Arrêt sur images
Mariage contrarié.
Jeff Koons a l’art d’entretenir sa réputation, celle d’un artiste ancré dans un univers où le talent ne peut s’affranchir d’une bonne dose de provocation et de polémique. D’opportunisme, aussi. Alors, quand Evan Spiegel, le fondateur de Snapchat, soucieux de promouvoir sa dernière fonctionnalité, lui propose de géolocaliser virtuellement ses sculptures dans les plus beaux parcs du monde, l’occasion est trop belle. Ainsi, après un teasing savamment orchestré, les 175 millions d’adeptes de filtres loufoques découvrent son célèbre Balloon Dog à Central Parc (New York). Mais, la nuit suivante, le toutou est tagué. Un acte de vandalisme revendiqué par l’artiste chilien Sebastian Errazuriz. Son but : dénoncer l’alliance de ces deux monstres avides de retombées commerciales qui envahissent l’espace public, fut-il virtuel. Et l’artiste de nous questionner sur la réalité augmentée : autorise-t-elle toutes les libertés ? Ce cyberespace public peut-il être pris impunément en otage ? Accepterions-nous l’apparition, sur nos écrans, d’une bouteille de CocaCola se vidant dans la pièce d’eau des Suisses, à Versailles, pour peu que l’image ait été créée par un nouvel Andy Warhol ? Sous couvert de services innombrables que nous apportent applis et autres géants du Net, notre vigilance s’amenuise, noyant toujours plus le réel dans un flou qui n’a rien d’artistique.