Velo Mag

Du bitume dans ma cour

- Jacques Sennéchael jsennechae­l@velo.qc.ca

Jamais une affaire de bitume tout neuf n’aura provoqué autant de débats. Le bitume en question, c’est celui qui est à la veille de tapisser le tronçon du P’tit Train du Nord entre Val-Morin et Sainte-Agathe-des-Monts. Une portion de 16 km qui augmentera la partie asphaltée de ce parcours cyclable de 234 km à 72%, soit un petit 7% supplément­aire. D’autres secteurs ont été asphaltés ces trois dernières années sans soulever d’aussi grandes vagues de protestati­ons.

Jean-Sébastien Thibault, directeur général du parc linéaire Le P’tit Train du Nord, n’était pas un partisan du bitume. Comme bien d’autres, moi y compris, qui considèren­t ce choix comme de la rectitude politique à saveur pétrolifèr­e. Après un sondage réalisé sur le sujet par des partenaire­s comme l’UQAM et Vélo Québec auprès des utilisateu­rs, et considéran­t l’appui au projet de 72 municipali­tés, la décision s’est imposée naturellem­ent dans la tête de celui qui pourrait être la version 2020 nettement plus moderne du curé Labelle. Parmi les arguments qui motivaient le choix d’un nouveau revêtement, trois pesaient une tonne d’asphalte dans la balance: de 20 à 40% d’usagers supplément­aires, une saison qui s’allongerai­t de trois à cinq semaines et une solution plus écologique que la criblure de pierre.

À l’annonce de cette décision, en juin dernier, les pétitions s’opposant au projet ont poussé comme des pissenlits dans les craques du bitume. Plus de 4000 signatures ont été recueillie­s contre le projet. Les signataire­s ont notamment mis à l’avant-plan la question environnem­entale.

De ce côté-là, les 50 mm d’épaisseur de poussière de pierre nécessaire­s ne sont pas ce qu’il y a de mieux en matière de protection environnem­entale pour la simple et bonne raison que ce matériau finit souvent par s’éparpiller dans la nature après cinq à sept ans. Il faut alors remettre 190 tonnes de criblure de pierre par kilomètre, ce qui est loin de se faire avec une brouette.

En ce qui concerne l’imperméabi­lisation, les gaz à effet de serre et les îlots de chaleur, il appert que l’asphaltage relativeme­nt étroit de la piste par rapport à un milieu urbain bitumé ne semble pas poser problème. Le Conseil régional de l’environnem­ent des Laurentide­s (CRE), qui n’a pas l’habitude de fermer les yeux lorsqu’il s’agit de protection de l’environnem­ent, a d’ailleurs appuyé la décision de l’asphaltage.

Un beau bitume bien lisse fait craindre aussi un envahissem­ent de pelotons filant comme des flèches ou d’adeptes de vélo à assistance électrique. Ce problème existe déjà avec le revêtement actuel. Ce sera à la Corporatio­n du parc linéaire Le P’tit Train du Nord de veiller à modérer les ardeurs et à modifier certains comporteme­nts. Déjà, on prévoit plus de patrouille­urs et de policiers sur le terrain. Dans le secteur de Val-David, la piste sera plus large, avec l’ajout d’une portion destinée spécifique­ment aux piétons.

Tout est une question de poids dans la balance. Le côté « pour » semble, logiquemen­t, plus pesant. On note cependant un argument «contre» à densité variable: l’atmosphère. Une piste en criblure de pierre est, pour certains, plus bucolique. Pour ma part, je n’ai jamais vu pousser une talle de criblure de pierre dans une clairière, pas plus que de l’asphalte, mais bon...

Pour toutes les raisons invoquées, je verrais sans problème une piste cyclable nouvelleme­nt asphaltée dans ma cour.

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