Le fait marquant
Va-t-on enfin stopper le démarchage téléphonique abusif ?
Je suis harcelé quotidiennement au téléphone par des personnes cherchant à me vendre des travaux d’isolation thermique, des assurances ou des contrats de fourniture d’électricité. Je n’en peux plus ! », peste Jean-Pierre. Ce retraité fait pourtant partie des 3,7 millions d’adhérents du service Bloctel, lancé en 2016 et censé prémunir des sollicitations commerciales téléphoniques. Les entreprises ont l’obligation légale de retirer leurs numéros des listes de prospection. Sauf que nombre d’entre elles ne jouent pas le jeu. Rien qu’en 2018, plus de 200 500 inscrits sur Bloctel ont signalé qu’ils recevaient toujours des appels indésirables.
ALOURDIR LES SANCTIONS. L’an passé, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) assurait avoir sanctionné 130 sociétés contrevenantes. Mais cela n’ayant pas suffi à stopper le démarchage abusif, les pouvoirs publics tentent de réagir. Depuis le 1er août, l’Autorité de régulation des télécoms interdit aux communications provenant de l’international d’emprunter des numéros nationaux avec des indicatifs géographiques (de 01 à 05) ou polyvalents (09). Le but étant d’empêcher les centres d’appels situés à l’étranger (Maroc, Tunisie…), souvent utilisés par les firmes françaises pour leurs campagnes de démarchage, de tromper les consommateurs en se faisant passer pour des acteurs locaux. Une proposition de loi visant à définir un cadre plus restrictif arrive par ailleurs en seconde lecture à l’Assemblée nationale. Sa mesure principale consiste à alourdir les sanctions. Car des entreprises préfèrent courir le risque d’avoir une amende, actuellement plafonnée à 75 000 euros, plutôt que de payer Bloctel pour expurger leurs listes ; le service pouvant être facturé jusqu’à 48 000 euros par an. La proposition de loi relève donc le montant de la peine maximale à 375 000 euros, et précise que la DGCCRF devra publier les noms des sociétés épinglées. Les jours, les horaires et la fréquence des démarchages seront fixés par décret, et les téléprospecteurs seront tenus d’informer les personnes contactées de la possibilité de s’inscrire gratuitement sur Bloctel.
DES EMPLOIS MENACÉS ? Les associations de consommateurs jugent toutefois ces mesures trop faibles. Elles souhaiteraient inverser la logique actuelle et contraindre les professionnels à solliciter seulement les individus ayant donné expressément leur accord pour cela. Un principe, dit de « l’opt-in », déjà à l’oeuvre pour les mails et les SMS. Elles aimeraient aussi imposer l’emploi d’un indicatif téléphonique spécifique aux démarcheurs, afin de pouvoir immédiatement les identifier. Voire les filtrer. Mais le gouvernement estime que ces dispositions seraient trop difficiles à mettre en oeuvre pour les très petites entreprises ; pourtant fort peu enclines à recourir à de coûteuses prospections téléphoniques. Et il craint qu’elles menacent à terme les emplois des 56 000 salariés des centres d’appels implantés en France. À vouloir ménager la chèvre et le chou, il risque fort de laisser perdurer les pratiques abusives.
AUJOURD’HUI PLAFONNÉE À 75 000 €, L’AMENDE POURRAIT ATTEINDRE 375 000 €