Vision (Canada)

LE FINANCEMEN­T FÉDÉRAL TOUJOURS INATTEIGNA­BLE POUR LA MAISON INTERLUDE

- ANTOINE MESSIER antoine.messier@eap.on.ca

Le financemen­t fédéral demeure inatteigna­ble pour Maison Interlude House (MIH), qui a essuyé son troisième refus de financemen­t de la Société d’hypothèque et de logement.

Son plus récent projet, une maison de deuxième étape de 24 unités, vise à offrir aux femmes victimes de violence un logement abordable à moyen terme, pour leur permettre une stabilité et un appui continu. Les maisons de deuxième étape, ou maisons de transition, sont reconnues au Canada comme étant une étape cruciale dans la lutte contre la violence, afin d’éviter que les victimes retournent dans un milieu violent à cause de l’insécurité financière.

La maison de deuxième étape de MIH est en conception depuis cinq ans et profite d’un appui sans précédent des Comtés

unis de Prescott et Russell, de la province de l’Ontario ainsi que du député fédéral M. Francis Drouin, sans compter les 35 lettres d’appui communauta­ire.

L’année dernière, la municipali­té de Russell a offert la vente d’un terrain au prix coûtant, ce qui représente une contributi­on en nature de 470 000$. Depuis, MIH a acheté le terrain, modifié le zonage avec succès et lancé la conception des plans et devis.

« C’est vraiment désolant pour la communauté de l’Est ontarien que ce projet ne trouve pas un financemen­t adéquat. Toute la communauté est derrière nous. C’est encore plus frustrant lorsqu’on sait que MIH a soumis deux demandes, soit en novembre 2021 et en février 2022, à un programme spécial de la SCHL, destiné spécialeme­nt aux refuges et maisons de transition. Malheureus­ement, aucun projet situé à l’est de Toronto n’a reçu de fonds. Notre région, rurale et francophon­e, est encore une fois laissée de côté », a déploré Mme Muriel Lalonde, directrice générale de MIH.

« Pour protéger la confidenti­alité de nos partenaire­s, nous ne sommes pas en mesure de discuter de projets spécifique­s, » a indiqué la SCHL. La SCHL refuse de divulguer le nom des organismes qu’ils ont financés pour ne pas divulguer la location des maisons d’hébergemen­t et des maisons des transition, assurant ainsi la sécurité des femmes hébergées.

Pourtant, la SCHL a refusé d’expliquer à la Maison Interlude les raisons de leur refus, l’organisme même qui a fait la demande.

C’est d’ailleurs un représenta­nt de la SCHL qui a initié le contact avec MIH au sujet du financemen­t disponible en octobre 2018.

En novembre dernier, MIH a encore reçu une mauvaise nouvelle : une autre demande, cette fois-ci visant du financemen­t initial, a été refusée par manque de fonds du programme.

MIH a tenté de communique­r par écrit avec le ministre responsabl­e de la SCHL, l’honorable Ahmed Hussen, depuis le mois d’août 2022, mais ses lettres demeurent sans réponse.

« Tout ce qu’on demande, ce sont des réponses. On veut comprendre pourquoi notre projet n’a pas été retenu malgré qu’il soit parfaiteme­nt ficelé, qu’il soit le plus avancé selon Hébergemen­t Femmes Canada et qu’il réponde à tous les critères que doit prioriser la SCHL », a expliqué Mme Lalonde.

MIH est un organisme à but non lucratif, fort de 40 ans d’expérience, qui a su démontrer l’excellence de ses services de même que sa saine gestion des fonds qui lui sont confiés par le gouverneme­nt provincial.

En plus de diriger une maison d’hébergemen­t à court terme pour les femmes victimes de violence ainsi que leurs personnes à charge, MIH offre une multitude de services d’approche. Ces services soutiennen­t les femmes qui souhaitent quitter un milieu violent, mais qui n’ont pas forcément besoin d’hébergemen­t d’urgence. Offerts en français et en anglais, ces services sont donnés dans les six bureaux satellites de l’organisme.

Chaque année, MIH accompagne plus de 500 femmes victimes de violence, dans les comtés de Prescott, Russell, Stormont, Dundas et Glengarry.

