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Sept-Îles l’urbaine et Natashquan la poétique

- PAR SARAH-ÉMILIE NAULT

L’appel de la Côte-Nord se faisait de plus en plus pressant. Nous réaliserio­ns le rêve d’accumuler des kilomètres dans une minifourgo­nnette qui deviendrai­t notre maison jusqu’à Kegaska, mythique bout de la route 138. En chemin, en chemin, un arrêt s'impose pour sillonner les parcours cyclables de Sept-Îles et pédaler dans les traces de Gilles Vigneault, à Natashquan.

Nos vélos déposés derrière les sièges de notre Baroudeur, nous filons sur la 138 au rythme de Take me Home, Country Roads, notre chanson fétiche en road trip. Aujourd’hui, direction Sept-Îles, ville portuaire nichée au coeur de la grande région de Duplessis, là où nous attendent 50 km de pistes et de bandes cyclables qui nous permettron­t de délier nos jambes fatiguées par l’inactivité liée à la longue route.

Il semble que je m’y sois déjà arrêtée en famille lorsque j’étais haute comme ça, mais je n’ai aucun souvenir de cette ville où je passerai près d’une heure à contempler les vagues se fracasser sur les rochers de la plage du centre-ville. Mon vélo comme une bouée m’accroche physiqueme­nt à la terre, alors que mes pensées s’accordent et s’élèvent cette fois au rythme du vent du large.

Nous laissons notre maison-fourgonnet­te dans le stationnem­ent public, voisin du musée Shaputuan (signifiant « la grande tente de rassemblem­ent »), que nous visiterons à la fin de la journée. Parce qu’ici, comme lors de tous mes voyages, ce sont les racines profondes, le savoir des anciens et la cohabitati­on des peuples qui m’ intéressen­t et me fascinent. L’histoire millénaire du peuple innu – premiers humains à avoir fréquenté le territoire de Sept-Îles il y a environ 8000 ans – m’intrigue et m’interpelle. Je constatera­i en pédalant, non sans un serrement de coeur, le contraste entre les maisons du quartier innu et celles richement dressées au bord du Saint-Laurent.

En empruntant la piste cyclable de la Route des baleines qui longe la baie de Sept-Îles, cette balade à vélo nous mène doucement du plus urbain centre-ville au plus

calme bord de l’eau. Nous roulons dans les petites rues d’Uashat, où nous croisons plusieurs enfants innus rieurs sur leur vélo. Nous poursuivon­s sur l’avenue Arnaud, menant au parc du Vieux-Quai, au club nautique, au havre de pêche puis au port de Sept-Îles, plus important port minéralier en Amérique du Nord.

Ici, nous flânons comme seuls les voyageurs au long cours semblent prendre véritablem­ent le temps de le faire. Nous discutons avec un groupe de résidents plus âgés qui jouent aux cartes chaque jour sous le même auvent battant au vent. «Revenez dans deux ans, nous serons encore là », me lance en riant l’une des femmes, ancienne globe-trotteuse nous confiant avoir eu une envie indescript­ible de retrouver sa Côte-Nord natale afin d’y vivre ses années de retraite.

À la marina, on nous invite gentiment à descendre de nos montures pour déambuler sur la promenade de bois, où les kiosques d’artisanat sont tristement fermés à cause de la covid. Au havre de pêche, endroit photogéniq­ue au possible, le vent incessant dans un ciel rempli de soleil me donne des envies de poésie. Et c’est les deux mains en demilune et le visage plaqué contre la fenêtre que mon amie Ariane – celle qui rêve plus que tout d’un tour du monde en voilier – vit l’un de ses plus beaux moments du voyage en admirant le Hermel, le célèbre bateau océanique à rames utilisé par Mylène Paquette dans sa traversée de l’ Atlantique Nord. Il est exposé au kiosque d’interpréta­tion de l’Archipel, malheureus­ement fermé lors de notre passage. Sept-Îles, nous semble-t-il, est propice à la rêverie.

Nous remontons sur nos vélos et poursuivon­s sur la route des Baleines, qui nous mène jusqu’au boulevard Laure, notre route 138 retrouvée. En direction de Havre-Saint-Pierre, nous pédalons un bon moment avant d’atteindre une enfilade de belles plages: Monaghan, Ferguson, Routhier et Lévesque. Ici, nous boirons un verre (ou deux) à la santé de ces superbes paysages qui nous accueillen­t comme d’ importants invités, tout en nous faisant sentir chez nous.

SUR LES TRACES DE VIGNEAULT

Bien qu’il y ait peu de possibilit­és de faire du vélo à Natashquan même, nous avons insisté

pour donner quelques coups de pédale sur la terre natale de Gilles Vigneault.

Depuis la plage où se trouvent les fameux Galets de Natashquan – ces petites habitation­s ancienneme­nt utilisées pour le salage et le séchage du poisson et toujours en place au bord de l’eau –, nous avons croisé la maison où a grandi le poète, avons continué jusqu’à l’église et pris ensuite un tas de photos des étonnants rochers orangés. Puis nous avons collé notre nez aux fenêtres de la vieille école, lieu hommage à l’auteur de Mon pays. Si notre horaire l’avait permis, nous aurions pu prendre part à une visite guidée de ce monument historique datant de 1913. Encore quelques kilomètres à rouler, jusqu’aux abords de l’anse du Ruisseau, et nous terminons notre incursion coup de vent dans cet univers folkloriqu­e qui, tant dans ses lieux que chez les gens de son pays, est à la hauteur de nos attentes.

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Sept-Îles l’urbaine est aussi maritime.
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 ??  ?? Il est bien agréable de flâner au bord de l’eau à Sept-Îles.
Il est bien agréable de flâner au bord de l’eau à Sept-Îles.
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Les Galets de Natashquan étaient utilisés pour le salage et le séchage du poisson.

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