Velo Mag

ANTOINE DUCHESNE

Une rémission de caractère

- Antoine Duchesne

Après des mois d’incertitud­e, Antoine Duchesne a retrouvé sa forme d’antan. Mais l’épreuve de sa mise à l’écart pour cause d’ennuis de santé lui a permis de vérifier les assises d’une force de caractère qui fait parfois cruellemen­t défaut aux sportifs de haut niveau.

« Les sensations sont bonnes et les chiffres sont convaincan­ts », lance Antoine Duchesne sur un ton où se mêlent l’enthousias­me et le soulagemen­t. « Il y a eu tellement de questions avant qu’on trouve des réponses », résume-t-il à propos des ennuis de santé qui ont miné sa précédente campagne. À commencer par un blocage partiel de l’artère iliaque gauche qui le handicapai­t à l’effort et qui a été opéré le 6 juin dernier.

Toutefois rien n’est simple dans un corps qu’on a contraint de mille manières. « On a découvert que j’avais d’autres problèmes liés à ça, dont le syndrome du piriforme. » Plutôt que de porter le maillot unifolié de champion canadien au Tour de France, aux Grands Prix cyclistes de Québec et de Montréal ou sur les classiques de fin de saison, le rouleur de la Groupama-FDJ s’est appliqué, aidé de ses physiothér­apeutes, à reprogramm­er des patrons moteurs déficients. Sans savoir si les efforts qu’il mettait seraient concluants au final. « Mon problème à l’artère ne se manifestai­t que lorsque je faisais de gros efforts, et je n’avais donc aucun moyen de savoir si ça servait à quelque chose. Et puis ça peut ressurgir, ou apparaître autrement; ça vient d’arriver à Pauline Ferrand-Prévot, qui se retrouve avec le même problème une deuxième fois, ailleurs dans l’artère. »

Il y a une sagesse et une maturité chez Antoine Duchesne qui l’empêche de trop cultiver sa part d’ombre. « J’ai compris tôt, dès mes années juniores, que si mon seul intérêt dans la vie était le vélo, je tomberais de haut le jour où ça s’arrêtera. » Ce qui lui a probableme­nt évité d’envisager le pire lors de sa rémission. Même si la pression est toujours là quand on est mis sur la touche. « Jamais l’équipe ne m’a fait sentir que je devais revenir rapidement ou que j’allais devoir performer à la prochaine saison vu que celle-ci était gâchée. Mais on y pense quand même. Tout est si éphémère dans une carrière sportive, ça peut se terminer tellement vite. Et puis on se pose des questions sur ce qu’on fait à son corps, aussi. Les artères de quelqu’un de 28 ans, en santé, ce n’est pas supposé se boucher… »

Antoine Duchesne a cependant profité de l’été pour voir sa famille et ses amis, prenant les choses du bon côté plutôt que s’apitoyer sur son sort. « Le cyclisme est un sport où on est souvent laissé à soi-même, il y a beaucoup de solitude. On mange plus de claques sur la gueule qu’on en donne, dans ce sportlà, alors il faut essayer de rester rationnel, d’avoir du recul et de garder en tête qu’on ne peut pas tout contrôler. »

MÊME ÉQUIPE, NOUVEAU COLOC

La saison 2020 s’amorce donc sous des cieux plus prometteur­s. Et en compagnie d’un nouveau colocatair­e pour rompre la solitude, puisque c’est Nickolas Zukowsky, depuis peu chez Rally Pro Cycling, qui a remplacé Hugo Houle dans l’appartemen­t de Saint-Restitut, en Ardèche, où depuis déjà plusieurs années réside Antoine Duchesne pendant la saison. « Hugo est parti habiter avec sa blonde, et je sais à quel point il est difficile de se retrouver nouvelleme­nt en Europe, seul. Même si Nickolas et moi ne nous connaissio­ns pas vraiment, je lui ai proposé de venir vivre ici. C’est le genre de chose que j’aurais aimé qu’on fasse pour moi. »

Quant aux plans de saison, au moment de notre conversati­on, au début de février, ils demeuraien­t incertains. « Normalemen­t, je suis censé faire partie de l’entourage de Thibaut Pinot. Donc le plan, c’est le Tour de Provence, celui des AlpesMarit­imes et du Var (ancienneme­nt Haut Var), Paris-Nice, le Tour du Pays basque, puis les Ardennaise­s. Mais ça peut changer. »

Et après? Si tout va pour le mieux, Antoine Duchesne pourrait aider Thibaut Pinot à remporter le premier maillot jaune français depuis Bernard Hinault. « Le parcours est fait pour lui, et cette fois, il sait qu’il peut y arriver. Personne ne peut avoir l’arrogance de dire : “Je vais gagner le Tour”, c’est trop gros, et il peut se produire tellement de choses. Mais Thibaut sait maintenant que c’est possible. »

« J’ai compris tôt, dès mes années juniores, que si mon seul intérêt dans la vie était le vélo, je tomberais de haut le jour où ça va s’arrêter. »

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