Ces projets fous à la conquête du monde du silence
Des chercheurs du monde entier tentent de percer le mystère des abysses.
Les scientifiques l’ont baptisé Challenger Deep, le « défi des abysses ». Situé dans le Pacifique à près de 11000 mètres sous les flots, près des îles Mariannes, c’est le point le plus profond jamais mesuré dans un océan. Voilà quelques mois, Victor Vescovo a réussi l’exploit de s’y risquer. Seul à bord de Limiting Factor, son sous-marin high-tech, ce quinqua texan, qui avait jusque-là passé l’essentiel de sa carrière à faire fortune dans le capital-investissement, s’est enfoncé à 10928 mètres sous l’eau. « C’est la plongée la plus profonde de l’histoire ! », a-t-il fanfaronné dès son retour à l’air libre, accueilli en héros par ses équipes, qui trépignaient à la surface. Avant lui, seul trois hommes avaient osé prospecter ces abîmes, sans toutefois être allés aussi
bas. En 1960, l’explorateur suisse Jacques Piccard, accompagné de l’ex-officier de la marine américaine Don Walsh, avait pointé le bout de ses hélices dans ces tréfonds. Il avait ensuite fallu attendre l’année 2012 – et un exploit solitaire signé James Cameron, le célèbre réalisateur (Titanic, Abyss…) – pour qu’un homme s’y aventure à nouveau.
IL EST ENTRÉ DANS LE GUINESS BOOK. Protégé par son épaisse coque de titane renforcé, le minisubmersible de Vescovo peut résister à des pressions écrasantes. À son bord, depuis le mois de décembre, le Nemo américain a déjà vadrouillé dans pas moins de quatre fosses géantes. Outre celle des Mariannes, il a sillonné celles de Porto Rico, dans l’océan Atlantique, des îles Sandwich, dans l’océan Austral, et de Java, dans l’océan Indien. En septembre, il effectuera la cinquième
et dernière plongée de son programme en inspectant la fosse Molloy, dans l’Arctique. Il sera alors le premier homme à atteindre les zones réputées les plus profondes de la planète.
Mais l’intérêt d’un tel périple ne se limite pas à avoir son nom dans le Guiness Book. Réalisée avec l’appui de chercheurs de l’université de Newcastle, en Angleterre, l’équipée nautique de Victor Vescovo devrait fournir un tas d’images inédites sur la flore et sur la faune des grands fonds marins, grâce aux caméras embarquées du Limiting Factor. Les échantillons de sédiments prélevés renseigneront également sur la nature du plancher océanique.
UN CASSE-TÊTE TECHNOLOGIQUE. À ces profondeurs, recueillir une telle quantité d’informations serait une première. Alors qu’on se précipite sur la Lune et qu’on met des robots sur orbite avant de les envoyer inspecter les terres martiennes, la prospection de nos grands fonds n’en est encore qu’à ses balbutiements. Aujourd’hui, la topographie des abysses, cette zone qui s’étend entre 2000 et 6000 mètres sous le niveau de la mer, est quasi inexistante. Et on en sait encore moins au sujet de la zone hadale, ces fosses qui empruntent leur nom à Hadès, le dieu des Enfers, et déclinent jusqu’à 11000 mètres sous l’eau. D’après de nombreux scientifiques, 85 % du plancher océanique resterait à explorer !