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a semaine dernière, un vieux copain, Éric, me convie à un groupe Facebook. En général, je décline ce type d’invitation, je suis agoraphobe 2.0. Mais là, pour lui faire plaisir, j’accepte sans réfléchir.
Et je me retrouve dans une communauté enchantée qui s’intitule « I love #mondécolleté ». Je me frotte les yeux et découvre la plus sublime collection de décolletés naturels que j’ai jamais vue de ma vie d’homme qui n’a pas les yeux dans sa poche.
Des décolletés, j’en ai vu au cinéma, sur papier glacé, dans les premières minutes toujours trop courtes des quelques films X visionnés dans mon adolescence ( jamais depuis, bien entendu), et parfois dans la rue. Mais ce groupe Facebook, c’est le salon du décolletage! Une oasis où il y a du monde au balcon. Et moi, je me penche, voyez-vous.
Remis de mon émotion première, je comprends qu’il s’agit là d’une manif 2.0. Ces femmes, qui ressemblaient à toutes les femmes, ce qui les rendaient diablement attirantes, manifestaient. Elles manifestaient en solidarité avec Jeanne, qui, le 8 septembre, s’est vue interdire l’accès au Musée d’Orsay pour cause de décolleté plongeant. Un décolleté qui a plongé l’un des gardiens dans un trouble tel, qu’il décide d’interdire à Jeanne l’accès du Musée (ou il y a plein de femmes nues sur les murs). Jeanne, qui n’a rien vu venir, postera sur Twitter quatre heures plus tard une photo du décolleté par lequel le scandale est arrivé. Photo assortie d’une lettre au Musée, qui provoquera la création du groupe Facebook auquel mon copain Éric m’a convié.
Dans ce groupe donc, les femmes revendiquent leur décolleté et ce qu’elle considère comme une liberté de se vêtir, d’être et de paraître. N’empêche, en parcourant ces photos, je me trouve dans une position ambiguë que je dois partager avec vous.
J’ai rarement soutenu des causes ou signé des pétitions. Mais là, je reconnais qu’Éric me pousse à joindre l’utile à l’agréable. Plus je regarde ces décolletés, plus je les regarde. Que faire? Si je regarde par plaisir, je dépossède à nouveau ces femmes de leur corps, comme disent les féministes. Mais si j’écris ici que j’ai rejoint ce groupe et que j’y reste par militantisme, on doutera de ma sincérité.
LPire, je rejoindrai l’internationale des tartuffes qui se rincent l’oeil sous couvert de manifester leur soutien. Le défilé de ces décolletés militants est en réalité une injonction paradoxale. Il faut laisser le droit de montrer et d’être mais ne pas regarder cela avec du désir. Compliqué. Se joue ici pour le mâle un combat assez peu reluisant, même très ordinaire entre nature et culture. Le gentleman doit prendre le pas sur le primate.
Ma femme qui travaille face à moi me trouve depuis dix minutes bien silencieux derrière mon écran, tel James Stewart dans Fenêtre sur cour. Elle fait le tour de la table et me lance:
Mais qu’est-ce que tu mates?
–
Je mate pas, je soutiens les femmes dans – leur combat pour la liberté.
Et bien sûr ma femme pouffe. Me voilà démasqué. Convié par Éric – qui n’a pas non plus les yeux dans sa poche – à soutenir les femmes dans ce combat politique, je me retrouve dans la position du type qui profite des réseaux sociaux pour mater des MILF en pleine revendication. Regarder sans regarder? Faire défiler les images sans s’attarder sur cette croix en diamants dont la partie inférieure se perd entre deux collines tachetées de rousseur? Je suis perdu.
Je suis indigne d’elles. Je les respecte mais les désire. Je les admire mais les contemple. Je suis le mâle emmêlé. Le bien et le mal. Cachez (pas) ces seins que je ne saurais voir mais que si quand même.
Comment de cette situation bancale me sortir par le haut (que j’enlèverais bien à ces dames) ?
La solution, c’est Michel Piccoli qui me la donne dans le début du de Jean-Luc Godard. Bardot étendue nue sur le lit questionne Piccoli et joue à n’être qu’un objet et se découpe en petits morceaux pour être aimée. Les pieds, les fesses, les seins jusqu’au bout des seins. « Et mes seins, tu les aimes ? ». Comment aimer correctement si l’on ne regarde que les parties séparées du tout? Comment respecter la personne si on la met en morceaux? Alors Piccoli a ces mots qui rassemblent la femme par la magie d’un regard désirant et non «chosifiant». Il répond : «Je t’aime totalement, tendrement, tragiquement. » Bardot alors n’est plus en morceaux, elle est redevenue Bardot.
C’est ce que j’explique à mon épouse qui en rit encore.