COMMENT DES FABRICANTS RENDENT LEURS MATÉRIELS IRRÉPARABLES
Combines parfaites. Joli ordi que ce tout nouveau Surface Laptop signé Microsoft ! Fin, racé, élégant… une machine de rêve. Et un vrai cauchemar lorsqu’il tombe en panne. C’est simple, dans ce cas-là, il est juste bon à jeter. À 1 150 € l’engin, au minimum, ça fait mal au porte-monnaie. C’est le verdict sans appel du site Web iFixit, spécialisé dans les tutoriels de réparation de matériel high-tech. Ses ingénieurs ont tenté de le démonter. Une catastrophe. Tout y est collé. “Impossible de changer une prise jack sans la casser.” Son ouverture relève de la boucherie électronique. Microsoft n’est cependant pas le seul fabricant à concevoir des appareils de cette manière. Apple ou Samsung ne valent guère mieux, selon le rapport publié fin juin par Greenpeace, en collaboration avec iFixit.
Quelque 44 smartphones, tablettes et ordinateurs portables, de 17 marques différentes, sortis entre 2015 et 2017, ont été évalués selon trois critères : facilité du démontage, disponibilité des pièces détachées et accès au guide et manuel de dépannage. Résultat, 70 % d’entre eux sont considérés comme compliqués, voire impossible à retaper. En cause tout d’abord, les substances adhésives de plus en plus employées pour fixer les batteries ou les écrans, les éléments les plus fragiles. Cela nécessite de recourir à des solvants spéciaux pour s’en débarrasser et de les manipuler délicatement. “Les appareils dotés d’un écran bord à bord, par exemple, sont très difficiles à ouvrir, souligne Mikael Thomas, fondateur du service de réparation SOSav. Celui-ci n’est plus clipsé, mais collé ; ce qui présente un risque pendant l’extraction.” L’usage abusif de soudure est également pointé du doigt. Les mémoires vives ou les disques SSD solidaires des cartes mère afin de gagner de l’espace – et faire quelques économies au passage – empêchent toute évolution des machines ou tout remplacement d’un composant défectueux.
Autre constat, le recours à des formats de vis propriétaires qui obligent les réparateurs à s’équiper de tournevis spécifiques. Quant à l’achat des pièces
détachées, elle constitue aussi un sérieux problème. “C’est la clé de voûte du système, explique Mikael Thomas. Samsung, par exemple, ne nous autorise plus à disposer de stock pour les écrans. Il faut leur envoyer le numéro IMEI du smartphone (son identifiant unique – NDLR) pour recevoir un exemplaire de la pièce correspondante. Cela rallonge les délais et alourdit la facture inutilement.” Au final, tout semble être imaginé pour décourager la réparation au profit d’un rachat pur et simple d’un produit neuf.
Produits labellisés. Un véritable gaspillage économique et écologique dénoncé par l’eurodéputé EELV Pascal Durand. Dans son rapport, largement adopté (662 voix pour et 32 contre) par le Parlement européen début juillet, il fait des propositions pour en finir avec ce gâchis. Parmi celles-ci, l’obligation pour les fabricants de ne pas fixer les parties sensibles des appareils (batterie et écran) ou d’étendre la durée de garantie lorsque la remise en état dépasse un mois. Il encourage, par ailleurs, la mise en place d’incitations fiscales comme une baisse de la TVA pour les services de réparation et l’apposition d’un label sur les produits faciles à dépanner. Son texte doit maintenant passer entre les mains de la Commission européenne qui devra ensuite énoncer ses directives.