Le fait marquant
Les nouveaux défis du CSA, gendarme et juge à la fois.
Promesse tenue. Le gouvernement s’était engagé à légiférer pour endiguer la diffusion de discours malfaisants sur la Toile, suite à un rapport cosigné par la députée LRM Laetitia Avia (lire n° 903, p. 16). Sa proposition de loi contre la haine en ligne a été approuvée en première lecture par l’Assemblée nationale le 9 juillet dernier. Elle stipule que les plateformes (Facebook, Twitter, YouTube…), dont les activités dépasseront un seuil fixé ultérieurement par décret, et les moteurs de recherche (Google, Qwant, Bing…) seront tenus de retirer ou déréférencer dans un délai de vingt-quatre heures les contenus « manifestement » illicites qui leur auront été signalés. Sont visées les incitations à la violence contre une personne ou un groupe d’individus en raison de son ethnie, de sa religion, de son sexe, de son orientation sexuelle ou de son handicap, ainsi que les publications pédopornographiques ou faisant l’apologie du terrorisme. Si un service incriminé refuse à tort d’obtempérer, il pourra être condamné par la justice à une amende allant jusqu’à 1,25 million d’euros. Mais c’est un organe administratif qui sera chargé de veiller en permanence au respect des règles, à savoir le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).
SURVEILLER ET PUNIR. Comment cette autorité agira-t-elle? En commençant par adresser aux acteurs du numérique concernés toutes les recommandations qu’elle estimera nécessaire d’appliquer. En donnant, par exemple, son avis sur la meilleure manière de considérer les contenus qui ne seraient pas illégaux de façon évidente et réclame
raient une interprétation. Afin de s’assurer du bon suivi de la loi, le CSA aura le droit d’exiger toutes les informations utiles à sa mission, comme le nombre et le type de signalements reçus et la façon dont ils auront été traités. Le CSA établira chaque année un bilan de son action. C’est aussi lui qui jugera si les services Web s’acquittent correctement de leurs obligations et ne se montrent ni trop laxistes ni trop zélés en matière de retrait des publications signalées. En cas de manquement, il mettra en demeure le site contrevenant. Si ce dernier ne se conforme pas à ses exigences dans le délai fixé, il aura la possibilité de lui infliger une sanction pécuniaire pouvant atteindre 4 % de son chiffre d’affaires annuel mondial.
UN TRAVAIL DE TITAN. La loi anti-fake news, adoptée en décembre 2018, confiait au gendarme de l’audiovisuel la tâche d’accompagner les plateformes numériques en leur indiquant les bonnes pratiques à appliquer pour lutter contre la diffusion de fausses informations. La future législation accroît considérablement ses pouvoirs au point d’en faire également le gardien du Net. Mais l’organisme de régulation, qui fête cette année ses 30 ans, aura-t-il les moyens d’effectuer correctement ce travail de titan alors que ses effectifs actuels s’élèvent à 299 personnes? Il est permis d’en douter. D’autant qu’il va être amené à prendre des décisions concernant des sujets touchant à la liberté d’expression; un rôle dévolu jusqu’à présent exclusivement au pouvoir judiciaire. Bref, sa besogne s’annonce ardue, pour ne pas dire impossible.
MISSION IMPOSSIBLE POUR LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’AUDIOVISUEL !