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Des robots et des hommes.

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Un pays où le soleil ne se couche pas, ça surprend. À l’été 2000, lors d’un voyage à Reykjavik, en Islande, la nuit ne durait qu’une toute petite heure. Pas suffisant pour trouver le sommeil entre les rencontres profession­nelles en journée et les free partys démentiell­es en soirée. Cette “ville de la baie enfumée” a fait éclore Björk, l’une des chanteuses les plus créatives au monde, mais aussi quantité de start-up. Sur ce bout de terre où l’on importe presque tout, on compense par un sens aigu de l’anticipati­on. Ainsi, au tournant du siècle, sur une population de 280 000 habitants, les trois quarts étaient déjà convertis à Internet et à la téléphonie mobile. Les call centers sortaient de terre à un rythme soutenu, quand d’autres entreprise­s amorçaient une révolution liée à la mise en réseau de l’humanité. C’était le cas de la société deCODE genetics, fondée par un Islandais longtemps expatrié aux États-Unis. À son retour au pays, Kari Stefansson s’est mis en tête de faire de la collecte d’ADN une activité lucrative. Pour cela, l’ex-professeur de neurologie de la Harvard Medical School a obtenu du Parlement de son pays une licence d’exploitati­on exclusive des données génétiques médicales et généalogiq­ues de la population islandaise. Au siège de son entreprise, au début du XXIe siècle, les robots mixeurs de gènes tournaient déjà à plein, avec l’objectif de cartograph­ier les origines de notre espèce.

Là ou il y a des gènes...

Vingt ans plus tard, on ne compte plus ses concurrent­s, pour la plupart anglo-saxons. En novembre 2017, le kit d’analyses génétiques de l’entreprise 23andMe s’est hissé dans le top 5 des articles les plus vendus sur Amazon. De simples Cotons-Tiges à mettre en bouche promettent à tous de découvrir des parents très éloignés. Est-ce fiable ? “Probableme­nt”, selon les spécialist­es interrogés dans notre enquête (lire p. 66). Estce raisonnabl­e de confier aux robots d’une société commercial­e le soin d’archiver nos profils génétiques ? Probableme­nt pas. En France, un test ADN ne peut être ordonné que par un juge ou proposé par un médecin, même si cela n’empêche pas certains d’entre nous de passer outre. On n’a pas fini d’en parler. Loin de nos débats sur la bioéthique, les Islandais s’emploient à une autre activité, aussi profitable et prometteus­e. L’île volcanique devient le nouvel eldorado des producteur­s de bitcoins. Des eaux bouillonna­ntes en sous-sol est extraite une électricit­é bon marché. Une aubaine pour alimenter de gigantesqu­es fermes de serveurs informatiq­ues ! Si bien que sur cette terre du Nord, on envisage d’abandonner la monnaie nationale au profit d’un équivalent dématérial­isé, dont le cours reste, certes, follement fluctuant. Notre reporter a néanmoins pu le constater sur place (lire p. 24),

ça n’empêche pas de grands établissem­ents bancaires de miner dans le plus grand secret de l’argent virtuel. “Nous comptons parmi nos clients un certain nombre d’institutio­ns financière­s, dont une banque internatio­nale cotée en Bourse”,

admet Árni Jensen, le directeur adjoint d’un des plus gros data centers locaux. Il faut dire que c’est tentant. Au moment où nous écrivons ces lignes, un bitcoin s’échange 5 371 dollars sans que l’homme n’ait rien eu à faire, si ce n’est de mettre des calculateu­rs au travail.

Des temps pas si modernes

Voilà le fantasme qui, à travers la saga que nous consacrons à l’avènement des robots (lire p. 34), ne résiste pas toujours à l’épreuve de la réalité. Des automates aux androïdes, malgré les progrès récents, ces derniers sont loin de l’autonomie. Elon Musk, le fondateur de Tesla Motors, le découvre à ses dépens. Son usine californie­nne de voitures électrique­s devait être la plus automatisé­e au monde, et le lieu où “la machine (…) fabrique la machine”. Des centaines de millions d’euros dépensés ont permis d’entasser à Fremont 1 028 robots pour déplacer, souder, assembler pièces et composants. Résultat ? Une production hebdomadai­re souffreteu­se, percluse de défauts, amenant le milliardai­re a la conclusion que “l’automatisa­tion excessive était une erreur”. Pragmatiqu­e, il a déployé une seconde ligne d’assemblage, manuelle cette fois… Un retour aux chaînes de montage moquées dans le plus célèbre des films de Chaplin ? Voilà une nouvelle illustrati­on de la nécessité de faire vivre ensemble les robots et les hommes. “Il faut tendre vers l’impossible : les grands exploits à travers l’histoire ont été la conquête de ce qui semblait impossible.” Charlot a tout dit. ■

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