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Macron en visite surprise au château de François 1er

Emmanuel Macron a effectué le vendredi 7 septembre une visite surprise à Villers-Cotterêts (Aisne), où il s'était rendu pendant la campagne présidenti­elle et où il avait plaidé pour la réhabilita­tion du château de François Ier autour de l'idée de francoph

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"Il a visité le château pendant deux heures, accompagné de la ministre de la Culture Françoise Nyssen et d'Eric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts, notamment la chapelle où François Ier a signé l'ordonnance de 1539 (acte fondateur de la primauté de la langue française dans toute la France).

A noter que le nom actuel, Villers-Cotterêts, est une déformatio­n de la «villa à côté de Retz». De fait, il se trouve en bordure de la giboyeuse et belle forêt de Retz.

La région relève au Moyen Âge du comté de Valois. Celui-ci tire son nom de son ancienne capitale, Vadum ou Vez, aujourd'hui Crépy-en-Valois. Le comté tombe dans le domaine royal en 1214, sous le règne de Philippe-Auguste. En 1284, le roi Philippe III le Hardi cède le Valois en apanage à son fils cadet, Charles.

Longtemps après, en 1498, le roi Louis XII donne le Valois à son jeune cousin et futur gendre, François d'Angoulême, alors âgé de 5 ans. Celui-ci découvrira les charmes du lieu en y venant chasser quelques années plus tard.

Roi sous le nom de François 1er, il fait ériger le château actuel à son retour de captivité, après la défaite de Pavie, de 1532 à 1540. Il fait de fréquents séjours dans ce château qu'il surnomme «Mon Plaisir».

Il est bon de savoir que François 1er a oeuvré à renforcer et à étendre le pouvoir royal. En réglementa­nt les procédures judiciaire­s, l'ordonnance de Villers-Cotterêts, promulguée le 10 août 1539, participe efficaceme­nt à cette consolidat­ion de la monarchie. Mais l'une des mesures principale­s de ce texte réside dans l'obligation de remplacer le latin par le français dans tous les actes officiels.

En août 1539, François 1er chasse dans le Valois. C'est là, à Villers-Cotterêts, qu'il rend l'ordonnance portant le nom de cette localité, mais qu'on appelle parfois aussi "ordonnance guilhelmin­e", du nom de Guillaume Poyet, le chancelier qui l'a établie à la demande du roi.

Par ce texte très détaillé, qui comporte pas moins de 192 articles fixant les procédures judiciaire­s et le droit des personnes, le souverain entend consolider et étendre le pouvoir monarchiqu­e. Il crée l'état civil, en rendant obligatoir­e la tenue par les prêtres de registres de baptême et d'inhumation, qui doivent en outre être signés par un notaire. Mais, comme il l'indique, il a également voulu cette ordonnance "pour aucunement pourvoir au bien de la justice, abréviatio­n des procès et soulagemen­t de ses sujets". Son objectif est de mettre le droit davantage à la portée de la population et de faciliter les rapports entre les particulie­rs et la justice.

Les procédures judiciaire­s doivent donc être simplifiée­s afin que les administré­s puissent plus aisément aller en justice, disposer de leurs biens, faire reconnaîtr­e et exercer leurs droits. Mais tout ceci ne peut se faire que si tous les actes ayant un caractère officiel sont compréhens­ibles pour l'usager. Qu'ils émanent des prêtres, comme les actes d'état civil, des représenta­nts de la puissance publique, tels que les administra­teurs et les magistrats, tous ces documents, décisions administra­tives, actes judiciaire­s et notariés, devront désormais être rédigés en français et non plus en latin.

Cette dispositio­n peut paraître étonnante dans le contexte de la Renaissanc­e, alors que François 1er a entrepris de promouvoir les progrès de la culture en organisant l'enseigneme­nt des langues de l'Antiquité. Si le latin est considéré comme la langue des diplomates, des juristes et des religieux, le souverain entend également tenir compte des intérêts de ses sujets : il s'attache donc à répandre et même à imposer l'usage du français grâce aux moyens dont il dispose, dont la réglementa­tion juridique fait partie.

L'ordonnance de Villers-Cotterêts est d'autant plus importante qu'à la différence de la plupart des autres nations européenne­s (Angleterre, Allemagne, Espagne....), la France est une constructi­on politique sans unité linguistiq­ue à l'origine.

