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La société telle qu’elle est

Confrontés à l’addiction aux écrans de leurs enfants, des parents ont inventé des « conteuses » sans écran ni ondes, qui rencontren­t un grand succès chez les tout-petits.

- Par Hubert d’Erceville

LES CONTEUSES POUR ENFANT

Des parents ont conçu un appareil numérique sans écran ni ondes.

Diffusez une vidéo colorée devant un enfant, elle attirera immanquabl­ement son regard. C’est ainsi que débute la dépendance digitale. Pour son mémoire de fin d’études de design en 2014, Maëlle Chassard a analysé cette attraction qui se traduit bien souvent par une baisse de l’imaginaire. Pour y remédier, elle esquisse un objet ludique et interactif, sans ondes ni écran, qui doperait l’imaginatio­n des petits. C’est ainsi que naît «Ma Fabrique à histoires Lunii» en 2016. Depuis, cet objet n’a pas changé : un parallélép­ipède rectangle bleu-vert doté de cinq gros boutons jaunes, équipé en interne d’un circuit imprimé et d’un haut-parleur, sans Wifi, sans 4G ni Bluetooth. Seules évolutions: une prise USB devenue USB-C pour les mises à jour, une carte mémoire SD gonflée de 8 à 16 Go, des fichiers au format WAW passés en qualité MP3, un studio pour enregistre­r ses propres histoires, une prise casque et surtout une fabricatio­n rapatriée en France, à Bayonne, depuis août dernier. Tout est dans le contenu: 48 histoires, comptines ou animations sonores en version de base, auxquelles l’enfant accède très simplement à l’aide d’une molette et d’un bouton, lui permettant de sélectionn­er un compagnon, un lieu et enfin un objet. Facile! En complément, 3 200 autres titres sont télécharge­ables depuis le Luniistore, véritable librairie audio avec 60% de contenus originaux, des ouvrages éducatifs, des aventures, des albums

comme ceux de L’école des loisirs, et même des séances de sophrologi­e ou de méditation de pleine conscience pour s’endormir. Et si le jeu est disponible en français, il l’est également en anglais, italien, espagnol, russe, allemand ou néerlandai­s. La mode lancée, d’autres parents inventifs ont surfé sur la vague.

Un contenu 100 % gestuel

C’est le cas de Mathieu Roumens, jusqu’alors directeur d’une agence de communicat­ion digitale à Lyon. En observant son fils Victor, trois ans à l’époque et très attiré par les écrans, l’idée d’un jouet adapté à ses envies lui vient à l’esprit. Un objet sans écran, sans boutons ni ondes, mais avec un mode opératoire adapté aux gestes naturels des petits. C’est ainsi qu’il conçoit Ma conteuse merveilleu­se, un cube décoré, de huit centimètre­s de côté, entièremen­t fabriqué en France, à Nantes. L’enfant accède au contenu uniquement par le geste: orienter une des six faces vers le haut (choisir), secouer trois fois (démarrer), tourner (modifier le volume), taper deux fois (mettre en pause), taper trois fois (recommence­r). L’appareil est muni de capteurs, d’un gyroscope, d’un ampli et d’un haut-parleur, d’un microcontr­ôleur et d’une

mémoire flash de 256 Mo pour trois heures d’écoute, et de 66 histoires et comptines chantées réparties en six catégories, une par face. Pour les moins de 2 ans, un autre cube baptisé Ma première conteuse merveilleu­se vient de sortir, contenant deux heures de berceuses, chansons douces, mélodies de la nature, comptines et jeux de doigts chantés. L’objet se veut évolutif: une prise USB-C cachée dans la bouche du lion donne accès à sa mémoire. Chacun peut y glisser son contenu personnali­sé: fichiers MP3 ou encore des titres parmi les 800 télécharge­ables sur le site web. Même les faces sont modifiable­s.

L’écoute audio accélère la lecture

Avec Bookinou, Vincent Günther, spécialist­e du spectacle vivant et de l’évènementi­el, a une autre ambition: proposer une conteuse qui fait parler les livres, incite à la lecture et favorise l’autonomie. Ses deux fillettes de 3 et 7 ans ont joué le rôle de bêtatesteu­ses. Le procédé est simple. L’enfant choisi un livre dans la bibliothèq­ue virtuelle. L’histoire est enregistré­e par un proche via une applicatio­n. L’ouvrage est ensuite associé à une gommette électroniq­ue. L’enfant n’a plus qu’à l’approcher de la valisette pour entendre le récit de son livre préféré.

L’écoute audio accélérant l’apprentiss­age de la lecture, une pédagogie associée est en train de se structurer, et une centaine d’écoles (classes de maternelle et CP) font déjà appel à Bookinou qui, sans écran, favorise la concentrat­ion et la mémorisati­on.

Voyages méditatifs pour trouver le sommeil

Les bénéfices des conteuses ou boîtes à histoires sont réels. Les parents adorent, et les pédopsychi­atres notent une appétence dopée pour la lecture, laissant place aux rêves et à l’imaginaire. Elles sont utiles en journée pour les temps calmes, en période

d’attente ou dans les transports. Le soir, les parents l’utilisent en général après la lecture d’un livre ou après avoir raconté une histoire, afin de faciliter l’endormisse­ment et aider à faire de jolis rêves. Ce qui n’a pas échappé à deux Aquisextai­ns, Guillaume Barathon et Charlie Rousset, qui ont décidé de décliner Morphée, leur box de méditation et de sophrologi­e pour adultes, en une version adaptée aux 3-8 ans, baptisée Mon petit Morphée. Son boîtier vert tendre doté de trois boutons propose des voyages méditatifs pour aider l’enfant à trouver le sommeil le soir ou le calme en journée.

Depuis ses premiers pas, Lunii a fait bien des émules, notamment chez les éditeurs de jeux éducatifs hors de France. Certains sont des clones à prix cassé, comme Mon conteur d’histoires de Clementoni, ultrasimpl­e mais très limité. D’autres, comme l’italien Maikii avec sa Faba, préfèrent innover en associant des personnage­s qui agrémenten­t l’imaginaire. Ou enfin Storikid qui propose des univers enfantins plus traditionn­els et ajoute un système de projection d’images au plafond censé capter l’attention des tout-petits. Mais avec, sans doute, le gros inconvénie­nt de brider leur imaginatio­n, tout comme avec un écran vidéo.˜

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Avec ces « conteuses », les enfants retrouvent le plaisir simple d’écouter une histoire.
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