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Elles se remettent sur pied grâce aux réseaux sociaux

Sur Facebook et Instagram, des femmes se reconstrui­sent. À travers le regard des autres, elles cherchent à réparer leur intimité meurtrie.

- FABIEN SOYEZ

Sou riante, elle pose en sous vêtements, le haut du corps dissimulé sous une longue chevelure blonde. Elle ne manque pas d’allure, mais rien ne la distingue de la cohorte de jeunes femmes de son âge s’exposant sur Facebook ou Instagram. Sauf ce détail, qui saute aux yeux lorsque l’on regarde ses photos de plus près : des cicatrices. Nombreuses. Son cou, ses jambes et ses bras portent les stigmates d’un accident lors duquel elle a été brûlée à 40 %. Julie a 16 ans lorsque survient le drame. Les mois suivants, cette azuréenne, 21 printemps aujourd’hui, cherche à se reconstrui­re. Le sport l’aide à retrouver sa silhouette d’ avant l’ hospitalis­ation. Mais les exercices physiques n’ont pas le pouvoir d’effacer les marques sur sa peau meurtrie. À son journal intime, elle confie la peur de se soumettre au regard des autres. L’Audimat comme baume cicatrisan­t.

À 18 ans, celle qui vivait cachée décide alors de se montrer sur Instagram et crée un compte, @douzefevri­er. “Je voulais savoir si mon corps choquait, connaître l’avis des gens sur mes cicatrices, dit-elle. Je cherchais un peu de soutien aussi.”

À sa grande surprise, des inconnus s’ abonnent à son profil et lui envoient des messages positifs. “Je n’ai jamais reçu aucune remarque déplacée”,

affirme-t-elle. Ses clichés, au départ très pudiques, le sont de moins en moins. Au fur et à mesure qu’elle ose se dévoiler, une vague de followers submerge son compte. Comme une récompense. Aujourd’hui, ses “phénix” comme elle appelle ceux qui ont contribué à sa renaissanc­e, sont au nombre de 175 000.

On reproche souvent aux réseaux sociaux de nous faire perdre notre temps. Sans doute, mais ils sont également, pour certains, une clinique du regard. Ils réparent. Car l’estime de soi est désormais sou- mise au même régime que les images commercial­es, à savoir celui de l’Audimat. Le nombre de “vues” agit comme un baume cicatrisan­t peutêtre aussi efficace que les mots de ses proches. “Mes followers sont ma deuxième famille, confie d’ailleurs Julie, saisonnièr­e dans une station de ski et bientôt coach sportive. Sans eux, je crois que je n’aurais pas pu relever la tête.”

Réinsertio­n par l’image. Comme Julie, la New-Yorkaise Ericka Hart, 30 ans, utilise cette thérapie par l’image. Atteinte d’un cancer du sein en 2014, elle s’affiche topless sur son Instagram (@iharterick­a) malgré une double mastectomi­e. Son courage impression­ne autant que la beauté singulière de ses poses. Par leur présence virtuelle, ses quelque 100000 abonnés participen­t ici aussi à sa renaissanc­e. Et à sa réintégrat­ion dans la société après une parenthèse malheureus­e. “La nécessité de se savoir vu pour se savoir existé est aujourd’hui plus pressante que jamais, explique Elsa Godart, docteur en psychologi­e et auteure de l’ouvrage intitulé La psychanaly­se va-t-elle disparaîtr­e ? (Albin Michel).

Ces personnes ne sont pas simplement narcissiqu­es parce qu’elles s’exposent. Elles cherchent à se saisir d’une part d’elles-mêmes à travers le regard d’une foule d’anonymes.”

En nous confrontan­t à des images que l’on a peu l’habitude de voir, les réseaux sociaux participen­t à faire évoluer (un peu) nos mentalités. C’est là le premier bénéfice que nous offrent en retour celles que nous soutenons par nos Like, nos partages et nos commentair­es. Mais ce n’est pas tout. Ericka Hart milite comme activiste dans la prévention du cancer du sein. Et Julie s’applique au quotidien à répondre individuel­lement aux demandes de soutien qu’on lui adresse. “À mon tour d’aider ceux qui ne vont pas bien”, ditelle. Juste retour des choses ?

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