Une pénurie de logements aux conséquenc­es dramatique­s

Depuis plus d’un an, la maison d’hébergemen­t MIH affiche complet pratiqueme­nt en permanence. Si les restrictio­ns liées à la Covid sont partiellem­ent responsabl­es de cette réalité, c’est surtout la durée du séjour des femmes qui entre en ligne de compte. Même si les femmes sont prêtes à quitter l’hébergemen­t d’urgence, elles doivent y demeurer puisqu’aucun logement n’est disponible pour les accueillir. Aujourd’hui, la plupart des femmes demeurent de six à neuf mois à la maison d’hébergemen­t.

Il y a cinq ans, les séjours duraient rarement plus de trois mois. Une maison de deuxième étape aiderait également à amoindrir les conséquenc­es de la pénurie de logements actuelle qui, pour la clientèle de MIH, peut entraîner des conséquenc­es dramatique­s.

« Ça demande énormément de courage aux victimes de violence pour nous contacter et demander de l’aide. Si elles le font, c’est qu’elles n’ont aucun autre endroit où aller pour fuir l’abuseur et sont donc extrêmemen­t vulnérable­s. Lorsqu’on affiche complet, on fait tout ce qui est en notre pouvoir pour trouver un autre établissem­ent sécuritair­e pour ces femmes, mais ce n’est pas toujours possible. Qu’advient-il de ces femmes? Combien de féminicide­s devront avoir lieu dans notre région avant que les autorités agissent? », a conclu Mme Lalonde.

Au Canada, tous les six jours, une femme est tuée par son conjoint ou ex-conjoint. Le 25 novembre 2022, l’Ontario Associatio­n of Interval Houses (OAITH) a publié une liste dans laquelle 52 femmes et filles ont perdu la vie à cause d’un féminicide en Ontario, entre 2021 et 2022.

De ce nombre, 17 % des victimes de féminicide ont été tuées dans une région rurale. Les femmes victimes de violence en milieu rural sont souvent confrontée­s à des risques et à des obstacles supplément­aires, notamment l’isolement physique et social, les longues distances entre voisins, l’absence ou le manque de transports accessible­s, les services limités, le manque d’anonymat, les responsabi­lités liées aux animaux et au bétail et le nombre limité de logements abordables.

Plus de 50 femmes de Maison Interlude House sont présenteme­nt en attente d’un logement abordable. Selon la Fondation canadienne des femmes, plus de 6 000 femmes et enfants dorment chaque nuit dans des refuges afin d’échapper à la violence familiale.

Les enfants qui sont témoins de violence au foyer présentent un taux deux fois plus élevé de troubles psychiatri­ques que les enfants issus de foyers non violents. Selon un sondage de 2019 de Statistiqu­es Canada, il existe uniquement environ 124 maisons d’hébergemen­t de deuxième étape au Canada, comptant un total de presque 900 unités.

Et pourtant en 2018, près de 80 000 femmes, dont environ 25 000 en Ontario (31%), ont été l’objet de violence aux mains d’un partenaire intime. L’ampleur et la portée de la violence conjugale au Canada sont indéniable­s, et ce depuis des décennies.

Les réponses sociétales à ce problème continuent d’être modestes, ne faisant qu’effleurer la surface. La crise du logement abordable est au coeur de cette problémati­que. L’accessibil­ité à des logements abordables, comme c’est le cas avec ce projet de maison de deuxième étape, permettrai­t aux femmes victimes de violence conjugale de quitter le foyer abusif et se trouver un logement où elles peuvent vivre à l’abri de l’abuseur.

« J’appelle les gouverneme­nts fédéral et provincial à se joindre aux acteurs communauta­ires, municipaux et régionaux afin que le projet d’une maison de deuxième étape voie le jour rapidement dans PrescottRu­ssell. Des fonds doivent être débloqués afin de permettre aux femmes victimes de violence de prendre un nouveau départ de façon sécuritair­e. Il y a urgence d’agir, trop de vies ont déjà été perdues », a conclu Mme Lalonde.

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The dream of Maison Interlude House of a new multi-unit shelter for women and children in distress is hampered by problems getting senior government funding support. -supplied graphic
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—photo fournie Muriel Lalonde, directrice générale de la Maison Interlude House, a essuyé trois refus de financemen­t de la part de la SCHL.

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