Célébrer les 20 ans de la Véloroute des Bleuets
J’ai enfin parcouru les 256 km de la Véloroute des Bleuets. « Enfin », car celle-ci fêtait tout de même sa vingtième année d’existence en 2020 ! Sur cette boucle ayant accueilli 255 000 visiteurs l’an dernier, une chose m’a séduite autant que les somptueu
Nathalie, ma comparse de vélo, et moi avions décidé de prendre notre temps – plus de temps que bien des cyclistes croisés sur l’itinéraire jeannois – afin d’accumuler les pauses à discuter avec les gens du coin et les touristes, les découvertes gourmandes, les trempettes dans l’immense lac, les visites de musées et les rencontres d’artisans et de restaurateurs de Sagami, le terme utilisé par la population locale pour nommer la région. C’est donc les yeux plantés dans les vastes paysages défilant le long des 16 municipalités de la Véloroute des Bleuets que nous avons roulé pendant cinq jours à la découverte de Pekuakami – « Lac-Saint-Jean » en innu.
ET C’EST PARTI!
Le point de départ de notre périple est la maison du vélo d’Alma, car c’est de là que part la navette qui transporte quotidiennement nos valises d’un hébergement à l’autre. Direction : municipalité de Sainte-Monique.
Les 45 premiers kilomètres donneront le ton à notre mini-aventure : nous pédalerons sur des pistes cyclables, traverserons des secteurs résidentiels, emprunterons l’accotement de la grande route, aboutirons sur des rangs entre champs, plaines et collines. Ce sera l’occasion de saluer des fermiers entourés de moutons ou de chevaux et de profiter des nombreux points de vue sur la gigantesque masse d’eau. Le plaisir de la journée sera sans conteste la baignade dans ce fameux lac, histoire de faire baisser un peu la pression artérielle haussée par la chaleur intense.
C’est d’ailleurs à la plage du parc national de la Pointe-Taillon que nous avons bavardé avec Lawrence et Lynda, un gentil couple de sexagénaires d’Alma si heureux de nous vanter les charmes de leur région. « Ce parc de la Sépaq est notre préféré, nous ont-ils confié. Nous venons chaque semaine nous balader ici à vélo, à travers la forêt de conifères et au bord de l’eau. Et nous nous arrêtons souvent à la plage, justement, pour faire une petite saucette. »
La deuxième journée nous fait emprunter les 50 km qui nous relient à Dolbeau-Mistassini en longeant un moment la rivière Péribonka. La férue de littérature en moi a insisté: il fallait visiter le musée Louis-Hémon, dans la municipalité éponyme du cours d’eau, et avoir la chance de marcher exactement là où l’auteur a puisé l’inspiration pour écrire le roman Maria Chapdelaine. Ma section favorite ? Celle baptisée Maria Chapdelaine, vérités et mensonges, où sont démystifiées des croyances concernant l’homme de lettres, son écriture, ses personnages et ses sources d’inspiration.
À partir de là, la Véloroute se transforme en un long rang ceinturé de champs agricoles aux fermes impressionnant par leur taille et leur cachet. Tout au bout de ce rang, l’abri cycliste du village de Sainte-Jeanne-d’Arc apparaît, comme par magie, précisément au moment où une averse se pointe le bout du nez. Au bord de la rivière, devant l’ancien moulin, nous croisons la route d’une mère et de sa fille jeune adulte originaires de l’île des Soeurs. Celles-ci partagent avec nous le bonheur que leur donne ce beau tour du lac entre filles en trois jours. « C’est moi qui lui ai offert son premier vélo de route, raconte la maman, et maintenant nous roulons ensemble, de façon à passer du temps de qualité juste toutes les deux. »
La suite du parcours sera mon tronçon coup de coeur de la journée, car nous y pédalons au sein de la forêt, sur une piste cyclable parfaitement lisse, jusqu’au secteur Mistassini, sur la rive de la rivière Mistassibi, puis jusqu’au secteur Dolbeau. De la nuit au Gîte 40 Laverdure situé en bordure du cours d’eau, je retiens avec nostalgie l’aménagement du vaste jardin arrière, le brunch et la gentillesse de Serge et Lise, le couple de propriétaires, des gens tout simplement faits pour aller à la rencontre des autres.
LA DIVERSITÉ DE DOLBEAU-MISTASSINI
Le jour 3 nous mènera à Normandin en une soixantaine de kilomètres. Mais avant, en matinée, nous nous approvisionnons en sandwichs, salades et fromages au marché Wallberg. Nous passerons la première partie de cette journée en compagnie de Michel Chiasson, fier président de la corporation de la Véloroute des Bleuets depuis trois ans. « Selon moi, la Véloroute des Bleuets est un attrait touristique fort de la région, nous dit-il. Aujourd’hui, quand on parle du lac
Saint-Jean, on pense à la Véloroute, qui est internationalement reconnue. La beauté de celle-ci vient de la variété des paysages – les champs cultivés et les bleuetières, par exemple. J’apprécie beaucoup, après avoir roulé, arrêter boire une bonne bière dans une microbrasserie; il y en a plusieurs aux abords de la Véloroute.» Michel Chiasson nous fait découvrir la maison du vélo, les Halles du bleuet et son kiosque d’information touristique, le pont cycliste et piéton au-dessus de la rivière Mistassini, la plage, ainsi que la piste cyclable sous couvert forestier conduisant au centre communautaire d’Albanel. Si nous avions eu le loisir d’ajouter quelque 15 km à notre sortie du jour, c’est jusqu’à la Neuvième Chute, un secret bien gardé, qu’il nous aurait emmenées.
