JE N’AI JAMAIS ÉCOUTÉ QUE MOI-MÊME
Rafi Haladjian, 58 ans, a toujours été en avance sur son temps. Pionnier de l’Internet français, son aventure commence en 1994, année de lancement de FranceNet, l’un des deux premiers fournisseurs d’accès de l’Hexagone. Elle se poursuit en 2003 avec l’ouverture d’Ozone, le premier réseau Wifi de la Capitale. En 2005, son Nabaztag préfigure les assistants vocaux de Facebook, Google et Apple. Et Mother, neuf ans plus tard, l’irruption des objets connectés dans notre quotidien.
Le truc perturbant quand on a une idée, c’est qu’on a tendance à s’imaginer que d’autres l’ont déjà eue. Mais c’est le frein des personnes qui n’entreprennent pas. Moi, j’ai senti ça au moment de FranceNet. Sauf que l’histoire a prouvé que j’avais eu raison de me lancer. Et ça m’a libéré de ce truc. De toute façon, il n’existe aucun moyen de savoir à l’avance si une idée est bonne ou pas. Pour Nabaztag, on a essayé en faisant un sondage dans la rue. Bilan: 100% des gens ont jugé le concept très con ! Or, si notre lapin est mort, ce n’est pas faute d’avoir trouvé son marché, mais parce qu’il coûtait trop cher. Nos marges étaient infimes.
Pour Mother, le problème fut différent. Ses capteurs pouvaient rendre intelligent n’importe quel accessoire domestique et ainsi remplacer six ou sept autres objets connectés. C’était difficile à expliquer, et donc à vendre. D’autant qu’elle n’avait pas le côté kawaii du Nabaztag, qui donnait envie d’en avoir un chez soi avant de savoir ce qu’il faisait. Aujourd’hui, lorsque vous sortez un nouveau produit, à moins d’avoir inventé quelque chose d’extraordinaire, vous n’avez droit qu’à trois secondes d’attention de la part des médias et du public. Concevoir est devenu facile, mais se faire remarquer l’est moins.