Velo Mag

Aldo Andolfo

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J’ai rencontré Aldo à la frontière du Laos et du Cambodge. Il remontait vers le nord, j’allais en sens inverse. Nous avions échangé notre argent, troquant la devise du pays que nous quittions pour celle de celui où nous nous rendions, de même que quelques conseils concernant les lieux que l’un ou l’autre avait visités.

Pour la rédaction de cet article, je n’ai eu à envoyer qu’une seule question sur sa motivation à cet ambulancie­r français pour qu’il me réponde longuement via Facebook.

« J’avais originalem­ent prévu trois ans pour faire le tour du monde, m’écrit-il. Je me suis finalement arrêté après dix-sept mois. » Il a roulé de la France jusqu’au Vietnam, puis il a transporté son vélo au Canada avec comme objectif l’Argentine; son moulinage s’est cependant terminé à San Diego, en Californie.

Les lignes suivantes semblent sortir directemen­t de ma tête, me prouvant que les voyageurs à vélo passent tous par les mêmes transforma­tions. « J’étais au début totalement apeuré de ne pas savoir où je mettais les pieds, si le voyage à vélo était fait pour moi. Mes peurs et mes doutes n’existent plus, maintenant. J’ai appris à m’ouvrir plus facilement aux autres, à partager des instants, le plus souvent à la fois éphémères et très intenses, avec des gens que je ne connaissai­s pas. »

Certains moments du voyage ont été particuliè­rement éprouvants. Étouffé par les foules et la chaleur en Inde, Aldo y est littéralem­ent tombé malade à cause des conditions d’hygiène plus que précaires. Dans une toilette publique rurale – lire un trou dans du béton –, il a perdu connaissan­ce et s’est ouvert la lèvre supérieure sur le bord du trou en question. Il ne s’est réveillé que plusieurs heures plus tard, baignant dans son sang… Lors de notre rencontre, il m’avait raconté cette « anecdote » en me disant être ensuite passé en Birmanie « pour y retrouver la civilisati­on » !

Néanmoins, c’est dans l’Ouest canadien, après une année de voyage, que la lassitude a commencé à se faire sentir. « J’avais vu tellement de belles choses que tout ce qui était extraordin­aire était devenu normal. » Il a continué quelques mois vers le sud avant de décider de revenir en France à une vie normale.

Aldo m’écrit tout ceci du milieu de l’Afrique, qu’il est en train de traverser… à vélo. C’est qu’en effet, il est demeuré une année en France… avant de reprendre l’aventure sur un autre continent. « J’ai eu tort de penser que mon tour du monde était l’histoire de ma vie. Je le considère maintenant comme un chapitre. Mon retour m’a permis de réaliser que j’étais bien mieux dans le voyage, que je m’y sentais vivant, que ce sentiment de liberté totale faisait de moi une personne heureuse. »

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