Les jeux incontournables
Les productions vidéoludiques ressemblent de plus en plus à des films à grand spectacle. Elles n’hésitent plus pour cela à s’appuyer sur la notoriété de stars. Qui répondent présent.
Un nuage de fumée, des spots éclatants de lumière, une musique tonitruante… Et Keanu Reeves apparaît, auréolé de gloire. C’était en juin dernier à Los Angeles, non pas sur la scène des Oscars, mais lors de l’E3, la grandmesse annuelle du jeu vidéo. Sous des hourras unanimes, le Neo de Matrix, ou encore John Wick dans le film du même nom, avance en terrain conquis et s’apprête à annoncer sa présence dans l’une des productions les plus attendues de 2020, Cyberpunk 2077.
Si vous êtes un joueur averti, vous avez déjà croisé des vedettes hollywoodiennes sur votre console, comme Rami Malek. Le Freddie Mercury de Bohemian Rhapsody incarnait en 2015 un adolescent paumé dans Until Dawn, jeu inspiré des slashers movies de la fin des années 90, tel Scream. Plus récemment, on a appris que Jon Bernthal, personnage central dans la série télévisée The Walking Dead, apparaîtra dans le prochain jeu de tir d’Ubisoft. De Willem Dafoe, méchant dans
les Spiderman, à Ellen Page, passée par X-Men, les studios choisissent en général des acteurs familiers des amateurs de culture pop et de films à grand spectacle. Mais ces emprunts de stars relèvent plus d’une simple démarche commerciale visant à rassurer le public en lui donnant à voir ce qu’il connaît déjà.
CONFUSION DES GENRES. Ce phénomène traduit un mouvement irrépressible du jeu vidéo vers le cinéma, en premier lieu dans le rendu de l’image. Grâce aux évolutions technologiques et au développement de la motion capture, le réalisme gagne du terrain, notamment dans l’expressivité des visages. Au point que de plus en plus de productions vidéoludiques ressemblent à des films interactifs. Dans celles du studio français Quantic Dream (dont Detroit: Become Human), on a l’impression de manipuler la fiction et de diriger les héros comme dans une séquence cinématique sur laquelle on aurait la main. Mieux, dans le dernier God of Wars (2018), synonyme d’action pure, l’irruption d’un plan-séquence long de plusieurs dizaines d’heures bouscule les repères traditionnels. Ni cut ni raccord pendant toute la durée de la partie! Pour la première fois, la technique développée par Hitchcock dans La corde, en 1948, trouve une traduction dans le monde des gamers.
Et gare aux éditeurs et développeurs du secteur qui chercheraient à s’éloigner du grand écran. Lors du dernier E3, les fans de l’adaptation d’Avengers se sont offusqués de l’absence de têtes d’affiche tels Scarlett Johansson ou Robert Downey Jr. Le directeur créatif a rapidement dû expliquer son choix dans The Hollywood Reporter, appelant à une indépendance de son projet par rapport à la franchise cinématographique : « Nous voulions clairement montrer notre griffe. » Raté ! Le septième art semble déjà avoir tout raflé.