Ceux qui font bouger les lignes
C’est l’exposition temporaire la plus perchée du moment. Début décembre, Trevor Paglen a vu sa création partir dans l’espace. Compressée dans un satellite de la taille d’une boîte à chaussures convoyé par une fusée de SpaceX, la sculpture s’est déployée à 575 km de la Terre. Constituée d’un très léger ruban de polyester, elle a pris la forme d’un diamant, aussi long que deux bus. Réfléchissant la lumière du soleil, Orbital Reflector est visible depuis la Terre une fois la nuit tombée et serait aussi lumineuse que la Grande Ourse. Un site Web (bit. ly/2AØzxvh) donne aux curieux la possibilité de suivre sa position dans le ciel. L’Américain de 44 ans, installé à Berlin, planche avec acharnement sur ce projet depuis trois ans. Docteur en géographie, il a collaboré avec une dizaine d’ingénieurs pour le réaliser. Sponsorisé par le Nevada Museum of Art, il est parvenu à lever 1,5 million de dollars auprès de 600 particuliers et entreprises (notamment via une campagne de financementparticipatif).Critiquépourlecoûtexorbitant d’une oeuvre qui serait aussi gonflée que son ego, Trevor Paglen martèle que sa visée n’est ni commerciale, ni militaire, ni scientifique. « Ce qu’elle produit, ce sont des questions, elle aide les gens à devenir un peu plus curieux », explique-t-il. Habitué aux coups d’éclat durant sa carrière, le quadragénaire questionne la surveillance de masse à travers ses travaux alliant l’art contemporain, la technologie et la géopolitique. Après un voyage spatial qui durera au moins deux mois, son éphémère structure se désintégrera en chutant dans l’atmosphère terrestre. Comme une étoile filante.