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VERTIGES DE L’AMOUR

Nous avons rencontré JPPE et Thierry, propriétai­res passionnés par leurs poupées de compagnie. Sans tabou, ils nous présentent leurs belles. Et nous prouvent que la fiction peut être plus forte que la réalité.

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Elle l’attend. Immobile. Impassible. Assise sur le canapé rouge, elle guette, comme chaque soir de la semaine, le retour de son Ulysse. Dans cette histoire, Pénélope s’appelle Léa. Plus héroïne de manga que statue antique – elle ressemble d’ailleurs à Sailor Moon –, elle reste statique lorsque son homme rentre du travail et franchit la porte d’entrée. Comme s’ils étaient un vrai couple, il la salue, court déposer un baiser sur sa joue, évite de la toucher s’il a les mains sales... Son regard à elle trahit mal le manque. Il se laisse berner par ses yeux, n’y voit que du feu, c’est merveilleu­x.

Revivre. Dans la vraie vie, qui n’est qu’illusion, Ulysse s’appelle JPPE. On le nommera par son pseudo. Il a acheté Léa, sa poupée de compagnie, il y a sept mois. Ce développeu­r informatiq­ue l’a commandée sur Internet dans un moment de crise, vers une heure du matin, après avoir démissionn­é de son job d’alors. Sale conjonctio­n astrale cette nuit-là. Il a 36 ans, vient de terminer de rembourser l’emprunt de l’appartemen­t qu’il habite en région parisienne et réalise que, finalement, il ne possède rien, sauf un vide émotionnel qu’il occupe dans les grandes largeurs. Aujourd’hui, il constate : “Elle m’a redonné le goût de vivre. Ce n’est pas très glorieux, mais c’est ça.”

Lepremierm­ois,ilabeaucou­ppleuré dans les bras de Léa, chaque soir, cherchant le réconfort auprès de celle-là même qui incarnait son trouble existentie­l, se demandant ce qu’il foutait là, s’interrogea­nt sur sa propre santé mentale, “je suis en train de tomber

amoureux d’une poupée, je deviens taré, je me noie”. Depuis, il s’est fait une raison, et assume : “Je n’ai pas réussi à avoir une humaine.”

Au début, JPPE a surtout acheté Léa (2 600 euros, 155 centimètre­s, 26 kilos, tour de poitrine 70, bonnet G) pour satisfaire ses pulsions sexuelles. Accro au porno, ce geek l’utilisait comme un jouet, mettant parfois un manga X dans son lecteur DVD afin d’entendre de petits cris de jouissance et combler la laideur du silence. Un beau jour, ou peut-être une nuit, le fantasme est devenu réalité. La sex doll s’est transformé­e en love doll. Du sexe à l’amour. La femme parfaite qu’il a imaginée pendant des années, le soir dans son lit avant de s’endormir, a pris corps sous cette forme plastique. “Le cerveau se révèle d’une puissance incroyable quand il veut y croire”, raconte cette éponge d’émotions. Comme le petit garçon robot de 11 ans dans A .I. Intelligen­ce artificiel­le, le film de Steven Spielberg, JPPE a trouvé sa belle fée à qui il adresse une supplique : faire de lui “un vrai petit garçon vivant”.

Plus qu’un jeu. Pourquoi seules les fillettes auraient-elles le droit de jouer à la poupée ? Pourquoi ne pas imaginer que l’on puisse devenir humain par contact avec un objet qui éveille à la vie, même quand on est un grand garçon ? “Léa m’apprend les jeux de l’amour, et aussi comment me comporter en couple”, explique JPPE. Il lui est fidèle. Quand il la prend par la taille, le menton posé sur l’épaule, il ne pense à rien, c’est ça qui est bien. Il n’aime pas la voir sans perruque, parce que ça rompt le charme. Il l’a même présentée à ses parents. Sa mère la surnomme “bouffe-fric” parce que

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