Ce qui se trame dans les labos
Des chercheurs hongkongais et américains sont parvenus à créer un oeil artificiel non seulement très proche du nôtre, mais plus performant encore.
Un grand pas vers l’oeil bionique. Des trous pour des fleurs. Des microrollers dans le sang.
Fruit de cinq cents millions d’années d’évolution, l’oeil humain est une merveille de précision. Capable de percevoir les plus fins détails, il couvre un champ immense, correspondant à 150° sur le plan horizontal (vision binoculaire). Des capacités extraordinaires dues notamment à la forme de l’oeil et à la courbure de la rétine, la membrane qui tapisse le fond du globe. Celle-ci, composée de 125 millions de cellules photosensibles, reçoit les signaux lumineux et les transmet via le nerf optique au cerveau qui reconstitue l’image.
LES DERNIERS SECRETS DE LA RÉTINE. Depuis plusieurs années, les chercheurs s’efforcent de reproduire ce dispositif de façon artificielle, autant dans le but de créer de nouvelles prothèses à l’attention des malvoyants que pour équiper des robots humanoïdes. Tous se sont heurtés au même problème: comment créer un capteur incurvé comme la surface de la rétine, et suffisamment défini pour atteindre les performances de nos yeux ?
C’est dans un article de la revue Nature, paru le 20 mai, que des chercheurs de l’université des sciences et technologies de Hongkong, de l’université de Californie et du Laboratoire national Lawrence-Berkeley, aux États-Unis, ont dévoilé une réplique bionique reprenant la physionomie de l’oeil humain et dotée des mêmes capacités en termes d’acuité visuelle.
Pour cela, ils ont développé une rétine artificielle composée d’une demi-sphère d’alumine (un oxyde métallique isolant, étanche et surtout biocompatible) percée de milliers de trous micrométriques où ont été insérés de minuscules capteurs de pérovskite, un minéral photosensible. Ces capteurs ont ensuite été reliés à une unité de traitement du signal par des nanofils en gallium, un matériau semi-conducteur liquide à température ambiante et qui interagit avec la lumière. Ils ont enfin séparé la rétine de la lentille mimant la pupille par un liquide ionique conducteur reproduisant le corps vitré, la substance gélatineuse remplissant la cavité oculaire. Bref, les scientifiques ont conçu une reproduction extrêmement fidèle de l’oeil humain.
HAUTE PRÉCISION. Si des yeux artificiels ont déjà été produits, ils péchaient jusqu’alors par un manque de netteté en périphérique, en raison de leur surface plane. Cette fois, ils ont même surpassé le modèle original! Les nanofils étant beaucoup moins épais que les cellules humaines – leur densité se révèle jusqu’à 30 fois supérieure –, ils assurent une bien meilleure résolution. Un prototype visant à remplacer ces fils par des nano-aiguilles plus fines pourrait d’ailleurs encore améliorer ces performances.
Et ce n’est pas terminé. En raison de la haute conductivité des matériaux employés, le temps de réponse à des stimuli visuels est inférieur à celui de l’oeil humain. Et alors que notre rétine présente une zone aveugle, là où les cellules photosensibles convergent vers le nerf optique, le modèle artificiel ne présente aucune limitation physique. Prêt à remplacer votre rétine?