ELLE A UN PLAN POUR L’EDUCATION
Cette pionnière du web contribue à l’innovation dans le domaine éducatif en soutenant, avec son fonds d’investissement, des start-up qui réinventent l’école par le numérique.
Le 3 septembre, Marie-Christine Levet, cofondatrice du fonds d’investissement Educapital, pouvait être satisfaite du plan de relance annoncé par le gouvernement pour contrer les effets de la crise sanitaire. Il faut dire que l’Edtech, l’innovation technologique au service de l’éducation, son secteur d’activité, est au coeur du dispositif prévu par le gouvernement. Ce dernier a décidé d’allouer 1,6 milliard d’euros à la formation des jeunes aux métiers d’avenir. Avec cette annonce, l’État français tente de rattraper un retard dont on a pu mesurer l’ampleur pendant la période de confinement avec, entre autres, des professeurs et des établissements non préparés au passage à l’école à distance. « Les boucles WhatsApp ou les cours sur YouTube étaient loin d’être suffisants pour assurer un enseignement », observe Marie-Christine Levet.
Dès la création du fonds, il y a trois ans, cette experte avait pourtant alerté de ce retard pris par la France dans la transition numérique de l’éducation. «Fournir une tablette aux enfants ne suffit pas », s’insurge-t-elle. Son constat est simple: on enseigne aujourd’hui comme autrefois, rien n’a changé depuis la génération de nos parents, et même celle de nos grands-parents. La France et l’Europe sont largement devancées par la Chine et les États-Unis, qui captent 75% des investissements mondiaux dans le secteur de l’Edtech, contre 10 % en Europe.
ÉGALITÉ DES CHANCES. «Il est dommage de se priver de la technologie , l’Edtech peut aider à combattre le fléau de l’échec scolaire », assure-t-elle. Marie-Christine Levet s’est donnée comme mission de rendre l’éducation plus accessible, plus inclusive, et de redonner aux élèves le goût d’apprendre. «Les jeunes considèrent YouTube comme leur premier moyen d’apprentissage, commente-t-elle. Mais le numérique, c’est autre chose que de passer du temps sur des écrans.» Son fonds déniche et soutient financièrement des talents du web éducatif comme Lalilo, une application d’apprentissage personnalisé de la lecture à distance pour les tout-petits, ou Labster, un laboratoire de physique-chimie virtuel. Son projet sur l’éducation prend corps dans une lecture globale des problématiques que pose le secteur: la souveraineté numérique, les risques que posent les Gafam (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft), la parité dans un domaine où les femmes sont sousreprésentées. Et la quinquagénaire sait de quoi elle parle, elle qui accompagne, sous différentes casquettes (administratrice, fondatrice, collaboratrice…) l’internet français depuis la fin des années 1990, du temps où il balbutiait à peine.
Car rien ne prédisposait cette native du Cantal à suivre cette voie, ni durant son parcours de lycéenne aux Mureaux (Yvelines), ni quand elle fut propulsée sur les bancs d’HEC. C’est même devant l’incrédulité de ses pairs que MarieChristine Levet a décidé de rejoindre, il y a maintenant vingt ans, le secteur du web. Elle tournait en effet le dos à la carrière toute tracée que lui prédestinait la prestigieuse école de commerce. «J’avais besoin de nouveauté, de challenge, je ne me voyais pas dans une grande structure, raconte-t-elle aujourd’hui. Et puis je sentais que j’allais vite atteindre le plafond de verre, cette chape qui empêche les femmes d’évoluer professionnellement dans le monde de l’entreprise. »
Ainsi, loin du conseil, de la finance et de la stratégie, Marie-Christine Levet relèvera son premier défi avec brio, en lançant le moteur de recherche Lycos en 1997, à une époque où Google n’existait pas encore, puis en prenant la tête, quatre ans plus tard, du fournisseur d’accès Club-Internet. « À 30 ans, je suis entrée dans un domaine où il n’y avait encore aucune règle », se souvient-elle, loin de s’imaginer que son parcours atypique serait distingué l’année dernière par la Légion d’honneur.