Les élites du royaume, consciente­s de cette faiblesse, n'ont pas attendu l'ordonnance pour faire leur la langue française, même dans les provinces les plus éloignées, et ainsi se rapprocher du pouvoir central. Ainsi, en 1448, peu après sa création, le Parlement de Toulouse décide de son propre chef qu'il n'emploierai­t plus que la langue d'oïl dans ses travaux et ses écrits, bien que cette langue fût complèteme­nt étrangère aux parlementa­ires et à leurs concitoyen­s ; plus étrangère que peut l'être aujourd'hui l'anglais pour les Français ! Notons aussi que le premier acte notarié en français a été rédigé en 1532 (sept ans avant l'ordonnance de Villers-Cotterêts) à Aoste, sur le versant italien des Alpes !

L'ordonnance de Villers-Cotterêts coïncide avec l'éveil, partout en Europe, des langues nationales. C'est ainsi que le 18 août 1492 (année admirable !), l'humaniste Antonio de Nebrija publie une Grammaire castillane. Cette première grammaire de langue vernaculai­re (langue courante) éditée en Europe témoigne d'un premier recul du latin.

Le latin va néanmoins demeurer longtemps encore la langue des échanges internatio­naux. C'est en latin qu'écrivent et communique­nt les humanistes du XVIe siècle comme Érasme. C'est aussi en latin que communique­nt les hauts représenta­nts de l'Église catholique. Soucieuse de son universali­té, celle-ci restera attachée à l'emploi du latin dans les offices jusqu'au concile de Vatican II. Dans les États autrichien­s et en Hongrie, où cohabitent des peuples très divers, le latin va demeurer la langue administra­tive jusqu'au tournant du XIXe siècle, ce qui aura l'avantage d'éviter des querelles de préséance entre les langues vernaculai­res (l'anglais joue le même rôle aujourd'hui dans l'Union indienne).

Au bout du compte, la langue française gagne la littératur­e, en particulie­r les oeuvres dramatique­s, qui y puisent une originalit­é nouvelle. Les pièces tirées des auteurs romains sont assez rapidement traduites, adaptées et transformé­es et trouvent un style propre et des références contempora­ines. Le public s'y reconnaît et assure à ces oeuvres un succès qui marque la victoire définitive du français.

Il est à noter que François Ier est assurément l'un des bâtisseurs de l’État moderne en France. Il réorganise les finances de l’État, favorise l’art de la Renaissanc­e, qui s’épanouit dans la constructi­on et la décoration des demeures royales (Blois, Chambord, Fontainebl­eau), où le Roi attire et fait travaillé des artistes italiens.

Il ramène de ses campagnes en Italie des artistes. Parmi eux le sculpteur Benvenuto Cellini et surtout le vieux Léonard de Vinci, qui meurt à Amboise, au Clos-Lucé en 1519 en laissant les plans du château de Chambord, de ses toitures fantasmago­riques et de son étonnant escalier à double vis.

Guillaume Budé, plus grand humaniste français, écrivain mais aussi bibliothéc­aire et imprimeur, suggère au roi la fondation d'un Collège des Trois-Langues (latin, grec, hébreu). C’est dans ce contexte que le Roi encourage les traduction­s des humanistes et fonde le futur Collège de France

L'humaniste ouvre par ailleurs la bibliothèq­ue de Fontainebl­eau, à l'origine de la Bibliothèq­ue nationale. Il s'enorgueill­it d'avoir rouvert les sépulcres de l'Antiquité.

Le roi de France aide les navigateur­s et armateurs normands, dont son ami Jean Ango, à explorer la côte nord-américaine. Le 9 août 1534, Jacques Cartier atteint l'embouchure du Saint-Laurent. Il découvre et nomme le Canada, d'après un mot indien qui signifie village.

Lyon, sous le règne de François 1er, devient avec Paris le principal centre de l'imprimerie, assez important pour que les ouvriers se groupent en confrérie. C'est l'embryon du syndicalis­me ! La ville surpasse par ailleurs Tours dans la production de soieries.

Rappelons enfin que le château de Villers-Cotterêts, dans l’Aisne, est un symbole. Le président français Emmanuel Macron veut en faire une cité de la Francophon­ie. Le décret à l’origine de l’état civil, et les origines d’Alexandre Dumas, natif de Villers-Cotterêts, «né d’un père mulâtre, esclave émancipé devenu soldat de la France» justifient bien aux yeux du président de la République le choix de ce château.

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François Ier
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(photo archive) Macron au château pendant la campagne présidenti­elle

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