La chronique de David Abiker
DChroniqueur radio, internet, TV et presse, David Abiker se passionne pour la société numérique et ses objets
– Tu veux dire que tu préfères désirer ce que tu n’as pas plutôt qu’avoir ce que tu désires ?
– Parfois oui, on veut toujours ce qui nous échappe.
– Donc maintenant, si on te proposait un supervoyage avec ta mère, tu viendrais ?
– Certainement pas. Je veux partir avec mes potos, avec mon réseau social, pas avec mon réseau parental. Mais il y a ce Covid’merde.
Je repense souvent à une conversation que j’ai eue un soir d’été à Marseille avec mon père. Un jour où nous parlions de sa jeunesse et de la mienne, papa m’a posé une devinette que je n’oublierai jamais. J’y resonge en constatant que #14 est, ce soir, au bout de sa vie avec son réseau social confiné. Mon père, un jour, m’a donc posé cette question:
Je songe à cette énigme chaque fois que je commets ce contresens: penser que les jeunes peuvent amortir le choc du confinement grâce à leurs réseaux sociaux et leur smartphone. Voici ce que m’a répondu mon père en ce soir d’été 1986 ou 1987. Il était assis sur le bord de la fenêtre, lisait son journal enfumantsacigarettequotidienne(jamaisplus)etgoûtait pleinement un de ces moments de solitude qu’on apprécie à 50 ans et qu’on fuit à 17.
– David, les jeunes ne veulent qu’une chose à travers toutes les choses qu’ils prétendent désirer.
– Et donc ?
– David, que veulent les jeunes d’après toi ?
– Je sais pas. Un baladeur ? Une console Atari avec Pacman? Un jean 501? Des Vans?
– Non.
– Voir le prochain épisode de La Guerre des étoiles ?
– Non.
– Les jeunes veulent être ensemble.
En la regardant un peu lasse, ses livres et ses cahiers éparpillés sur la table de la cuisine, je m’aperçois que #14 ne dit pas autre chose que son grand-père. Avec ou sans réseaux sociaux, les jeunes ne désirent qu’une chose, être ensemble. C’est d’ailleurs ce qui les sépare de plus en plus de leurs aînés qui, eux, ont le plus grand mal à se supporter.
#14 est le portrait de son grand-père depuis toujours. Il n’est plus là pour lui poser la devinette. «Que veulent les jeunes au fond d’eux-mêmes?» #14 connaît déjà la réponse.