Dans la municipalité albaneloise, nous faisons la connaissance d’un petit groupe en tandem et vélos. Marie-Ève, Loïc, ainsi que Thomas, 10 ans, et Alexandre, 5 ans et demi, sont une famille de Drummondville inspirante au possible qui emprunte pour la première fois la Véloroute des Bleuets. «Nous faisons le tour du lac en une semaine parce que c’est notre première longue sortie en compagnie des enfants, expliquent les parents. C’est une belle façon de les responsabiliser et de prendre des vacances différentes. Nous deux, nous sommes habitués à faire du cyclotourisme ensemble, nous en faisons depuis 18 ans, mais pour eux, c’est tout nouveau. Ça se passe très bien. »
LE ROYAUME DE LA TARTE AUX BLEUETS
Le reste de la route est composé de beaucoup de coups de pédale et de deux arrêts gourmands, l’un à Albanel, à l’économusée Délices du Lac-SaintJean (fait inusité, l’entreprise a vendu l’été dernier 48 500 tartes aux bleuets faites à la main !), et l’autre à Normandin, à la fromagerie artisanale et fermière La Normandinoise, une entreprise familiale tenue par la sympathique Hélène Cadieux. Celle-ci dévoile ce que nous aurions peut-être fini par deviner : l’emballage du Maria Chapdelaine, un fromage à pâte molle à croûte fleurie, est orné d’un portrait d’elle plus jeune ! Les fromages portent des noms évoquant la région : Le Péribonka, une pâte molle affinée en surface ; Le chant du coq, une pâte demi-ferme à croûte lavée; le cheddar vieilli trois mois L’Albani. Le classique fromage en grains frais du jour n’est pas en reste.
Une piste cyclable traversant la forêt, côtoyant moult bleuetières puis se poursuivant sur des rangs enserrés entre des champs de maïs, d’avoine et de trèfle nous mène au site touristique Chute à l’ours, obligatoirement prononcé «chute à l’our» par les gens de la place! Nous dormons dans un chalet d’où nous verrons un magnifique coucher de soleil glissant dans la rivière Ashuapmushuan.
Le début de la journée du lendemain est relaxe, avec sa vingtaine de kilomètres de Normandin à Saint-Félicien. Cela nous donne amplement le temps de manger sur la terrasse aménagée de Bouchard Artisan bio et d’échanger avec Annie Bouchard et Valérie Lefebvre, deux des propriétaires de la cinquième génération. Les incontournables de l’endroit sont le fromage aux bleuets ainsi que l’un – ou plusieurs – des fromages fermiers fabriqués à partir de lait biologique certifié AgroBoréal et aux dénominations qui fleurent le terroir: St-Fé, Rapide Arcand, Chute à Michel, Chute à l’ours et Chute Chaudière. Cette chouette halte se révèle idéale pour les cyclistes, qui y trouvent de l’eau potable accessible pour remplir les gourdes, suffisamment de supports à vélo pour accueillir un peloton, des tables à pique-nique ainsi que divers produits frais offerts en formats facilement transportables.
De Saint-Félicien au village historique de Val-Jalbert, 38 km de route nous permettront de compléter notre parcours sur la Véloroute. Cette dernière journée, éclatante de soleil, est parfaite : ravitaillement à la fromagerie Perron, arrêt photo à la plage municipale de Saint-Prime, visite du Musée amérindien de Mashteuiatsh (communauté innue longtemps désignée sous le nom de Pointe-Bleue), pause lunch à la plage Robertson. De façon à terminer notre excursion en beauté, nous suivons scrupuleusement la recommandation des gens de la région en dégustant un gelato au chocolat noir à la Vache Copine, le bar laitier de la marina de Roberval.
REPÈRES
Le parcours de la Véloroute des Bleuets est facile, car principalement plat avec quelques montées. On y trouve maintes haltes et une quarantaine d’hébergements certifiés Bienvenue cyclistes ! Quatre maisons du vélo parsèment la Véloroute : à Alma, à Dolbeau-Mistassini, à Roberval et à Hébertville. L’ensemble du réseau est asphalté, à l’exception des 15 km du parc national de la Pointe-Taillon, qui sont en poussière de pierre bien compacte. Ce circuit cyclable est le premier qui soit électrifié en Amérique du Nord, avec cinq bornes de recharge à l’usage des vélos à assistance électrique. Chacune d’elles comporte quatre supports à vélo munis de compartiments où déposer des accessoires ; on verrouille le tout au moyen d’un seul cadenas.
D’AUTRES ADRESSES GOURMANDES •
Vergers de velours, à Saint-Henri-de-Taillon, où se procurer cidres, boissons alcoolisées primées, légumes, fruits, chocolats, pièces d’artisanat maison. • Le bistrot Ô pied marin, à la marina de Saint-Félicien. • La microbrasserie La chouape, en face, sur la berge ouest de la rivière Ashuapmushuan, aussi à Saint-Félicien. • Le restaurant du Moulin, au village de Val-Jalbert où on peut passer la nuit dans l’une des maisons historiques converties en chambres modernes.
UNE EXPÉRIENCE UNIQUE
L’Îloft d’Équinox Aventure permet de dormir sur l’eau dans une cabane au toit en dôme transparent et flottant sur le lac. Qui plus est, on s’y rend en kayak, une expérience hors du commun !