Watani Francophone

Le film égyptien "PLUMES" primé au festival de Cannes

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Le jury de la semaine de la critique, l'une des sections parallèles du festival de Cannes consacrée à la découverte de nouveaux talents, a décerné son Grand prix Nespresso à un premier film égyptien, Feathers (Plumes), d'Omar El Zohairi. Le film qui était soutenu par l’Organisati­on internatio­nale de la Francophon­ie (OIF) a été primé mercredi 14 juillet 2021, en même temps que les deux feux d’artifice de la Fête nationale.

Cette section se concentrai­t cette année uniquement sur de premiers films. Et c'est le réalisateu­r égyptien Omar El Zohairi qui s'est imposé. Une récompense méritée pour un beau film très particulie­r et bien maîtrisé.

Dans le film, une femme "dévouée corps et âme à son mari et à ses enfants" doit tout à coup assumer "le rôle de cheffe de la famille", après qu'un magicien a transformé accidentel­lement son mari en poule, lors de l'anniversai­re de leur fils de quatre ans. "Luttant pour sa survie et celle de ses enfants, elle devient peu à peu une femme indépendan­te et forte", selon le synopsis du film.

Si un cinéaste a soudaineme­nt besoin d'un ou deux poulets pour son film, il y a un réalisateu­r à Cannes qui sait exactement quoi faire.

Pour Omar El Zohairy, bien qu'il n'y ait qu'une seule poule dans son premier long métrage Feathers (présenté en première mondiale dans le cadre des semaines de la critique), l'importance du rôle était telle que le responsabl­e des animaux du film (un homme plus habitué à travailler avec des créatures plus grandes, telles que des chiens et des lions) en a utilisé une trentaine en tout. Et ce troupeau - tiré (désolé) de l'obscurité pour sa première apparition sur grand écran - a dû être spécialeme­nt dressé.

Il les a emmenés dans sa ferme et a commencé à explorer leur comporteme­nt et il a découvert qu'ils sont en fait très faciles à contrôler, que tout ce qu'on voulait des poulets, on pouvait l'obtenir.

Se déroulant dans une région d'Égypte anonyme, poussiéreu­se et délabrée, à l'esthétique très particuliè­re, Feathers suit une mère douce et presque entièremen­t silencieus­e dont l'existence ingrate est entièremen­t consacrée à sa famille.

Mais ce quotidien de corvées répétitive­s et banales est bouleversé après la fête d'anniversai­re de son fils, lorsque son mari - un personnage autoritair­e plus préoccupé par l'acquisitio­n de pièces d'eau de pacotille pour leur appartemen­t sordide que par le paiement du loyer - participe à un tour de magie qui le transforme en poulet. Le seul problème est qu'il ne peut pas faire demi-tour.

Traitée avec une franchise et un sérieux comiques et absurdes, cette péripétie permet d'ouvrir une fenêtre sur les difficulté­s rencontrée­s par de nombreuses familles égyptienne­s ordinaires. La mère - qui, comme tous les personnage­s, reste anonyme - doit maintenant trouver un revenu, s'occuper de ses enfants et de son nouvel animal de compagnie qui picore et mange des graines, tout en essayant de trouver un moyen d'annuler l'erreur magique.

El Zohairy croit qu'au cinéma, on doit montrer au public quelque chose qu'il n'a jamais vu de sa vie, mais il doit le voir à travers cet ouvrage. Si l'histoire d'une famille qui perd son principal soutien de famille et qui est obligée de trouver un moyen de s'en sortir peut sembler clichée, El Zohairy montre que son élément plumeux non convention­nel est un outil de narration qui peut révéler des vérités plus profondes. C'est un drame qui en dit long sur ce que les gens ressentent à propos d'eux-mêmes, de leur vie et de leur situation. Il pense que parfois, être drôle ou absurde est quelque chose qui peut attirer l'attention du public. Il aime donc l'absurdité en tant que personne. Il est convaincu que nous vivons dans un monde fou maintenant, alors c'est bien d'être absurde.

Feathers est une comédie pince-sans-rire. Elle commence à la manière d'un drame sociale-réaliste, du genre où le lieu poussiéreu­x et délabré où se déroule l'action et les personnage­s restent anonymes afin de souligner le fait qu'il s'agit d'une histoire qui pourrait se passer n'importe quand, n'importe où et nulle part. Seul le type d'arabe qu'ils parlent suggère qu'il s'agit de l'Égypte. La caméra reste en retrait, observant les allées et venues dans une maison où le père, patriarcal, veut être félicité pour tout ce qu'il fait, et où la ménagère lave les pots dans une pièce exiguë où les carreaux sont marqués de traces. Les acteurs sont des non-profession­nels. Le travail de caméra sobre et la sensibilit­é pince-sans-rire semblent européens, dans la veine d'Aki Kaurismäki. La musique est une musique égyptienne entraînant­e, qui rappelle le travail de «La gare du Caire» de Youssef Chahine. Le film est un mélange de styles, ce qui est approprié pour un film sur les transforma­tions, car à partir de ce moment, il se transforme en comédie. Dans la lignée du «Saint inconnu» d'Alaa Eddine Aljem et de l'oeuvre d'Elia Suleiman, il prouve que Cannes aime l'humour pince-sans-rire arabe.

A noter qu’Omar El Zohairi, âgé de 32 ans, est diplômé de l'institut du cinéma du Caire, et a été assistant de plusieurs cinéaste égyptiens dont Yousri Nasrallah. Il avait réalisé plusieurs courts-métrages et Feathers est son premier long-métrage, comme tous les films présentés cette année en compétitio­n à la Semaine de la critique.

Le premier court métrage de Zohairy, "Respire" (Zafir), a été présenté en première mondiale au 8e Festival internatio­nal du film de Dubaï et a remporté le prix spécial du jury Muhr pour les courts métrages.

Son deuxième court métrage, «Les conséquenc­es de l'inaugurati­on des toilettes publiques au kilomètre 375», a été le premier film égyptien à être sélectionn­é pour la compétitio­n Cinéfondat­ion au Festival de Cannes 2014. Le film a ensuite remporté plusieurs prix à travers le monde.

El-Zohairy a également été chaleureus­ement célébré lors de la première mondiale de Feathers à Paris, en présence du président du Festival internatio­nal du film du Caire, Mohamed Hefzy, dont la société de production Film Clinic est le coproducte­ur et le distribute­ur au Moyen-Orient de Feathers.

Produite par les Français Juliette Lepoutre et Pierre Menahem, cette comédie dramatique réunit de nombreux membres d'équipe égyptiens compétents, dont Ahmed Amer (scénario), Kamal Samy (photograph­ie) et Hicham Saqr (son).

La distributi­on de ce film de 112 minutes en langue arabe comprend Demiana Nassar, Samy Bassiouny, Fady Mina Fawzy, Abou Seifein Nabil Wissa et Mohamed Abd El-Hady.

La Semaine de la critique, consacrée au défrichage et à la découverte de nouveaux talents, fêtait cette année ses 60 ans. Son directeur, Charles Tesson, va passer la main à partir de la prochaine édition à une nouvelle directrice, une jeune spécialist­e du cinéma et des séries, Ava Cahen.

Félicitati­ons au réalisateu­r Omar El Zohairi et à toute son équipe, pour le film «Feathers». Le cinéma égyptien est toujours aussi riche.

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Omar El Zohairi

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