Logistique, tu ne m’effraies point !
Sans une bonne planification de la logistique en amont du défi de ses rêves, ce dernier peut rapidement virer au cauchemar. Petit guide de prévention de catastrophes.
Pour Sébastien Ebacher, échafauder des plans compliqués est un peu une déformation professionnelle. Ce producteur de jeux vidéo chez Ubisoft Montréal pilote depuis quinze ans des équipes de centaines de personnes réparties sur plusieurs continents dans le développement de titres Triple-A. Son plus récent ? Far Cry: New Dawn, un jeu de tir à la première personne sur fond post-apocalyptique. Pendant ses temps libres, le quarantenaire s’entraîne en vue des Championnats du monde UCI Gran Fondo, qui auront lieu à Whistler du 9 au 13 septembre. Inutile de spécifier que la logistique inhérente à cette épreuve représente, pour lui, un jeu d’enfant.
« Trouver de l’ordre dans le chaos, c’est ce que j’aime par-dessus tout ! » lance-t-il en entrevue avec Vélo Mag. « J’utilise mon expérience en gestion et en planification de projets, de même que les outils pour les mener à bien, comme Trello. Puis je les adapte à ma passion, le vélo. Ce faisant, j’élimine tous les irritants qui pourraient nuire à mes performances », explique-t-il. Parmi ses faits d’armes, citons sa participation aux Mondiaux UCI Gran Fondo de 2019, en Pologne, puis, seulement six jours plus tard, au RBC GranFondo de Whistler... où le Montréalais s’est qualifié pour l’édition 2020 de ces mêmes Championnats du monde!
DANS LES MOIS PRÉCÉDENTS
La préparation du défi cycliste de ses rêves ne se fait pas en criant ciseau. Au contraire, c’est un exercice qui débute des mois à l’avance et qui s’intensifie au fur et à mesure qu’approche le jour J. Camille Marchand en sait quelque chose: elle organise depuis six ans La Randonnée Jimmy Pelletier, une virée cycliste au profit d’Adaptavie et de divers organismes québécois qui viennent en aide aux personnes vivant avec des limitations physiques et intellectuelles. À la prochaine édition, qui se tiendra du 1er au 4 juillet, environ 75 cyclistes franchiront les centaines de kilomètres séparant Terrebonne de Québec en passant par Saint-Jérôme, Berthierville et Shawinigan.
« Un événement qui s’étale sur plusieurs jours vient avec son lot de difficultés. De plus, nos participants s’engagent à récolter au minimum 1500 $ avant de prendre le départ », indique la conseillère aux événements spéciaux et à l’accessibilité universelle chez Adaptavie. L’experte recommande de placer d’abord les grands morceaux du casse-tête – l’hébergement, dans le cas de La Randonnée. « On s’intéresse à des détails tels que les espaces de rangement de vélo. On s’assure que comme cycliste, on sera bienvenu et qu’on sera à l’aise », souligne-t-elle. Dans le cas d’une compétition, on s’interroge sur la proximité de son pied-à-terre avec les lignes de départ et d’arrivée. Pouvoir les rallier à vélo ou à pied est un plus : pas de voitures à stationner !
Parmi les autres points majeurs à considérer figurent les transports. Quand l’épreuve est à distance « raisonnable » de la maison, la voiture fait généralement l’affaire. Mieux encore: on peut opter pour un véhicule récréatif, qui fait alors
office de camp de base mobile. Cependant, lorsque l’événement se déroule outre-mer, pas le choix: on se tourne vers l’avion. Autant que faire se peut, on choisit des vols directs qu’on réserve longtemps d’avance en vue de bénéficier des meilleurs tarifs, grâce à une application mobile comme Hopper. Sur place, Sébastien Ebacher n’hésite pas à louer une voiture « afin d’être le plus autonome possible », d’autant plus que les sites de compétition sont rarement urbains. En outre, il se fait un devoir d’arriver « au moins quelques jours à l’avance », histoire de s’installer, de reconnaître le parcours et d’encaisser le décalage horaire.
L’alimentation ne doit pas non plus être prise à la légère. Lors de La Randonnée Jimmy Pelletier, l’organisation prend complètement en charge cet aspect de la logistique. « Nous informons à l’avance les participants du menu de chaque jour – repas principaux et collations. Les participants sont donc avisés de ce qu’ils vont manger », dit Camille Marchand. Dans ce cas-ci, c’est l’idéal : le cycliste n’a qu’à ajuster avec sa propre bouffe, au besoin. Quand il s’agit d’une course où les participants sont laissés à euxmêmes, c’est une autre paire de manches. On veut éviter autant que possible la découverte de mets inconnus... et ses effets sur le transit intestinal. La solution: se cantonner à des aliments universels comme des bananes, des purées de fruits, des pâtes, des produits céréaliers et du café.
À L’APPROCHE DU GRAND JOUR
Sébastien Ebacher profite de ses dernières semaines d’entraînement pour mettre à l’essai le matos (vélo, roues, vêtements, casque, gourdes...) qu’il compte utiliser en compétition. Aussi, il s’assure que sa stratégie nutritionnelle est au point : pas question de découvrir une saveur de gel énergétique dans le feu de l’action ! Avant de prendre la route, il fait un saut chez son vélociste pour une ultime mise au point de son bolide. « Lorsque je suis nerveux, je suis naturellement porté à zigonner sur mon vélo. Mon tour en boutique m’achète de la paix d’esprit », analyse-t-il. Recharger les batteries de son Di2 et configurer le parcours de l’épreuve sur son ordinateur de bord sont des gestes qui font également partie de sa routine.
Le guide du coureur, cette véritable bible destinée à tous les participants d’un événement, répond à toutes les questions (ou presque) que ces derniers peuvent se poser. Parcours, horaire, services, réunions d’athlètes, récupération de la puce et des dossards : tout y est. Il faut se le procurer... et le lire! Dans le cas de La Randonnée Jimmy Pelletier, on parle d’une vingtaine de pages qui contiennent un précieux pense-bête, entre autres. « Les gens ont tendance à oublier d’emporter certains trucs dans leurs bagages, comme leur crème solaire ou leurs gants », précise Camille Marchand. Il est préconisé de télécharger sur son téléphone intelligent ce document d’une extrême utilité, de manière à ne jamais l’égarer.
Le matin même de l’épreuve, Sébastien Ebacher simplifie au maximum son petitdéjeuner. Pas de cuisson longue et inutilement compliquée: il se tourne plutôt vers des fruits et un bon gruau nappé de sirop, qu’il chauffe au four à micro-ondes. Puis il se glisse dans les vêtements qu’il a préparés la veille, prend ses gourdes (pareillement préparées la veille) et se dirige vers la ligne de départ. Là, il s’échauffe, puis patiente bien au chaud dans un vieux coton ouaté dont il se débarrasse sans regret à la toute dernière minute, avant le coup de feu. À peu près au même moment, il met en marche son application Strava, qu’il laisse rouler pendant toute la durée de la course. « À Vancouver, ça m’a sauvé: ma puce n’a pas fonctionné ! Heureusement, j’ai pu faire valider ma performance grâce à cet enregistrement », conclut le maître ès logistique.