ILS S’ASSOCIENT POUR MONDE UN MEILLEUR
Pour faire face à l’obsolescence programmée, Laetitia Vasseur et Samuel Sauvage ont créé l’association HOP il y a maintenant cinq ans et oeuvrent pour que citoyens, politiques et entreprises agissent pour rendre nos appareils plus durables.
Et si, au lieu de jeter nos appareils et de les remplacer, on les réparait? C’est l’idée soutenue par l’association Halte à l’obsolescence programmée (HOP), qui accompagne les politiques, les citoyens et les entreprises vers une autre vision de la production et de la consommation. Pourquoi se débarrasser d’un lave-linge défectueux quand on peut lui offrir une seconde vie avec une simple pièce de rechange? Réparer nos appareils nous permettrait pourtant d’économiser tout en respectant l’environnement.
Si nos réflexes commencent à changer, c’est notamment grâce à des associations comme HOP, qui entend dresser un bilan des avancées obtenues depuis sa création, en 2015, lors de son premier «Sommet de la durabilité programmée», qui se tiendra en ligne le 27 novembre (bit. ly/32bHDzd). Le choix de cette date est du reste symbolique puisqu’elle coïncide avec celle du Black Friday, annonçant le lancement des achats de fêtes de fin d’année. HOP prend donc le contre-pied de cette journée emblématique de la surconsommation en proposant des rencontres autour des défis de la durabilité. On y retrouvera des représentants du monde politique, des institutions et des entreprises: Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique; David Cormand, député européen d’Europe Écologie les Verts; l’Agence de la transition écologique (ADEME), le groupe FnacDarty, la boutique en ligne de pièces détachées SOS Accessoire, et le spécialiste de l’électroménager durable, Kippit.
Cet événement est une belle consécration et célèbre l’anniversaire de l’association. « Je constate qu’en cinq ans, il y a une prise de conscience », observe Laetitia Vasseur, sa cofondatrice et directrice. Effectivement, les distributeurs semblent plus enclins à informer leurs clients sur la durabilité des produits, notamment en les avisant de la disponibilité ou non de pièces détachées. Et ils se montrent également plus transparents sur leur service après-vente (SAV). La preuve en est avec le baromètre du SAV Fnac-Darty qui, depuis trois ans, attribue à chaque famille d’appareils un score de durabilité (lire n° 937, p. 12). Les entreprises invitées au Club de la durabilité, animé par HOP, jouent par ailleurs le jeu. « Nous sommes très bien accueillis parce que nous savons faire preuve de pragmatisme, décrypte Samuel Sauvage, cofondateur et président de HOP. On peut avoir des valeurs fortes sans être dans le jugement des entrepreneurs. »
Des efforts incontestables
L’association réussit également à se faire entendre des responsables politiques. Ainsi, grâce à ses actions auprès du gouvernement: on lui doit l’adoption d’un indice de durabilité des produits, obligeant les fabricants à informer les consommateurs sur la réparabilité de leurs appareils. « Il y a eu de gros efforts et des avancées qui vont, je l’espère, devenir prochainement significatifs dans la vie de chacun », confie Laetitia Vasseur qui veut faire prendre conscience aux clients qu’ils ne sont pas impuissants, et aux fabricants que le sentiment d’impunité dont ils peuvent faire preuve est terminé: «C’est fini, aujourd’hui les acheteurs sont vigilants. » Pour sa part, Samuel Sauvage est convaincu du rôle de l’État et des collectivités pour orienter l’économie. «L’État a oublié qu’il avait des marges de manoeuvre », estime celui qui fut conseiller économique au Conseil régional d’Île-deFrance de 2010 à 2014.
La directrice de HOP, quant à elle, connaît bien l’obsolescence programmée pour avoir travaillé, durant trois ans, en tant que collaboratrice parlementaire du sénateur écologiste Jean-Vincent Placé, sur le projet de loi relatif à la transition énergétique. Depuis son vote en 2015, mettre sur le marché un produit à la durée de vie délibérément réduite par son fabricant est devenu un délit passible de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.
