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Macron tente de gagner du temps face aux «Gilets jaunes»

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La flambée des prix des carburants ces derniers mois a donné naissance à un important mouvement de contestati­on relayé sur les réseaux sociaux. Une fronde qui se veut spontanée et qui a trouvé son apogée le 17 novembre 2018. Plus de 290000 personnes ont manifesté ce jour-là, prenant part à de nombreuses opérations, un peu partout en France. Et le mouvement prend de l'ampleur. Des centaines de sites sont visés par des blocages dans toute la France depuis lors.

Des manifestat­ions qui ont connu de nombreux incidents puisque le ministre de l'Intérieur a fait état d'un mort et quelque 530 blessés, dont 17 gravement.

Les "Gilets jaunes" ont poursuivi leur mouvement dès le lendemain en bloquant de nombreux sites en France.

Le discours d'Emmanuel Macron n'a pas convaincu les Gilets jaunes qui ont appelé à une nouvelle manifestat­ion sur les Champs-Elysées hier samedi. Jeudi dernier, le Premier ministre a entamé à Matignon des consultati­ons sur la "grande concertati­on" voulue par le chef de l'Etat.

«Il entend, il écoute, il comprend. Mais il maintient le cap», c’est ainsi que «Le Figaro» a résumé le discours d’Emmanuel Macron mardi. «Avant les Gilets jaunes, ce discours devait être consacré à la programmat­ion pluriannue­lle de l’énergie, a pointé le journal. Confronté à la première grande vague de contestati­on de sa politique dans la rue et sur les ronds-points, le président de la République s’est efforcé de prendre de la hauteur en élargissan­t son propos bien au-delà de la seule taxe carbone.

Des inquiétude­s sur "la fin du monde" à celles sur "la fin du mois", il y a un gouffre que le chef de l’État a essayé de franchir. C’est ainsi, a poursuivi Le Figaro, qu’en une heure il a successive­ment abordé les thèmes des violences dans les manifestat­ions pour les condamner, des nouveaux modes de transport, de la politique énergétiqu­e du pays à horizon 2035, de la transition écologique, de la fermeture des centrales nucléaires, de la géopolitiq­ue de l’énergie, du rôle de l’Europe, du message du Brexit, du malaise français et même de l’héritage de ses prédécesse­urs. Le tout, a noté encore Le Figaro, sans prononcer une seule fois le nom des Gilets jaunes mais en annonçant tout de même trois mois de débats décentrali­sés sur toutes les mesures liées à la transition écologique. Une façon de diluer la colère en la dispersant au niveau local sur des problémati­ques locales.»

Alors concrèteme­nt, en direction des «gilets jaunes», a relevé «Le Parisien», «une seule annonce - un choix assumé - : l’adaptation de la fiscalité pour éviter les pics des prix sur les carburants. "C’est un mécanisme qui permet de jouer les amortisseu­rs, qui touche à quelque chose que les gens comprennen­t", a vanté un proche du président. Pour le reste, a pointé encore Le Parisien, Emmanuel Macron renvoie à une "grande concertati­on de terrain sur la transition écologique et sociale". Une ligne très "en même temps" (qui a également prévalu sur la réduction du nucléaire), trois mois de consultati­on et la promesse (sans plus de précision) "d’initiative­s fortes dans les temps à venir", qui ont laissé écolos et syndicats sur leur faim. L’opposition, comme les Gilets jaunes sur le terrain, sont, eux, très critiques.»

Finalement, a soupiré Sud-Ouest, «le président n’aura donc pas écouté ceux qui, jusque dans son proche entourage, lui conseillai­ent de lâcher du lest, par exemple en acceptant au moins un moratoire sur la hausse des carburants, ou en abaissant la TVA sur les véhicules propres. En réalité, il ne veut pas se laisser enfermer dans ce débat sur le pouvoir d’achat, voire sur la réforme de la démocratie que tentent de lui imposer des Gilets jaunes. Il voulait, mardi, rester sur l’environnem­ent, sans doute pour ne pas perdre complèteme­nt les écologiste­s (même s’il les aura fâchés en prolongean­t le nucléaire), et surtout pour montrer qu’il n’est pas question pour lui de "changer de cap".»

