David Abiker victime d’un chantage à la sextape.
Lireuncourrielquivousfaittranspirer, voilà qui est plutôt rare. J’ai reçu celui-ci le 17 septembre vers 23 h 40. Je le reproduis textuellement, les mains moites :
“Salut mon amateur.
On dispose d’un site de porno que tu as visité. Calme-toi ! Vous n’êtes pas le premier et pas le dernier ! En entrant sur notre site Internet pour adultes, votre navigateur a transféré notre virus. Quel dommage…Le programme enregistre tout ce que tu regardes sur l’ordinateur et retient des cookies des pages d’Internet regardés. Attention ! Notre virus d’ordinateur anime la webcam et recopie tous les numéros de votre boîte aux lettres. Nous avons alors accès à votre messagerie avec les réseaux sociaux.
Devant mes yeux ! J’ai un clip où tu es déshabillé et tu te b#@!^*$e ! Si vous ne voulez pas que on envoie la vidéo à vos frères, amis, employés, je te conseille de faire ce qu’on vous dit. Vous communiquez 450 euros à notre compte Btc 1NM5ivKtbhn4v7To1Gf JtQGCFFSL6f19en. Quand je remporte le paiement, on retire tous les matériaux compromettants sur vous, et vous ne verrez parler sur moi autour de votre passe-temps. Au cas où, si je ne reçois pas ton [?] sous 24 heures, je vais démasquer toutes vos vidéos honteuses à votre famille, potes, agents. En outre, je lancerai un fichier graphique à partir de votre vidéo et je encombrerai le réseau à usage partagé avec votre figure. Pas la peine de répondre à ce message. C’est une adresse provisoire !”
Habituellement, j’aurais été choqué par ce français approximatif et ces fautes de frappe. Mais là, je crus manquer d’air. Était-il possible qu’au fin fond de l’Europe de l’Est, dans un trou perdu de Calabre ou dans une banlieue pourrie de Moscou, une mafia malintentionnée ait diligenté sur mon ordinateur un espion déclenchant une caméra qui aurait tout vu des exercices solitaires auxquels j’aurais pu me livrer ? (Je dis bien “j’aurais pu”.)
J’envisageai immédiatement la catastrophe. Mes amis, employeurs, parents recevant une vidéo de moi les orteils tendus, les genoux fléchis et la langue pendante… Invraisemblable car, de ma vie je n’ai visionné un film ne serait-ce qu’érotique. Un filet glacé se mit à perler entre mes omoplates. J’imaginai mon arrivée le matin dans l’open space, marqué du fer rouge de celui dont on sait qu’à la nuit tombée, il ouvre son ordi et se… Je serais désormais le collègue dont l’historique de consultation sent le stupre et la fornication. Classé X.
Horreur et tremblements ! Se pouvait-il qu’ils aient des images ? Devaisje payer ? Et si oui, ne reviendraient-ils pas avec d’autres ? Moi me brossant les dents, moi au cabinet, moi me curant le nez au feu rouge. Qu’adviendrait-il si la place de Paris découvrait que j’étais pornographe à mes heures ? Je songeai à Trump. Un homme qui n’avait honte de rien. On lui avait découvert des dizaines de liaisons avec des femmes, dont une ou deux actrices porno, le Kremlin détenait peut-être des vidéos de lui en plein coït… Donald s’en fichait. Il continuait à diriger son pays le verbe haut et le menton martial. Une vraie leçon de je-m’en-foutisme.
Je pris ce soir-là deux décisions. Je scotchai un ruban adhésif sur la caméra de mon ordi et confiai dans une lettre ouverte à tout mon carnet d’adresses que même si je n’avais jamais de ma vie regardé un film érotique avec Traci Lords, Brandi Love, Mia Malkova ou Piper Perri, et s’il arrivait dans la messagerie des uns ou des unes une vidéo me montrant dans une position, une émotion ou un état remarquable ou considérable, je prenais les devants et présentais des excuses contrites pour avoir consulté des sites pour adultes et adopté un comportement inapproprié. Puis je me couchai le coeur léger, avec cette joie tranquille que procurent une économie de 450 euros et les félicitations de son épouse. Cette nuit-là, je rêvai de Trump et de Stormy Daniels*.