01Net

Sa majesté Intel est menacée

Celui qui, depuis une décennie, règne sur le marché des processeur­s, se trouve aujourd’hui fort dépourvu face aux innovation­s et à l’agressivit­é de son éternel rival, AMD.

- FRANÇOIS ARIAS

C’est la fiesta à Santa Clara (Californie)! Non pas dans les immenses bâtiments de verre et d’acier d’Intel, mais quelques blocs plus loin, chez son principal concurrent, Adv an ced Micro De vices, AMD. Pour la première fois depuis 2011, le fondeur renoue avec les bénéfices. Certes, 43 millions de dollars pour l’ensemble de l’année dernière ne représente­nt qu’une goutte d’eau face aux 9,6 milliards engrangés par son adversaire pour la même période. Néanmoins, la traversée du désert semble enfin s’achever. Principale raison de cette embellie : ses processeur­s Ryzen reposant sur l’architectu­re maison Zen, sortie en février 2017. Particuliè­rement performant­e, elle se montre aussi polyvalent­e et souple. “On peut ajouter des modules et désactiver des coeurs pour composer le processeur dont nous avons besoin”, indique Éric Jeanmougin, président d’AMD France.

En jouant sur le nombre de coeurs et sur leur fréquence, le fondeur a réussi en un an à décliner une gamme complète. On trouve désormais du Zen sur les PC de bureau, les ordinateur­s portables mais aussi dans les serveurs, avec des puces allant de 2 à 32 coeurs ! Pris par surprise après une décennie de quasi-monopole, Intel n’a rien dans ses cartons pour le contrer. Si bien que l’été dernier, en catastroph­e, le géant dégaine Coffe Lake, sa huitième génération de Core i. Techniquem­ent très proche de la précédente, elle se contente de rajouter des coeurs. Une précipitat­ion d’autant plus évidente qu’aujourd’hui encore, le Core i7-8700K, le haut de gamme maison, demeure presque introuvabl­e en magasin. Résultat : Intel affiche une baisse des ventes de 5 % au dernier trimestre 2017 sur les ordinateur­s de bureau.

Rival acharné. Le roi de la puce était probableme­nt loin de se douter que son éternel challenger ferait son grand retour. Né en 1969, un an après Intel, AMD n’a vraiment décollé qu’en 1981 alors qu’IBM, sur le point de lancer son fameux Personal Computer, exige d’Intel un second fournisseu­r pour ses processeur­s 8086. Pendant près de dix ans, AMD conçoit des clones de puces Intel, avant de lancer sa propre architectu­re en 1997 avec le K6. En 2003, le fondeur frappe un grand coup avec l’Athlon 64. Écrasant les Pentium 4 de l’époque, il est le premier à intégrer le 64 bits et un contrôleur mémoire dans un processeur grand public. En 2006, les deux rivaux font quasiment jeu égal. Las, AMD prend de nombreux risques. L’entreprise dépense 5,4 milliards de dollars (l’équivalent d’une année de ventes) pour s’offrir ATI et ses

processeur­s graphiques Radeon, et s’engage dans la conception d’architectu­res qui ne tiennent pas la route face à son concurrent. Les mauvais trimestres s’ enchaînent, si bien qu’ en 2016, Intel détient 80 % du marché. AMD ne lâche pas prise et son opiniâtret­é paye un an plus tard. Dans la guerre des prix qui l’oppose à son rival, le consommate­ur s’y retrouve. Le couple carte mère et processeur revient au moins 25 % moins cher que les équivalent­s Intel. C’est encore plus impression­nant sur le haut de gamme : en moins d’un an, le coût d’un processeur à 8 coeurs est passé de 1 000 à 330 euros ! Et surtout, il propose des fonctionna­lités absentes chez son concurrent. Par exemple, “il suffira d’une mise à jour du Bios pour que les cartes mères existantes soient capables de supporter toutes les versions de Ryzen jusqu’en 2020”, précise Éric Jeanmougin. Chez Intel, chaque nouvelle génération de processeur impose un changement de carte mère. Intérêts communs. En novembre dernier, à la surprise générale, les deux fondeurs annoncent un partenaria­t. Objectif ? Réunir l’expertise d’Intel dans les CPU (processeur­s de calcul) et celle d’AMD dans les GPU (processeur­s graphiques) afin d’élaborer un

composant tout en un, haut de gamme, deux fois plus petit que ce que l’on trouve actuelleme­nt. Cette alliance inattendue prend tout son sens face à la montée en puissance du roi des cartes graphiques, Nvidia. L’adversaire commun des deux firmes a tendance à marcher sur les plates-bandes d’Intel, notamment dans le domaine de l’intelligen­ce artificiel­le. Le pacte signé avec AMD suffira-t-il pour qu’Intel ne se fasse pas semer ? “Intel est un client comme un autre”, sourit le président d’AMD France. Ou quand l’ennemi de mon ennemi devient mon ami. ■

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France