Ces collectionneurs fous ont la passion en partage
Redécouvrez sept sites portant haut les couleurs du Web original. Attention, pépites !
Sur les rives d’un Web printanier, ils ont posé leurs tentes voilà quelques années. À cette époque – l’Internet des débuts –, chacun pouvait exprimer ce qu’il voulait et devenir son propre éditeur assez librement. Du métal symphonique – alliance entre le heavy metal et la musique classique – aux maneki-neko – ces petits chats porte-bonheur japonais en céramique –, même la plus marginale des passions pouvait se voir consacrer un site avec URL. « Monétisation » et « économie de l’attention » ne voulaient rien dire, et les créateurs de ces plateformes se moquaient bien de générer des revenus avec leurs « contenus ». Pas d’arrière-pensées quand ils songeaient «partage», à la différence des youTubers et des influenceurs actuels. Humbles et motivés, ces aventuriers du « multimédia » mettaient des @ à la place des « a » pour faire mo- derne et des « oo » un peu partout, comme dans Google, Wanadoo ou Kelkoo. De cet esprit pionnier des années 2000, il reste des traces. Des sites qui ont fait leur trou et qui réunissent toujours des communautés d’internautes non négligeables. Combien ? « Je suis incapable de vous donner le nombre de visiteurs uniques mensuels », indique Emmanuel Chanteloup, fan de Patrick Topaloff et créateur de Bide & Musique, la webradio de l’improbable, de l’inouï. « Mais je sais que nous sommes écoutés car, lorsque nos serveurs tombent en rade, je reçois de nombreux courriels nous alertant de la panne. »
MILLE ET UN TRÉSORS. Même refrain chez Moustic, l’ancien animateur de Groland sur Canal+, grand amateur de soul devant l’éternel Stevie Wonder, à la barre de I have a dream, plateforme créée en 2006 et dédiée à sa passion pour la musique. « J’ai pris un compteur récemment, et depuis le 6 juin dernier, plus d’un million d’auditeurs sont passés sur le site, indiquet-il depuis le Pays basque, où il habite. Je ne cours pas après les chiffres, mais les connaître m’encourage au quotidien. Je sais que je ne passe pas tout ce temps en vain. »
Car préférant les chemins de traverse aux routes toutes tracées, ces résistants au Web marchand ne comptent pas leurs heures pour alimenter leurs catalogues en ligne de réjouissantes pépites. Ils fouillent Internet en quête d’une vidéo inédite, chinent dans les brocantes de vieux 45 tours à convertir en MP3, dénichent 1001 trésors.
Souvent obsessionnels, toujours passionnés, ces collectionneurs acharnés ne jurent que par la base de données, forme numérique idéale pour accumuler à l’infini. À leur manière, ils favorisent l’émergence d’innombrables archives populaires et accordent leurs lettres de noblesse à des sous-cultures souvent ignorées par la culture légitime.
Dans un Web qui tend à s’uniformiser, ne serait-ce que graphiquement à travers des interfaces standardisées, ces enragés de l’archive incarnent les derniers des Mohicans. Férus d’indépendance, certains se paient même le luxe de conchier Google. Tel Kenneth Goldsmith, à l’origine d’UbuWeb, site de vidéos d’avantgarde qui, dès le départ, a tout fait pour s’éclipser du célèbre moteur de recherche. Aujourd’hui dans les marges, ces promoteurs de la Toile des débuts pourraient un jour revenir au centre du jeu au fur et à mesure que la défiance à l’égard des majors du Web – comme Facebook, opaque sur l’usage de nos informations personnelles – grandit. Ainsi, pour vous replonger dans l’ambiance d’hier, qui sera peut-être celle de demain, nous vous invitons à (re)découvrir sept sites portant haut les couleurs du Web originel. On s’échange d’ordinaire ces adresses entre initiés. Ici, on vous les dévoile.