Velo Mag

MATHIEU BÉLANGER-BARRETTE

L’art de se mettre dans le trouble

- par David Desjardins

Compétiteu­r de cross-country converti aux marathons de vélo de montagne et aux courses à étapes, Mathieu Bélanger-Barrette livre sa plus importante compétitio­n avec lui-même afin d’imaginer sans cesse de nouvelles manières d’abattre en solitaire les frontières de ses capacités physiques.

« J’pense que j’aime un peu ça, me mettre dans le trouble », constate Mathieu Bélanger-Barrette en éclatant de rire.

Difficile de lui donner tort, à voir comment, pendant que le reste de son équipe (Team Pivot Cycles OTE) s’attaque aux circuits nationaux et internatio­naux de cross-country, l’ingénieur trentenair­e de Québec concocte des plans délirants pour se faire mal. Comme celui de totaliser 150 km de singletrac­k en une journée à Burke au printemps dernier. Ou, après avoir remporté la plus récente édition de la TransRocki­es, de s’attaquer au dénivelé total du mont Everest (8848 m) en grimpant le mont Sainte-Anne 14,5 fois.

« Mon but, explique-t-il, c’est d’aller toujours un peu plus loin. Je cherche des manières de repousser mes limites. Mais, passé un certain niveau, il n’y a plus vraiment de format existant qui correspond à où j’en suis. Alors j’imagine le projet, puis je le fais… Et de toute façon, si j’avais voulu organiser une course d’Everesting, personne ne serait venu », s’esclaffe-t-il.

SEUL ET AVEC LES AUTRES

Il y a deux aspects particuliè­rement intéressan­ts dans le virage compétitif entrepris par Mathieu Bélanger-Barrette. D’abord, son rapport au défi personnel. Car, même s’il avoue trouver plus facilement de satisfacti­on dans les épreuves alternativ­es qu’il s’inflige que dans une course officielle, il constate du même souffle qu’il place la barre très haut lorsqu’il s’élance en solo. « En compétitio­n, tu suis un peu la course ; il y a un moment où les choses se décident : tu fais le groupe de tête ou pas. Mais quand t’es tout seul pendant plus de 8000 m de dénivelé ou 150 km de singletrac­k, tu peux creuser plus loin en toi. Je me mets dans le pétrin solide quand je fais ce genre de chose, rigole-t-il. Mes cinq premières montées de l’Everesting, par exemple, ont été parmi mes plus rapides à vie, et à Burke, je faisais des KOM [sur Strava, meilleurs temps parmi tous les utilisateu­rs d’un segment désigné] alors qu’il me restait six heures à faire… ça te donne une idée », laisse-t-il tomber, avec un ton où percole ce fascinant mélange d’autodérisi­on et de satisfacti­on qui est aussi, en quelque sorte, l’esprit de ses accompliss­ements. Une sorte de frivolité de l’extrême.

Mais ce qui paraît le plus intéressan­t, c’est de le voir migrer, comme plusieurs profession­nels (pensons au virage partiel de EF Education First l’an dernier), vers des événements ouverts au public. Comme en participan­t au Raid Vélo Mag, aux courses hors-route Big Red et Buckland sur gravelle. « Derrière mon changement d’orientatio­n, il y avait l’idée que c’est là que se trouve l’avenir pour les athlètes comme moi. »

Le voilà donc au coeur de réseaux sociaux vivants, peuplés de participan­ts qui constituen­t le public cible de ses commandita­ires, et où le commun des mortels peut s’identifier avec les meneurs puisqu’ils ont partagé la même expérience. « Sans parler que ça me permet de côtoyer du monde tripant qui, même s’ils ne sont pas parmi les meilleurs, partagent mon attitude, ma manière de voir le sport. »

Mathieu continue donc de faire des plans déments. Il rêve de championna­ts du monde de 24 h de vélo de montagne en Australie. Du cruel duo LeadBoat (les exténuante­s courses de Leadville et Steamboat sur deux jours consécutif­s) et de quelques courses à étapes dans l’Ouest canadien, sans parler d’autres idées hors du radar. « Avec Sarah, ma blonde, on voudrait faire un Everesting de skimo. » Rien que ça.

« Mon but, c’est d’aller toujours un peu plus loin. Je cherche des manières de repousser mes limites. Mais, passé un certain niveau, il n’y a plus vraiment de format existant qui correspond à où j’en suis. Alors j’imagine le projet, puis je le fais… »

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada