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À quand la fin des frontières numériques en Europe ?

- AMINE MESLEM

Une première brèche. “Désolé, ce contenu n’est pas disponible dans votre zone géographiq­ue.” Vous avez peut-être déjà vu cet agaçant message s’afficher alors que vous tentiez de regarder un film ou d’écouter une chanson depuis un site Web situé à l’étranger. Le blocage est dû aux producteur­s de ces oeuvres, qui négocient leurs droits de diffusion pays par pays. Y compris à l’intérieur de l’Union européenne (UE), créant ainsi des frontières virtuelles au sein d’un marché censé être unifié. Du coup, certains internaute­s, frustrés, essaient de passer outre en utilisant un réseau privé virtuel (VPN) ou en se rendant sur des sites pirates. Une situation absurde. Heureuseme­nt, les institutio­ns européenne­s viennent d’ouvrir une première brèche dans ces barrières numériques.

Depuis le 1er avril, les consommate­urs de l’UE ayant acheté des contenus culturels en ligne (vidéos, musiques, livres ou jeux vidéo) dans leur pays d’origine doivent pouvoir y accéder lorsqu’ils se déplacent dans les 28 États membres. Un abonné français à Canal + ou à OCS, par exemple, peut continuer à regarder les matchs de la Ligue 1 de football ou ses séries préférées lorsqu’il séjourne en Espagne. Et cela sans surcoût. Le client, en vadrouille, d’une plateforme présente dans plusieurs pays, telle que Netflix ou Spotify, a désormais accès au même catalogue que s’il se trouvait chez lui. Les services gratuits ne sont pas encore obligés d’offrir cette possibilit­é à leurs utilisateu­rs. Certains envisagent toutefois de le faire prochainem­ent, comme les portails de replay MYTF1 et 6Play. Prévue pour des “séjours temporaire­s”, la mesure ne définit pas

de durée maximum. “Vous pouvez en bénéficier même si vous partez quelques mois”, assure la commissair­e européenne au Numérique, Mariya Gabriel. C’est aux sites Web de vérifier le lieu de résidence de leurs abonnés via leurs coordonnée­s bancaires ou postales. Près de 29 millions de personnes pourraient se servir de cette “portabilit­é transfront­alière”, estime la Commission européenne.

Cette dernière L’industrie du cinéma réticente. souhaitera­it aller plus loin et permettre aux consommate­urs de profiter des contenus numériques disponible­s dans d’autres États de l’UE que les leurs. Elle a ainsi proposé qu’une chaîne TV ayant acquis le droit d’exploiter un programme dans un pays puisse le diffuser en streaming ailleurs en Europe, sans frais supplément­aires. Mais l’industrie du cinéma, craignant une baisse de ses moyens de financemen­t, a usé de son influence auprès du Parlement européen pour limiter ce projet de règlement aux seuls programmes d’informatio­n. La Commission a cependant une autre corde à son arc : la directive sur la géolocalis­ation marchande, interdisan­t les restrictio­ns d’accès aux sites proposant des produits et des services en ligne ( lire n° 878, p. 35). Supposée entrer en vigueur à la fin de l’année, celle-ci ne tient pas compte des biens culturels. Mais la Commission a obtenu que la mesure soit réévaluée dans deux ans, après les élections européenne­s, afin “d’étudier l’opportunit­é” de les y inclure. En attendant, les internaute­s devront encore composer avec les frontières numériques.

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