À l’école des pros
e 24 mai prochain, Léandre Bouchard devra réaliser la performance de sa vie, rien de moins. Ce jour-là, l’Almatois prendra le départ de la Coupe du monde de vélo de montagne de Nove Mesto, en République tchèque. En jeu: un billet pour les Jeux olympiques de Tokyo, qui auront lieu deux mois plus tard. Le cycliste de 27 ans n’est pas le seul sur les rangs – son compatriote ontarien Peter Disera aspire également à participer à la grande danse olympique. La lutte sera serrée et la préparation en vue de celleci, ardue, prévoit Jude Dufour, l’entraîneur de Léandre Bouchard. « On se casse le pompon pour tout faire arriver au jour J. C’est pour moi une préoccupation de tous les instants », révèle-t-il en entrevue avec Vélo Mag.
La quête d’une forme physique digne des grands jours laisse bien peu de place à l’erreur, a fortiori lorsqu’on se nomme Hugo Houle ou Antoine Duchesne. Pierre Hutsebaut en sait quelque chose: c’est lui qui supervise l’entraînement de ces deux coureurs québécois évoluant en WorldTour, le plus haut niveau du cyclisme professionnel. « C’est un travail de longue haleine, qui se planifie sur des années. Ce n’est pas en quelques mois qu’on crée les conditions pour réaliser des défis d’envergure », affirme le propriétaire de Peak Centre Montréal. Il en fait d’ailleurs son conseil numéro un auprès des amateurs : « Accordez-vous au moins un an de préparation. Ne vous y prenez pas à la dernière minute. »
COMPTE À REBOURS
On estime que la forme physique à un moment donné est le reflet des 42 derniers jours d’entraînement. Le populaire logiciel TrainingPeaks base d’ailleurs son calcul de chronic training load ( CTL pour les intimes) sur ces six semaines, précisant au passage que les séances réalisées il y a 15 jours pèsent davantage dans la balance que celles effectuées il y a un mois. Peu importe, la conclusion est la même: c’est dans cet intervalle que tout se joue. Les semaines et mois en amont servent pour leur part à mettre la table en vue de ce moment critique. « On vise alors l’atteinte d’un sommet de charge, soit des semaines d’entraînement à la fois volumineuses et intenses. En prévision d’une course par étapes, on enchaîne des journées sur le vélo sans s’accorder de repos », explique Pierre Hutsebaut.
Les 7 à 10 jours qui précèdent l’épreuve cible sont quant à eux consacrés à l’affûtage. Fatigué, l’organisme profite alors de la baisse appréciable de la charge d’entraînement pour se refaire une santé – il est recommandé de réduire d’environ 30 à 50 % le nombre d’heures sur le vélo. En parallèle, de courtes sorties ponctuées d’efforts intenses sont maintenues afin de garder le système en alerte. « On cherche à créer une tension, puis à surfer sur ce momentum jusqu’au signal de départ, quitte à perdre un tantinet de forme », indique Jude Dufour. L’expert insiste aussi sur l’importance de ne pas se laisser « infecter » l’esprit lors de cette dernière ligne droite. « Il faut accepter dès le départ que l’échec fasse partie du jeu. Que même en se plantant, on apprend beaucoup », conclut-il, philosophe.
L’élite cycliste mondiale a l’habitude d’organiser l’ensemble de son entraînement en fonction d’une course donnée. Cela ne simplifie en rien l’exercice, au contraire.