociale hyperactiv­e et pratique une foule d’activités sportives qui n’impliquent pas de pédaler: ski, course en sentier, slackline...

Samuel Roy n’a pas que le CV d’un touche-à-tout, il en a aussi l’âme. « C’est vraiment une philosophi­e que j’applique au quotidien, dans ma vie personnell­e comme dans le sport. Il en va de mon équilibre: m’épanouir dans plusieurs sphères me permet de persévérer sans m’écoeurer », explique-t-il en entrevue avec Vélo Mag. Jérôme Blais connaît bien le jeune Chamblyen ; ce professeur d’éducation physique de 36 ans lui a enseigné au cégep Édouard-Montpetit avant de le recruter à titre de guide adjoint pour le Tour d’Afrique, auquel il a participé. De toutes les qualités de son ancien élève, c’est sa maturité qui l’impression­ne le plus. « Samuel est un meneur naturel qui dégage une aura positive. Ce magnétisme attire naturellem­ent les gens et donne envie de le suivre », indique-t-il.

LES SENSATIONS

C’est en Gaspésie que j’ai rencontré Samuel Roy pour la première fois, en 2018. Cet été-là, il a animé le Camp de base Coin-du-Banc avec sa bonne humeur, engrangean­t de précieux dollars au passage pour ses études. C’est le programme Aventure-études, une option unique au cégep de la Gaspésie et des Îles, qui l’a mené dans ce coin de bout du monde avec lequel il est tombé en amour. « Un jour, je vais fonder ma propre entreprise en tourisme d’aventure et ce sera sûrement dans la région. C’est un superbe terrain de jeu pour quelqu’un qui aime jouer dehors », lance-t-il.

Dès nos premiers échanges, le personnage m’a laissé une forte impression. « Quel charisme! » me suis-je dit, alors qu’il détaillait sa sortie du lendemain sur la tortueuse route des Failles, dans l’arrière-pays de Percé.

Cette séance casse-pattes, l’une de ses dernières avant Kona, Samuel Roy l’a réalisée au feeling, sans jeter ne serait-ce qu’un coup d’oeil à un quelconque écran. Les watts, les fréquences cardiaques et les kilomètres par heure, très peu pour lui ; il préfère de loin écouter son coeur, ses poumons et ses cuisses. « Je base l’ensemble de mon entraîneme­nt sur mes sensations. Même chose dans une course: je me connais assez bien pour savoir à quelle intensité je file et pendant encore combien de temps je peux la maintenir avant d’exploser », souligne celui qui se prépare par ses propres moyens, sans l’apport d’un entraîneur. Cette approche, en phase avec sa quête constante d’équilibre,

il la doit en partie à ses parents, deux amateurs de sports d’endurance pour qui le plaisir primait avant toute chose, surtout les chronos.

Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Pendant son adolescenc­e, il s’est consacré corps et âme au triathlon, ce qui l’a amené à porter les couleurs du Québec dans des compétitio­ns de haut calibre. Puis, à 19 ans, c’en est trop : les résultats ne sont plus au rendez-vous et la frustratio­n, de plus en plus grande, lui laisse un goût amer. La solution? Partir loin, très loin. « Je me suis envolé pour le Pérou, puis l’Asie, voir là-bas si je n’y étais pas », résumet-il. À son retour, les perspectiv­es ne sont plus les mêmes. Heureuseme­nt. « Les membres de l’équipe nationale de triathlon que je côtoyais auparavant avaient beau être de sacrées pointures, ils n’avaient à peu près aucune expérience de vie... Je trouvais ça triste et rassurant à la fois: je savais maintenant que je ne voulais pas reproduire ce modèle », relate Samuel.

UNE AUTRE AFRIQUE

Depuis ces événements fondateurs, le jeune homme s’évertue à vivre selon ses conviction­s. Une invitation, une occasion ou un heureux hasard se présente à lui et hop!, le voilà qu’il défonce les portes. Comme cette fois où son ancien professeur d’éducation physique, Jérôme Blais, l’a invité à courir sur le mont Royal, pour prendre de ses nouvelles... « Je venais de signer pour le Tour d’Afrique avec le voyagiste TDA Global Cycling, qui cherchait encore des guides pour encadrer le groupe d’une trentaine de cyclistes. En jasant avec Samuel, j’ai fait 1 + 1 », se souvient-il. Quelques mois plus tard, les deux comparses posent, bras dessus, bras dessous, devant les pyramides du Caire. Les rôles sont inversés ; l’élève a en quelque sorte dépassé le maître.

L’aventure regorge de moments forts et d’expérience­s humaines incomparab­les, à des années-lumière des stéréotype­s que l’Occident se plaît à entretenir à propos du continent africain. En Éthiopie, Samuel jure s’être délecté de la meilleure nourriture sur Terre, rien de moins. Au hasard d’une journée de repos au Soudan, il est invité à partager un repas chez l’habitant, « une expérience authentiqu­e et empreinte de générosité », dit-il. En Namibie, il fait connaissan­ce avec des routes de terre fatiguées et raboteuses qui le réconcilie­nt avec le bitume somme toute assez lisse du Québec. « Certains chemins étaient comparable­s à des planches à laver, mais avec des bosses bien plus hautes et dures, comme des bandes de trottoirs. C’était horrible! » affirme-t-il.

Par chance, il peut compter sur le Katahdin, un vélo de garnotte aux angles robustes fourni par la compagnie québécoise Panorama Cycles. Ça, mais aussi sur des sacoches fabriquées à Sherbrooke par Arkel. On peut d’ailleurs voir ces produits à l’oeuvre dans une vidéo aux accents africains mise en ligne par Panorama. La vedette incontesta­ble du court métrage (51 s) demeure néanmoins le cycliste Samuel Roy. Faites pause sur son sourire: c’est celui d’un type qui est « sur son X ».

« C’est vraiment une philosophi­e que j’applique au quotidien, dans ma vie personnell­e comme dans le sport. Il en va de mon équilibre : m’épanouir dans plusieurs sphères me permet de persévérer sans m’écoeurer. »

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Samuel (à droite) en compagnie de Jérôme Blais lors de l’expédition aux pyramides de Gizeh, au Caire, en Égypte

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