TESTS VÉLO
Le Dark Matter est la première incursion de Argon 18 dans un marché en plein foisonnement, celui des vélos de gravelle. Voyons si le fabricant montréalais est aussi à l’aise dans la garnotte que sur le bitume, où il a fait sa renommée.
Argon 18 Dark Matter : un petit vite dans la garnotte Panorama Katahdin : un voyageur qui s’assume
Jai eu vent de l’existence du Dark Matter lorsque j’ai essayé les nouvelles moutures des Krypton GF et CS, il y a deux ans. Sa silhouette est basée sur celle de ces deux vélos orientés endurance. Cela se traduit par une fourche déportée et des haubans qui s’accrochent bien en bas de la jonction du tube de selle et du tube supérieur. On y trouve aussi le jeu de direction 3D+, la signature de Argon 18, parfaitement intégré au cadre qui offre une marge de manoeuvre de 0, 15 et 30 mm en matière d’extension du tube de direction, et ce, sans perte notable de rigidité. Visuellement, avec sa couleur sable et ses accents orangés, le vélo fera tourner les têtes. La bête est un vélo de gravelle et l’assume. On remarquera aussi une protection caoutchoutée sous le boîtier de pédalier et sur la base (asymétrique) côté pédalier, une bonne une idée pour préserver le cadre.
COMPOSANTES
Pour ce qui est du poids, le cadre (moyen) pèse 1246 g et la fourche 495 g. L’ensemble monté en Sram Force fait 8,8 kg pour le cadre en taille petit que nous avons testé. Nous vous suggérons fortement de regarder le tableau des grandeurs avant d’arrêter votre choix, car le fait de pouvoir changer la hauteur des espaceurs du jeu de direction avec le système 3D+ permet différentes configurations. Le cadre accommode des roues de 650b et de 700c et permet d’y installer des pneus allant jusqu’à 45c de largeur. Le freinage hydraulique s’opère avec un disque de 160 mm à l’avant et de 140 mm à l’arrière. La puissance de freinage s’est avérée adéquate et facilement modulable. Le cintre est évasé dans la partie courbée afin d’assurer un bon contrôle et d’offrir davantage de stabilité dans les descentes.
Le dérailleur arrière Sram Force est équipé d’un embrayage qui diminue les variations de tension dans la chaîne. La configuration monoplateau est très efficace en terrain rocailleux et garni de racines. Petit ajout intéressant, qui provient du monde du vélo de montagne: le dérailleur arrière peut se verrouiller en position ouverte, ce qui améliore grandement l’opération de changement de roue. Aussi, une petite cale empêche la chaîne de sortir du monoplateau à l’avant. Le câblage du cadre est interne ; un appendice est intégré au tube diagonal pour pouvoir y passer câble et gaine ou l’unité de contrôle Shimano Di2. Si l’envie vous prend d’installer des porte-bagages, sachez que le Dark Matter adopte une approche minimaliste en la matière.
SUR LE TERRAIN
Dès les premiers coups de pédale, on sent immédiatement le caractère joueur et la vivacité
de la monture. Avec un tube de direction plus élevé, on est un peu plus haut perché que sur un cadre de route, favorisant de ce fait une bonne vision et une position moins penchée. La selle, une Prologo Scratch, est confortable et n’exerce pas de pression incommodante sur la zone périnéale.
Les pneus, des Challenge Gravel Grinder 700 x 42, se comportent très bien sur l’asphalte, manifestant peu de résistance au roulement malgré les crampons. En jouant avec la pression, on sent nettement un changement en matière de confort. Nous n’avons pas mis moins que 38 psi dans les sentiers de vélo de montagne par crainte d’une crevaison. Fait à noter : les pneus sont tubeless et les jantes aussi. Si l’attrait des basses pressions en sentier technique se fait sentir, c’est une configuration tout indiquée. Le vélo grimpe très bien sur les chemins de garnotte ; on se sent en confiance tant en montée qu’en descente, y compris dans les courbes. La direction est précise même quand ça brasse dans la grosse caillasse et quand on doit faire preuve de maniabilité dans des sections plus techniques.
Pour ce qui est du guidon évasé, en descente, lorsque bien blotti dans la partie recourbée, on sent les bras ouvrir naturellement et laisser plus d’espace au vélo, lequel s’occupe de bien encaisser les chocs. On reconnaît les limites du cadre non suspendu dans les descentes à fond de train sur un sentier jonché de racines, mais il ne faut pas oublier que ce n’est pas un vélo de montagne… Sinon, à rythme régulier, le cadre fait un très bon travail d’absorption des vibrations. La combinaison guidon et potence (du FSA en aluminium) est très solide, mais peut-être qu’un ensemble en carbone filtrerait mieux les vibrations, même si ce sont les pneus qui font principalement le travail.
C’est sur nd le bitume qu’on sent la plus grande différence entre les configurations monoplateau et double plateau. Le changement de ratio est abrupt et le cycliste qui vient du monde de la route devra adapter sa cadence de pédalage. Cet effet est beaucoup moins perceptible en montagne, la marge de manoeuvre étant très grande avec un plateau de 42 dents et une cassette 11-42. Si votre Dark Matter est amené à fréquenter plus le bitume que la garnotte, une version à double plateau sera la bienvenue.
Rien à redire sur les roues HED Ardennes Plus GP : elles transmettent bien la puissance et se sont avérées très solides dans tout ce qu’on leur a fait subir. Nous avons substitué les HED aux nouvelles roues en carbone Reserve, avec un profilé de 35 mm et un modeste 1497 g, le tout monté avec des Goodyear Eagle F1 25 mm. On exacerbe immédiatement l’aspect dynamique du vélo, on le ressent dans les relances et les accélérations. Le Dark Matter n’a rien à envier à ses collègues purement routiers.
