Elles se remettent sur pied grâce aux réseaux sociaux
Sur Facebook et Instagram, des femmes se reconstruisent. À travers le regard des autres, elles cherchent à réparer leur intimité meurtrie.
Sou riante, elle pose en sous vêtements, le haut du corps dissimulé sous une longue chevelure blonde. Elle ne manque pas d’allure, mais rien ne la distingue de la cohorte de jeunes femmes de son âge s’exposant sur Facebook ou Instagram. Sauf ce détail, qui saute aux yeux lorsque l’on regarde ses photos de plus près : des cicatrices. Nombreuses. Son cou, ses jambes et ses bras portent les stigmates d’un accident lors duquel elle a été brûlée à 40 %. Julie a 16 ans lorsque survient le drame. Les mois suivants, cette azuréenne, 21 printemps aujourd’hui, cherche à se reconstruire. Le sport l’aide à retrouver sa silhouette d’ avant l’ hospitalisation. Mais les exercices physiques n’ont pas le pouvoir d’effacer les marques sur sa peau meurtrie. À son journal intime, elle confie la peur de se soumettre au regard des autres. L’Audimat comme baume cicatrisant.
À 18 ans, celle qui vivait cachée décide alors de se montrer sur Instagram et crée un compte, @douzefevrier. “Je voulais savoir si mon corps choquait, connaître l’avis des gens sur mes cicatrices, dit-elle. Je cherchais un peu de soutien aussi.”
À sa grande surprise, des inconnus s’ abonnent à son profil et lui envoient des messages positifs. “Je n’ai jamais reçu aucune remarque déplacée”,
affirme-t-elle. Ses clichés, au départ très pudiques, le sont de moins en moins. Au fur et à mesure qu’elle ose se dévoiler, une vague de followers submerge son compte. Comme une récompense. Aujourd’hui, ses “phénix” comme elle appelle ceux qui ont contribué à sa renaissance, sont au nombre de 175 000.
On reproche souvent aux réseaux sociaux de nous faire perdre notre temps. Sans doute, mais ils sont également, pour certains, une clinique du regard. Ils réparent. Car l’estime de soi est désormais sou- mise au même régime que les images commerciales, à savoir celui de l’Audimat. Le nombre de “vues” agit comme un baume cicatrisant peutêtre aussi efficace que les mots de ses proches. “Mes followers sont ma deuxième famille, confie d’ailleurs Julie, saisonnière dans une station de ski et bientôt coach sportive. Sans eux, je crois que je n’aurais pas pu relever la tête.”
Réinsertion par l’image. Comme Julie, la New-Yorkaise Ericka Hart, 30 ans, utilise cette thérapie par l’image. Atteinte d’un cancer du sein en 2014, elle s’affiche topless sur son Instagram (@ihartericka) malgré une double mastectomie. Son courage impressionne autant que la beauté singulière de ses poses. Par leur présence virtuelle, ses quelque 100000 abonnés participent ici aussi à sa renaissance. Et à sa réintégration dans la société après une parenthèse malheureuse. “La nécessité de se savoir vu pour se savoir existé est aujourd’hui plus pressante que jamais, explique Elsa Godart, docteur en psychologie et auteure de l’ouvrage intitulé La psychanalyse va-t-elle disparaître ? (Albin Michel).
Ces personnes ne sont pas simplement narcissiques parce qu’elles s’exposent. Elles cherchent à se saisir d’une part d’elles-mêmes à travers le regard d’une foule d’anonymes.”
En nous confrontant à des images que l’on a peu l’habitude de voir, les réseaux sociaux participent à faire évoluer (un peu) nos mentalités. C’est là le premier bénéfice que nous offrent en retour celles que nous soutenons par nos Like, nos partages et nos commentaires. Mais ce n’est pas tout. Ericka Hart milite comme activiste dans la prévention du cancer du sein. Et Julie s’applique au quotidien à répondre individuellement aux demandes de soutien qu’on lui adresse. “À mon tour d’aider ceux qui ne vont pas bien”, ditelle. Juste retour des choses ?