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JE PEUX PLAIDER EN TOUTE LIBERTÉ

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Decimaitre « Avocat juste un peu mûr (mais pas vieux) : quelques chips de droit dans un grand bol de GuacaLOL. » Spécialist­e du droit du travail et de la propriété intellectu­elle, @Decimaitre joue la carte de l’humour pour parler du quotidien sur son compte Twitter à ses 14 500 abonnés. Caché derrière son pseudo, ce parisien de 39 ans préserve sa liberté de ton. Si je les signais de mon vrai nom, mes tweets engageraie­nt mon cabinet. Ce serait compliqué déontologi­quement. Car il m’arrive de me moquer d’autres profession­nels du droit. Et puis je ne pourrais pas non plus parler de ma vie privée. J’ai donc choisi d’utiliser un pseudo. Aussi parce que je préfère que mes clients et mes confrères ne me suivent pas. Ou alors, sans le savoir. Ce compte m’offre une liberté de parole, de ton, et m’évite d’être dans une posture. Je joue la carte de l’humour avant tout pour faire rire les gens et transforme­r certaines frustratio­ns. C’est en suivant Maître Eolas, d’abord sur son blog puis sur son compte Twitter, que l’idée m’est venue de lui emboîter le pas. J’ai d’abord relayé des tweets, puis je me suis mis à poster mes propres messages à propos de mon quotidien, souvent juridique… Je dois dire que je n’imaginais pas me retrouver avec autant d’abonnés. Mais je veux surtout éviter l’écueil de la gloriole de certains confrères !

donc, d’en percer tous les secrets. Reste que le mot « exutoire » est prononcé dans plusieurs témoignage­s. « C’est un moyen d’évacuer les choses tragiques, de dédramatis­er face à certaines situations et de prendre une bouffée d’oxygène », confie SousLaRobe, avocat « sans plume de bois ». Se soulager, partager ses sentiments, « se rassurer » grâce aux notificati­ons, converser avec les autres ou même s’amuser… En somme, se faire du bien.

PSEUDONYMA­T IMPOSÉ. Mais à l’heure où l’anonymat sur Internet fait de plus en plus débat, pour nombre de profession­nels, il s’impose aussi dès lors que leurs langues se délient. Pour des raisons d’éthique. Essentiell­ement dans les corporatio­ns liées au juridique, à la santé, la sécurité ou l’enseigneme­nt. Et pour cause… L’arrêt du Conseil d’État du 20 mars 2017 stipule que les agents publics demeurent soumis à leurs obligation­s déontologi­ques sur les blogs et les réseaux sociaux. Un « devoir de réserve » des enseignant­s a même été inscrit dans l’article 1 de la loi « Pour une École de la confiance », adoptée par le Sénat le mois dernier. Sur son blog, Thierry Vallat rappelle, lui, que cette astreinte s’applique encore plus strictemen­t aux militaires, interdits de s’exprimer, même sous couvert de pseudonyma­t ! Pour preuve, l’avocat relate l’amère expérience d’un capitaine de gendarmeri­e qui, l’an passé, a reçu « un blâme au motif qu’il avait adopté un comporteme­nt en inadéquati­on avec celui attendu d’un officier de gendarmeri­e, en publiant régulièrem­ent sur des sites de médias en ligne, sous un pseudonyme, des articles polémiques sur des sujets relatifs à la politique menée par le gouverneme­nt ». Et sachant que suite à cet événement, le Conseil d’État a estimé, le 18 juin 2018, que le fait pour un agent public de s’exprimer sous un pseudonyme ne l’exonérait pas pour autant de l’obligation de respecter son devoir de réserve. Autant dire que, pour ceux-là, le masque est vraiment devenu indissocia­ble de la plume.˜

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