Moustache Dimanche 29.5 : le passe-partout
par Maxime Bilodeau Le fabricant français Moustache propose un vélo à assistance électrique à l’identité trouble, mais qu’on prend un malin plaisir à étrenner.
«Ilest considéré comme un gravel bike, mais certains l’utilisent surtout sur le bitume, alors que d’autres préfèrent plutôt le rouler sur des sentiers. Chose certaine, c’est vraiment un vélo polyvalent », me lance Stéphane Cyr, distributeur nord-américain de la marque vosgienne Moustache, en me remettant les clés d’un Dimanche 29.5. Un simple coup d’oeil à la bête achève de me convaincre. Pneus gras, fourche en carbone, cintre large et évasé, tige de selle télescopique, silhouette relevée qui évoque un routier d’endurance: nous avons ici affaire à un cocktail pour le moins détonnant.
Cela est d’autant plus vrai que l’ensemble est complété par un discret moteur Bosch situé dans le pédalier. La batterie se glisse sous le tube diagonal surdimensionné. On voit ici un VAE assumé, qui ne joue pas la discrétion du moteur caché dans le moyeu arrière. D’ailleurs, Moustache se spécialise dans les VAE – la marque ne vend que ça –, et ça paraît dans l’intégration esthétiquement réussie du couple moteur-batterie dans ses vélos. Contrairement à plusieurs autres de ses modèles, la gamme gravel de Moustache n’offre pas de déclinaison open, c’est-à-dire une version cadre ouvert plus facile à enjamber.
LES COMPOSANTS
Pierre Foglia écrivait que le seul avantage d’un vélo léger est qu’il est plus facile à rentrer et à sortir de la maison. Pierre Foglia aurait donc détesté le Dimanche 29.5, qui fait osciller la balance à 25 kg (taille moyenne). Si ce n’est rien d’anormal pour un VAE – c’est même plutôt bon –, il faut quand même prévoir un peu d’huile de bras pour le charrier dans un escalier en fer exigu, sur deux étages, comme c’est mon cas. Le faire dormir dans un cabanon ou un garage n’est tout simplement pas une option ; on parle tout de même d’une machine de 7300$. Et qui attire l’oeil en plus, avec son bordeaux mat au goût du jour.
Le cadre, justement, est en aluminium et est garanti cinq ans, tout comme la fourche en carbone sur laquelle on trouve des fixations pour porte-bagages et garde-boue. Les tubes hydroformés à épaisseurs variables et aux soudures bien polies respirent la robustesse. On trépigne d’impatience d’affronter des chemins difficiles sur cet ensemble monté en Shimano GRX 11 vitesses et monoplateau 42 dents. Le freinage hydraulique est assuré par un disque de 180 mm à l’avant et de 160 mm à l’arrière. Le câblage est interne, tandis que la tige de selle télescopique, qu’on active à l’aide de la manette gauche, offre un débattement de 80 mm.
Les roues sont montées sur des jantes Moustache en aluminium, à 32 rayons, et des moyeux Centerlock. Les pneus, des Maxxis Rambler 700 x 50, nous semblent prêts à affronter n’importe quel obstacle. C’est d’ailleurs la largeur maximale autorisée sur le Dimanche 29.5, sans garde-boue (leur présence force à descendre alors à 700 x 42). Pour un usage plus mollo, sachez qu’il est possible d’y enfiler des pneus aussi étroits que 700 x 30. Le guidon en aluminium de 50 cm de largeur, lui aussi de fabrication maison, est évasé avec un angle de 20 degrés. Cela est synonyme de pilotage stable et agréable aussi bien dans les descentes que sur des terrains tape-cul.
SUR LE TERRAIN
Une fois en selle, on oublie prestement l’épreuve de l’escalier. C’est plutôt le plaisir qui prend toute la place, celui de passer vraiment partout. Et à très bonne vitesse grâce au moteur Bosch Performance Line dont le couple du moteur de 65 Nm assure des accélérations franches et tranchantes en cas de besoin. Cela prend tout son sens lorsqu’on roule sur une piste de motocross, en dessous d’une ligne d’Hydro-Québec, faute de singletracks ouverts au moment de ce test. Malgré les roches, la bouette et les trous parfois béants, le vélo avale tout sans broncher. Il ne lui manquerait que des suspensions pour être un « vrai » vélo de montagne.
Le vélo répond aussi présent pour un usage plus classique sur des chemins de terre. La puissance nominale de 250 W et maximale de 600 W de son moteur offre des performances similaires à celles d’un vélo équipé d’un système Bosch Active Line Plus, qu’on trouve généralement sur des routiers. On grimpe sans peine les raidards et on oublie l’existence d’Éole lorsqu’il se fait capricieux.
L’accroche est excellente, même dans les virages les plus hasardeux, gracieuseté du centre de gravité très bas du vélo. Quatre niveaux d’assistance sont offerts, jusqu’à un impressionnant 300%, même si on passe dans les faits le plus clair de son temps sur le mode le plus économique. On aime l’ordinateur de bord Kiox, qui donne accès à moult informations et se connecte au portail en ligne de l’application eBike Connect à l’aide d’une connexion Bluetooth avec le téléphone intelligent.
Difficile de statuer sur l’autonomie réelle du Dimanche 29.5. Cela varie beaucoup selon la vitesse, le cycliste, le terrain – voir le calculateur d’autonomie de VAE en ligne de Bosch pour vous en convaincre. Pour ma part, j’ai atteint sans peine plus de 90 km d’autonomie lors d’une sortie de gravelle venteuse en plat pays. Dans la garnotte de Bellechasse, où il ne manque pas de raidillons, celle-ci était de moins de 80 km. À noter que je n’ai pas hésité à simplement éteindre le moteur lorsque je bénéficiais d’une assistance autre, comme le vent dans le dos ou une belle descente. Cela me confirme que le Dimanche est à son mieux quand il se conjugue avec le mot assistance, peu importe la nature de celle-ci.
Le Dimanche 29.5 est un éloge à la polyvalence. C’est une machine confortable, prévisible et fiable, sans égard à la destination et à la manière de rouler. Moustache tient en ce sens sa promesse de nous faire sourire à pleines dents. Pour un puriste comme moi, a priori assez réticent à l’idée de «tricher» au guidon d’un VAE, ce n’est pas rien.