Objectif zéro salarié
Créé en 1994 par Jeff Bezos, Amazon est l’une des rares entreprises des débuts du Web à avoir survécu. Le secret de sa réussite qui, aujourd’hui encore, inspire les derniers entrants, comme Uber ? Un service impeccable, des consommateurs chouchoutés, mais
des salariés chahutés. “Bezos a souvent poussé son personnel avec la finesse d’un chef de nage pour galériens”, écrit le journaliste Richard L. Brandt, l’un de ses biographes.
Dans ses entrepôts géants où s’entassent des centaines de milliers d’articles attendant d’être livrés en un temps record, l’ancien trader a d’ailleurs décidé de “dématérialiser” sa main-d’oeuvre, c’est encore mieux. Pour tirer coûte que coûte les prix à la baisse et gagner en efficacité, il employait fin 2016 plus de 45 000 robots magasiniers dans 20 de ses 140 centres de distribution dans le monde – aucun en France.
Au total, les humains restent en supériorité numérique à ce jour, mais pour combien de temps ? “Pour le moment, on ne fait pas mieux que
l’oeil humain et on ne sait pas encore
le remplacer”, indiquait Ronan Bolé, le directeur des opérations d’Amazon France, à L’Usine Digitale, en septembre dernier. “Pour le moment”, comme dit Ronan…
Outre des bras automatisés et de petits robots-charriots roulants déjà opérationnels, Amazon, pionnier dans le retail mécanisé, planche sec sur des livraisons par drone ou des machines apprenantes superhabiles pour satisfaire au mieux ses clients. Et il faudrait être bien naïf pour imaginer que ces robots ne nous remplaceront pas mais collaboreront avec les humains. “Ils ont déjà choisi de ne pas plier : voyez les photos des chaînes de montage automobile où il n’y a pas âme qui vive”, remarquait récemment l’économiste Paul Jorion dans 01net Magazine. Au final, Bezos, dont l’influence est majeure, fabrique un futur paradoxal où nous serons comblés en tant que consommateurs, mais floués comme travailleurs. Les premiers sont bien partis pour avoir la peau des seconds. Qui pourra alors encore remplir leur panier ?