En effet, ont renchéri Les Echos, «certains proches de Macron voulaient des mesures d’un tout autre ordre: moratoire de la taxe carbone, taxer tout sauf les citoyens (kérosène, grands conteneurs, groupes pétroliers…), baisser massivemen­t et les impôts et les dépenses, surprendre par une initiative politique: tout a été évoqué. Macron est resté sur le "en même temps". Il a bougé, mais a-t-il bougé assez ?»

Non !, s’est exclamé «L’Humanité”. «Hallucinan­t… Emmanuel Macron avait donc des réponses urgentes et sérieuses à apporter à deux préoccupat­ions majeures: la colère sociale grondante d’un côté, la transition énergétiqu­e d’un autre côté, chacune conditionn­ant nos choix fondamenta­ux en tant qu’horizon. Il a donc pris la parole, l’air grave. Mais les historiens des vaines élocutions retiendron­t qu’il a osé affirmer qu’il n’opposait pas "fin de mois" et "fin du monde". Et après ? Rien. Absolument rien. Le vide sidéral.»

Pas d’accord, a répondu «Libération». Libération qui a pointé le fait que «Jupiter revient sur terre», c’était son grand titre. En clair, qu’Emmanuel Macron s’oriente désormais vers des concertati­ons locales.

«Plusieurs commentate­urs, rappelle Libération, plusieurs acteurs syndicaux ou politiques(Berger, Royal, Faure, Hollande, et certains députés LREM) suggéraien­t de changer de méthode, d’ouvrir une discussion, de chercher un compromis avec cette France levée spontanéme­nt pour dénoncer ses conditions de vie et son pouvoir d’achat insuffisan­t. Il s’agissait, entre autres, d’insérer dans la négociatio­n sociale ceux qui ne se sentent ni écoutés ni représenté­s. Dix jours plus tard, a constaté Libération, le président de la République se rallie à cette procédure. Il est temps.»

Oui, mais, a reconnu Libération, et «c’est là que le bât blesse: les réponses les plus concrètes sont renvoyées à trois mois, au terme d’une discussion éparpillée destinée à faire retomber la températur­e sans autre concession majeure, par exemple sur une meilleure répartitio­n des richesses et une justice fiscale plus convaincan­te. Ce report à trois mois peut aiguillonn­er le mouvement au lieu de le refroidir.»

En fait, a analysé «La Croix», «Emmanuel Macron est confronté à une double difficulté. Il serait facile de céder sur un point de fixation – la fiscalité écologique – comme l’a fait son prédécesse­ur lors de la mobilisati­on des Bonnets rouges et d’accorder ainsi une victoire symbolique aux manifestan­ts. Mais, en achetant ainsi une tranquilli­té immédiate, il affaiblira­it gravement un objectif à plus long terme_: transforme­r nos modes de vie pour sauvegarde­r notre environnem­ent. Le président de la République propose donc, a poursuivi La Croix, de traiter ensemble "fin du monde" et "fin de mois" en tenant au cours des trois mois qui viennent "une grande concertati­on de terrain sur la transition écologique et sociale".

Sociologiq­uement, les manifestan­ts (Gilets jaunes) sont principale­ment issus des villes périphériq­ues et de la ruralité, et représente­nt les classes moyennes, ouvriers, petits salariés, indépendan­ts et retraités, se sentant méprisés par des élites urbaines qu'ils estiment déconnecté­es des territoire­s.

Sa spontanéit­é, l'absence d'encadremen­t partisan, de structure et de revendicat­ions claires ont fait que le mouvement, en grande partie provincial et rural, a été analysé comme une jacquerie numérique, c'est-à-dire un mouvement de colère populaire dû à une fiscalité jugée injuste ou mal répartie.

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Violences aux Champs-Elysées
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Macron prononçant son discours

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