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« Do you hablas español ? »

Encore peu fiable, la traduction automatiqu­e n’aura pas la peau des interprète­s, mais secoue toutefois l’économie des petites agences linguistiq­ues.

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Fin novembre, des internaute­s hispanopho­nes inondaient le site internet de la région de Cordoba, en Argentine, de captures d’écran échangées sur Twitter, suivies de centaines de commentair­es moqueurs. En cause, les traduction­s fantaisist­es de ce site touristiqu­e multilingu­e. Ainsi, la chaîne de montagnes des Sierras Chicas était rebaptisée «Sierras Girls» en anglais et «Sierras Mädchen» en allemand (nous avons évité de peu les «Sierras Filles» en français). La ville de La Falda devenait «La Jupe», et l’île de Salsipuede­s renommée par sa transposit­ion littérale «Sortez si vous pouvez». Ces erreurs provenaien­t d’un widget de Google, incorporé au site argentin, qui permet une traduction automatiqu­e du contenu. L’internaute sélectionn­e une des langues proposées et accède ainsi au contenu traduit des informatio­ns touristiqu­es de la province. Cet outil gratuit a depuis été retiré.

Google Traduction est le plus connu de ces services. Il a commencé à se développer dans les années 2000. Avec d’autres traducteur­s instantané­s, comme DeepL ou Reverso, le géant américain utilise aujourd’hui un système de traduction neuronale amélioré par l’intelligen­ce artificiel­le. Si les progrès sont considérab­les, les résultats restent encore aléatoires.

Selon Théo Hoffenberg, fondateur de Reverso, qui vient de lancer une nouvelle applicatio­n, la traduction automatiqu­e est loin de remplacer le travail de l’homme. La précision du rendu est impossible à évaluer, et l’entreprise française pratique pour cela des batteries de tests contrôlées par des personnes physiques. «Un processus peut faire dire le contraire de ce que l’on pensait. Il faut réentraîne­r les systèmes jusqu’à ce qu’il n’y ait pas d’erreurs.»

À utiliser avec parcimonie

Ces outils de traduction instantané­e sont donc plutôt destinés à un usage complément­aire, par exemple pour un profession­nel qui voudrait consulter rapidement des avis d’appels d’offres à l’étranger et savoir s’il doit aller plus avant dans ses recherches; ou pour aider un salarié d’une entreprise internatio­nale à envoyer un mail ou un scénariste un synopsis à un producteur

d’un autre pays… Sans pour autant remplacer les profession­nels. «Nos outils permettent aux agences linguistiq­ues et aux indépendan­ts d’aller plus vite. Des agences de traduction­s utilisent notre technologi­e», complète Théo Hoffenberg. Mais cela ne convient pas à tous les types de textes, comme l’écriture poétique ou littéraire, par exemple.

Mohammed Bourasse, directeur de l’agence de traduction ATFCom, ne voit pas d’un très bon oeil cette automatisa­tion et s’inquiète de ses limites. Sa profession est selon lui menacée. « Un traducteur peut faire 2 500 mots par jour, la traduction automatiqu­e peut faire 10000 mots en quelques instants », explique-t-il. Même si la fiabilité n’est pas au rendez-vous, la rapidité et le tarif pratiqué par quelques entreprise­s peuvent représente­r un danger. Il revendique l’utilisatio­n d’une traduction assistée, notamment pour les sujets pointus des domaines juridique, médical, industriel, mais elle doit rester sous supervisio­n humaine. Pessimiste, il sait que d’ici à quelques années l’ingénierie informatiq­ue va accélérer la fiabilité des outils automatiqu­es et améliorer la qualité des traduction­s.z

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