Les chemins de traverse : oser le Pontiac
Le Pontiac est peut-être l’un des coins les moins touristiques du Québec. Cela est une raison suffisante de s’y aventurer en vélo de garnotte.
La municipalité régionale de comté de Pontiac est absente du radar québécois. C’est comme si, en quittant l’arrondissement gatinois d’Aylmer, on débarquait aussitôt de l’autre côté de la rivière des Outaouais, en Ontario. Le Far West de la province partage de fait maintes similitudes avec son proche voisin, à commencer par celle de la langue. Ici, on vit in English, surtout à Shawville, son centre anglophone aux forts relents orangistes. Ses résidents y ont déjà expulsé manu militari une inspectrice de l’Office québécois de la langue française faisant son boulot. Les événements ont beau dater de deux décennies, la leçon tient encore: le visiteur francophone gagne à passer à l’anglais pour communiquer avec les Pontissois.
Tout n’est pas que querelle linguistique à l’ouest de la route 148, fort heureusement. Agricole et forestière, la peu populeuse (moins de 15 000 habitants) MRC de Pontiac regorge de chemins de traverse déserts où il fait bon se perdre sur deux
roues légèrement cramponnées. Mieux encore : on y trouve le Cycloparc PPJ, une piste cyclable de 92 km recouverte d’un mélange de poussière de roche et de gravelle qui rappelle le parc du Corridor aérobique, dans les Laurentides. Celle-ci constitue un axe tout désigné pour découvrir les secteurs entre Bristol et L’Isle-aux-Allumettes, ses points de départ et d’arrivée, au guidon d’un vélo de garnotte.
CHARME SURANNÉ
C’est d’ailleurs mon plan ce jour-là. De Shawville, je compte emprunter le PPJ en direction de l’île du Grand Calumet, y faire un tour, puis obliquer vers le nord où on trouve une constellation de petits et grands lacs (Leslie, Johnson, Thorne...). Pour m’inspirer, j’ai consulté les circuits de découverte proposés sur le site web du Cycloparc. Je les ai cependant adaptés afin d’éviter le plus possible les routes passantes au profit de celles non bitumées, qui sont légion dans le coin. Proposer un itinéraire est presque inutile tant les combinaisons sont nombreuses et somme toute accessibles. Qui plus est, il y a toujours moyen de couper court si l’envie s'en fait sentir.
Premier arrêt prévu: Campbell’s Bay, à environ 20 bornes de Shawville, d’où je m’élance. Chemin faisant, je traverse champs, boisés et marécages sans croiser âme qui vive. Quelques granges décaties ponctuent le décor verdoyant, lequel ondule à peine. C’est le calme plat, littéralement. Nous sommes à la fin d’août. L’été a beau s'achever, sa douce langueur se fait encore sentir. Au loin, le passage de rares voitures forme de longues traînées de poussière volatile. Le criquet stridule et le pick-up passe alors que je rejoins la rue Front, l’artère principale de Campbell’s Bay qui se confond avec l’ancien tracé ferroviaire de la Pontiac Pacific Junction (PPJ). À la sortie au sud du village, une vue panoramique sur l’île du Grand Calumet s’offre à moi.
Il faut explorer aussi bien les contours que l’intérieur de cette terre où les Algonquins avaient l’habitude de se réunir pour fumer la légendaire longue pipe. Sur le chemin de la Montagne, je croise la centrale hydroélectrique de Bryson, à la tête d’une série de rapides d’une longueur de 13 km qui donnaient jadis bien du fil à retordre aux coureurs des bois. Puis ce sont les maisons à gable en bois équarri qui retiennent mon attention sur les chemins de la Mine, Donnelly et Tancredia. Plusieurs semblent abandonnées, comme si le va-et-vient du monde extérieur avait épargné ce bout de terre pittoresque. À l’entrée du chemin de la Ligne-des-Bouleaux, un panneau de signalisation suggère poliment aux automobilistes de passer leur route, au risque de s’enliser. Vérification faite: ça passe très bien en gravel bike.