Du lobbying aux tribunaux
Laetitia Vasseur a créé HOP au retour d’un périple de huit mois en Asie qui l’a menée de la Mongolie à l’Indonésie. «En bonne Occidentale, je suis arrivée là-bas avec mon sac à dos de 15 kilos, se rappelle-t-elle. Mais au cours du voyage, j’ai vidé la moitié de mes affaires et les ai données. Je me suis rendu compte qu’à mon échelle, je n’avais pas besoin de grand-chose pour vivre. Mon cheminement intérieur m’a amené à constater qu’on peut vivre léger et heureux. » Une fois rentrée, elle a décidé de s’attaquer à l’obsolescence programmée et fait appel à ses amis, parmi lesquels figurait Samuel Sauvage. « Sans forme associative, nous ne pouvions pas faire pression sur les pouvoirs publics. » Aujourd’hui, la jeune femme de 32 ans, diplômée de droit et de sciences politiques, travaille en parallèle à la rédaction d’une thèse sur l’émergence des sujets de durabilité au sein de l’économie circulaire, à l’ESCP Business School.
De son côté, Samuel Sauvage, qui souhaitait « secouer le cocotier sur le sujet de l’obsolescence programmée », n’imaginait pas que HOP deviendrait une association de référence avec 40000 sympathisants. Ni qu’elle ne se limiterait pas à faire du lobbying mais attaquerait aussi en justice et remporterait des victoires contre de grands groupes. C’est ainsi qu’à la suite d’une de ses plaintes, Apple s’est vu infliger une amende record de 25 millions d’euros en février dernier par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour avoir volontairement ralenti, à l’aide des mises à jour d’iOS, les performances de certains iPhone.
S’attaquer à un autre fléau : l’obsolescence culturelle
Mais HOP ne s’en tient pas uniquement au vieillissement anticipé des appareils, l’association vise également l’obsolescence culturelle, à savoir le remplacement des produits pour rester dans la tendance. En mai, l’association a porté plainte contre Microsoft auprès du jury de la déontologie publicitaire pour une campagne encourageant les entreprises à se débarrasser de leurs ordinateurs de plus de quatre ans. En juillet, le jury a donné raison à l’association. Pour guider les consommateurs, HOP a enfin créé le site Produitsdurables.fr qui trouve et compare différents produits et donne les clés d’une consommation durable et responsable. Rapports d’enquête, sondage et interviews d’experts sont proposés afin d’éclairer les utilisateurs. Tout ce dispositif permet de contrer « les stratégies des industriels qui font en sorte que leurs appareils tombent en panne, soient non-réparables ou incompatibles avec certains logiciels », détaille Samuel Sauvage.
Pour lui qui pilote aussi des projets d’économie circulaire des collectivités pour l’association de conseil Auxilia, interroger le mode de production sous l’angle de l’obsolescence a un impact, au-delà de mesures gouvernementales, d’actions en justice et de campagnes d’opinion. Cela questionne notre modèle économique. Et le succès de cette approche tient au fait qu’elle peut être abordée par tout le monde. « L’obsolescence programmée parle aux piliers de bar, aux chercheurs et aux sénateurs, insiste Samuel Sauvage. Cela montre l’hypocrisie de notre modèle économique et réconcilie les enjeux sociaux et environnementaux, qui ne vont pas toujours dans le même sens. Ce sujet rassemble différents combats.» Optimistes, les fondateurs de HOP ne veulent pas revenir en arrière. «L’idée n’est pas de faire comme avant, mais de faire comme demain », conclut la jeune femme. Et pour demain, elle espère une nouvelle formule où la durabilité des produits et une économie qui se tourne davantage vers le service auront leur place.
« L’IDÉE N’EST PAS DE FAIRE COMME AVANT MAIS DE FAIRE COMME DEMAIN »