L'érable et ses alcools méconnus…
Les produits issus de l'eau d'érable comme le sucre, le sirop, la tire et le beurre sont des incontournables de la culture du Québec. Pourtant, la conserve de sirop d'érable de 591 ml, la fameuse «can» qu'on retrouve dans tous les frigos de la province n'a pas soixante dix ans. En effet, comme les produits alcoolisés à base d'érable, elle a fait son apparition dans les supermarchés au début des années 1950. Si les écrits sur la colonisation mentionnent très tôt les boissons à l'érable, elles sont, dans les faits, des spiritueux et du vin dans lesquels on a ajouté du sucre d'érable. L'eau d'érable destinée à une fermentation alcoolique en vue de créer un alcool à part entière remonte à l'après guerre. L'industrie est donc jeune et comme toujours au Québec, elle est liée à la commercialisation et aux autorisations d'élaborer et de vendre des alcools.
Même le roi Louis XIV a connu les saveurs de l'érable grâce à des dragées qu'Agathe de Repentigny, une femme d'affaires de Montréal, lui fît envoyer. En 1701, elle exportait déjà 30 000 livres de sucre d'érable en métropole.
Bien des étapes dans la transformation de la sève seront nécessaires pour améliorer le sucre qui en est issu, toutefois, c'est peut-être en 1889 qu'une invention déterminante permet la popularisation du sirop : l'évaporateur, un instrument des frères Small, qui provoque l'abandon du chaudron de fer et qui permet l'augmentation de la quantité et de la qualité de la production. Aujourd'hui, en 2017, les produits d'érable du Québec sont exportés dans plus de 50 pays et la province assure 72 % de la production mondiale.
Depuis le cidre jusqu'à la vodka en passant par les crèmes et les liqueurs, le marché québécois des boissons acéricoles s'enrichit d'année en année. Dans les faits, les produits sont devenus bons parce qu'on maîtrise désormais les façons de transformer l'eau d'érable en vue de l'intégrer à un alcool.
Toutefois, on peut encore légitimement se plaindre de l'abus des saveurs d'érable dans de nombreux produits manqués : sous le prétexte d'un arôme emblématique régional, certaines entreprises associent maladroitement, voire fâcheusement, l'érable à n'importe quel autre aliment.
Le sotolon* est à la mode, certes… Mais n'en abusons pas.
Une trentaine de produits d'érable sont disponibles en SAQ. On peut également en trouver, sur place, chez quelques producteurs de vins et d'alcools de la province.
Aujourd’hui, en 2017, les produits d’érable du Québec sont exportés dans plus de 50 pays et la province
assure 72 % de la production mondiale.
Acer, propriété de la famille Robert-Decaigny à Auclair, propose une gamme complète de produits alcoolisés depuis 20 ans, dont le Charles-Aimé Robert, une eau d'érable fermentée et mutée, vieillie en fût, aux accents de xérès particuliers. Sans doute le produit le plus original en la matière de la province.
Kamouraska et Sortilège, les deux marques sont aujourd'hui administrées par l'entreprise Mondia Alliance qui offre la gamme la plus riche du secteur. Michel Marcil, le distillateur, soigne toutes ses créations dont le Sortilège Prestige, un whisky de 7 ans aromatisé au sirop d'érable qui est, sans aucun doute, la meilleure eau-de-vie acéricole de la province. La Vodka Kamouraska aromatisée à l'érable, plus faible en alcool (30 degrés) est à essayer. Parmi les nouveautés, la liqueur de bleuets sauvages aromatisée au sirop d'érable joue agréablement la carte de l'équilibre fruit noir et caramel blond.
Nabazo, jeune entreprise (2013) et marque appartenant à Maxime Guertin. Elle offre aujourd'hui la meilleure vodka aromatisée à l'érable (avec un soupçon de romarin) de la province, car tout simplement fraîche, pure, fine et longue en bouche. Une qualité sans doute due à son taux d'alcool de 40 degrés, alors que les concurrents proposent des taux plus faibles.
Domaine Pinnacle, la marque si reconnue pour ses cidres, offre aussi sa gamme Coureur des Bois, consacrée à l'érable dont la crème à l'alcool peu élevé (15 degrés), reste digeste, malgré une onctuosité imprégnante. Le whisky est également assez liquoreux.
À Saint-Isidore, le Domaine Labranche est parmi les derniers-nés qui se sont lancés dans la vinification de l'eau d'érable. Le pétillant d'érable que j'ai défendu sur le site MonsieurBulles.com reste, selon moi, un produit à découvrir. Le vin d'érable La Branche conjugue fraîcheur et onctuosité ; quant au liquoreux d'érable, il est le plus abouti de la famille, car riche sans être lourd et parfumé sans être insistant : idéal avec un foie gras ou un fromage gras et puissant.
Intermiel à Mirabel a fêté son quarantième anniversaire. Qui n'a pas goûté leurs miels et leurs hydromels au Québec ? Découvrez à présent La Gélinotte et le Geai bleu, deux boissons à l'eau-de-vie d'érable, la première tirant avantageusement sur la torréfaction, la seconde occultant le même caractère grillé pour laisser passer un fruité noir discret.
Friand-Érable Lanaudière, Le couple Gadoury-Durand à Saint-Jean de Matha élabore depuis plus de 20 ans des boissons alcoolisées issues de leur érablière, exploitée depuis la fin du XIXe siècle ! Le Tonnelier et le P'tit Réduit sont deux vins originaux à déguster sur place.
Le Verger Bilodeau sur l'île d'Orléans offre une mistelle de pomme au sirop d'érable : l'onctuosité du sucre ne gomme pas l'acidité de la pomme. C'est une réussite.
La Vinerie de Kildare à Oka offre un Grand Esprit, une liqueur au sirop d'érable qui exhale des parfums épicés que je conseille sur glace ou en cocktail.
J'ai sélectionné ici les plus intéressants et les plus disponibles.
* Le sotolon est la molécule qu’on retrouve dans le curry, l’érable, les vins jaunes, le sauternes et la plupart des vins au rancio développé.
L'érable dans son habit de lumière à l'automne
(N B Ryan)
Une belle sélection de vins et liqueurs d'érable (G Revel)
Dès les premiers jours du printemps, la campagne québécoise s'éveille.