Les jeux incontournables
Les bandes originales de jeux ont envahi les salles de concert les plus prestigieuses. Un moyen pour le public d’Assassin’s Creed et autres blockbusters de s’initier à la musique symphonique.
C’est un public inhabituel qui se presse, en ce dimanche de juin 2017, devant la Philharmonie de Paris, bien connue des mélomanes. Certains ont les cheveux bleus, d’autres arborent fièrement des oreilles de chat en plastique Hello Kitty. On dépasse aussi quelques spectateurs et spectatrices vêtus d’armures en latex, plus sexy que fonctionnelles… Âgés de 20 à 45 ans, ils viennent bien assister à un concert symphonique. Mais plutôt que des amateurs de Tchaïkovski, de Mozart ou de Beethoven, on ne croisera cette fois dans la salle que des fans de Final Fantasy, d’Assassin’s Creed ou encore de Tomb Raider, sensibilisés à la grande musique par l’intermédiaire du jeu vidéo. Le phénomène débute au Japon, en 1989, avec le concert « 20020220 Music from Final Fantasy ». Pendant une soirée, l’orchestre philharmonique de Tokyo y interprète des oeuvres de Nobuo Uematsu, désormais considéré comme un maître du genre. À l’époque, il est l’un des rares compositeurs à concevoir dès le départ ses morceaux comme de véritables symphonies, avant de les adapter aux contraintes d’une diffusion sur une console aux faibles capacités audio. C’est pourquoi, lors des représentations avec orchestre, la magie opère, les arrangements grand format restituant l’intention originelle de l’artiste. À partir de 2003, ces spectacles live arrivent en Europe. FAIRE VIBRER LA CORDE SENSIBLE. Filipe, 35 ans, chef de projet dans une agence Web parisienne, y assiste pour la première fois en 2013. Il se rend désormais quatre à cinq fois par an à ce type de concert. « Même si je n’ai jamais été fan de musique classique, ici, l’orchestre réveille en moi de nombreuses émotions, analyse-t-il. Peut-être parce que les compositions qu’il interprète rythmaient quelques-uns de mes jeux favoris. » Pour Sandrine, graphiste de 27 ans, un nouvel horizon est même apparu. « Avant, lorsque mon beau-père écoutait un opéra, je fuyais la pièce en courant pour me réfugier dans ma chambre et je mettais de la pop. Aujourd’hui, il m’arrive de partager avec lui des passages de ses pièces préférées, sourit-elle. J’ai même envie d’assister à un vrai spectacle lyrique. » La musique de jeux vidéo touche des millions de personnes dans le monde parce que les développeurs cherchent, dans les productions contemporaines, à transmettre une palette de sentiments divers. En France, surtout à Paris mais aussi à Lyon, Marseille et Bordeaux, cinq à six concerts sont produits chaque année. Le prochain, « Assassin’s Creed Symphony », se déroulera dans la capitale, au Palais des Congrès, le 29 juin. Filipe et Sandrine ont déjà réservé leurs billets.