David Abiker
Applis sur ordonnance.
C
’est grâce à mon ami cardiologue Marc F. que j’ai découvert mon hypertension et que je suis passé à la médecine connectée. En prévision de la fête des Pères, je me suis oçert un tensiomètre de voyage avec lequel je m’autocontrôle assez régulièrement. Mais dans la nuit du 27 au 28 mai dernier, il faisait si chaud que je me suis réveillé et, avant d’aller boire un verre d’eau, j’ai pris ma tension. 14/10. C’était donc encore très loin du petit matin quand, eçrayé, j’ai textoté mes résultats à Marc. — Pardon de te déranger à 4 heures, mais 14/10, c’est pas un peu trop ? Le lendemain, mon ami m’a envoyé un SMS adorable pour me rassurer. — David, tu es hypocondriaque et hypertendu. Il faut penser à autre chose, faire du sport, du vélo par exemple. Travailler moins. Dormir la nuit.
C’est tellement lui... Bienveillant et disponible. J’ai aussitôt téléchargé une appli “compte-pas” et j’ai acquis un vélo d’appartement qui envoie directement mes données à un copain assureur. Dès que je dépasse les 5 kilomètres par jour de pédalage, ça réduit ma prime d’assurance. Pour la marche, il faut faire 10 000 pas chaque jour, selon les experts. J’y arrive, mais comme je me suis encore levé la nuit dernière pour avaler un Actimel, j’ai pris l’avis de Marc. Par texto bien sûr, car je m’interdis de l’appeler après 2 heures. Et de lui envoyer ce SMS détaillé. Lun : 12 345 pas / Mar : 16 789 / Mer : 9 008 / Jeu : 17 500 / Ven : 13 760. Kanpanstu ?
Étant très angoissé et Marc ne répondant pas, vers 3 heures, je suis allé sur un site immobilier pour hypertendus où j’ai trouvé Gérard91 qui “Vend studette plein soleil et qui avait 15/9 à 3 h 15 du matin”. On a tchaté de la bulle immobilière et de notre tension. Ça m’a fait du bien d’avoir quelqu’un qui souçre aussi... Le lendemain, j’ai quand même réservé cinq plages de rendezvous sur le site de Marc, d’ici à juillet.
Angoisses en série. J’écris ces lignes les panards dans mon Revlon Pediprep SPA (bain de pieds bouillonnant, acheté 34,99 euros chez Darty), ce qui m’inspire cette réflexion de fond. Autant le numérique s’est adapté au rythme de mes inquiétudes, autant les médecins (qui ne travaillent que deux fois trentecinq heures par semaine) ont du mal à suivre la liste de mes angoisses qui ne peut être qu’exponentielle, vu les possibilités offertes par les applis pour smartphone. On peut désormais faire ses analyses de sang avec Colorimetrix, il sera même possible très bientôt d’effectuer ses propres spermogrammes, en plus de l’analyse de selles que je pratique une fois par semaine. J’hésite sur le spermogramme à la maison ; peur de passer trop de temps sur Youporn. Pour ne pas trop déranger Marc, j’ai un généraliste proche de la retraite et qui a du temps. Abonné à 01net Magazine, il est toujours content de me recevoir en consultation. Il y a deux jours, je suis allé le voir, on a causé : — Alors, qu’est-ce qui vous amène ? — Je me demandais si vous n’aviez pas une ou deux applications ou un gadget d’autodiagnostic à me prescrire avant les congés. — Vous avez pris Podomètre ? — Oui, je l’ai. Vous n’avez rien pour la vue. — Je vous croyais hypertendu ? — Oui, mais on ne sait jamais. — Vous avez le Vidal Mobile ? — Évidemment Docteur ! Finalement, il m’a prescrit trois applications pour l’été. L’une permet, si on équipe le téléphone de la bonne lentille, de détecter les grains de beauté suspects (HÜD) ; une autre, très pratique à l’étranger, traduit les noms des médicaments (Convert Drugs Basic) ; et une dernière promet d’anticiper les pics de pollen (ArbrallergiK). — Tu es encore allé chez le médecin ? — Voui. À ma femme qui me serine que je suis dingue, j’ai répondu : “De même que les paranoïaques ont aussi des ennemis, les hypocondriaques peuvent tomber malades.” Là-dessus, j’ai rappelé Marc, qui possède une très belle maison à Deauville, pour qu’il nous invite une petite dizaine de jours. Je l’aurai comme ça sous la main pour qu’on fasse un point quotidien. Ensuite, on verra où je peux m’incruster. J’ai un pote très hospitalier dans le Lubéron, il est directeur des systèmes d’information. Mais, surtout, sa femme est pharmacienne.