EN CONCLUSION
Le Dark Matter est taillé pour le plaisir, tant sur les sentiers que sur le bitume. Il est joueur, stable et parfaitement dans son élément sur votre sentier de garnotte préféré. Comme tout vélo, il recevra sans peine des accessoires de bikepacking, mais rien n’est prévu pour l’adapter à du cyclotourisme plus classique. Si nous ne pouvions avoir qu’un seul vélo pour aller sur la route et nous amuser sur les chemins de gravelle sans sacrifier la performance et le confort, celui-ci est tout indiqué.
Simon Bergeron est le fondateur de Panorama. Ingénieur de formation, il gravite dans l’univers du vélo chez feu Guru avant de créer sa propre gamme de skis alpins en fibre de carbone fabriqués au Québec. Son offre de vélos sous le nom de Panorama se réduit à deux vélos de gravelle et deux fatbikes. Acier et carbone pour le cadre sont proposés dans les deux familles. Il est possible de commander son vélo sur le site web du fabricant ou, si l’idée d’acheter un vélo en ligne vous effraie, de visiter quelques détaillants triés sur le volet. Le Katahdin présente sur le tube diagonal un dessin de loup blanc qui contraste avec le noir du vélo. Le design est le fruit d’une collaboration avec deux artistes vancouvérois, Sandy et Steve Pell (formant le duo Pellvetica), qui signent l’aspect visuel de la gamme de vélos Panorama. Le cadre en carbone, garanti cinq ans, semble robuste avec ses tubes de fort diamètre. La fabrication de celui-ci incorpore le laminé de thermoplastique
Xantu.Layr, lequel améliore la résistance aux impacts, une bonne initiative pour un cadre qui devra affronter des chemins difficiles.
Sur le plan du design, cela reste somme toute assez conservateur. On aime le coup de crayon de la ligne du tube supérieur qui réduit son diamètre à la jonction du tube de selle et des haubans. Les ancrages sont omniprésents, y compris sur la fourche, et sont savamment répartis sur le cadre pour que vous n’ayez aucune crainte d’installer vos porte-bidons, porte-bagages et garde-boue. Le câblage est interne et une ouverture sous le boîtier permet d’accéder à l’intérieur du cadre dans le but d’en faire l’ajustement. Le cadre est compatible avec des roues de 700c x 45 mm ou de 650b x 2,1 po.
COMPOSANTES
Le cadre de notre vélo de test pèse 10 kg sans pédales. Il ne s’agit pas d’un poids plume, mais considérant le créneau aventure/voyage de la bête, on s’y attendait. Le changement de
vitesse est l’oeuvre du groupe Sram Apex 1 monoplateau. Les freins à disque mécaniques de 160 mm sont jumelés aux étriers TRP Spyre. À ce prix, nous aurions aimé voir un ensemble de freins hydrauliques, vu leur grande polyvalence, leur puissance de freinage et leur modularité. Sachez qu’il est possible cependant de les ajouter, moyennant un supplément de 450 $, ce que nous vous suggérons.
Les roues ont été montées spécifiquement pour Panorama avec des jantes de vélo de montagne WTB à 32 rayons et des moyeux Novatec. Les pneus, des Terrene Elwood 700 x 40 mm, viennent s’asseoir à près de 45 mm de largeur une fois montés sur la large jante. Le guidon, un Easton EA50 AX de 44 cm, est évasé de façon à offrir une bonne stabilité et davantage de contrôle dans les descentes.
SUR LE TERRAIN
Le vélo testé venait avec deux paires de roues: des 700c, avec une cassette 11-42 à l’arrière, adaptées pour l’asphalte et les sentiers roulants, ainsi que des 650b, avec une cassette 10-46, montées avec des pneus de vélo de montagne WTB Nano 2.1 autrement plus accrocheurs. Les relances et l’accroche de cet ensemble sont notablement supérieures pour celui qui se risque sur des chemins plus rocailleux. Pour ce qui est des pneus 700, les Terrene Elwood se sont avérés très agréables à rouler, sans trop de résistance sur le pavé, et gardent une bonne accroche en sentier.
On a droit ici à un vélo stable, pas très loin de la géométrie d’un vélo de cyclotourisme. Il n’est pas conçu pour être vif et dynamique. On est donc plus à l’aise pour grimper en position assise que dans une relance endiablée en danseuse. La selle, une WTBSL8, est confortable, quoique le bec de selle soit un peu ferme.
Sur le plan du freinage, les freins à disque mécaniques s’acquittent correctement de leur travail, mais n’offrent pas la modularité d’un système hydraulique. On se sent tout de même en confiance en descente; le pilotage est précis et la position relevée permet d’être à l’aise. Sans être un exemple de rapidité, le groupe Apex fait bien le travail et limite les sauts de chaîne dans les descentes accidentées. Sur la route, en configuration monoplateau (42 dents), la cassette 11-42 ne facilitera pas la vie du routier pour trouver la bonne cadence ; on a toujours l’impression d’être entre deux ratios. En dehors du bitume, la cassette 10-46 installée sur la paire de roues 650b est autrement mieux adaptée aux variations du terrain.
EN CONCLUSION
Le Katahdin s’adresse au voyageur qui désire avoir une monture de bikepacking capable d’en prendre et qui ne veut pas manquer d’ancrages. C’est un beau vélo québécois conçu pour les imprévus et le dur labeur. En prime, le dessin sur le tube diagonal lui donne une personnalité forte. Il n’y a pas de doute que nous avons affaire à un vélo d’aventurier.