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APPRENEZ LA MUSIOUE TOUT SEUL

TUTOS • APPLIS • LOGICIELS • MATÉRIEL…

- Par David Namias et Jean-Marie Portal

Ce qu’il faut pour se lancer

Avec le numérique, les apprentis musiciens n’ont jamais eu autant de méthodes et d’outils à leur dispositio­n. Hervé, auteur-compositeu­rinterprèt­e en pleine ascension, en témoigne. Avec d’autres, il raconte comment la musique assistée par ordinateur change la donne.

Parti de rien, il sera là… aux Victoires de la Musique, ce vendredi 12 février, nommé parmi les révélation­s masculines de l’année, aux côtés de Hatik et Noé Preszow. Parti de rien, comme il le chante dans Addenda, Hervé est l’un de ces rares artistes à avoir appris la musique tout seul. Le jeune auteur-compositeu­rinterprèt­e de 28 ans est en effet un véritable autodidact­e que rien ne prédestina­it, a priori, à monter un jour sur scène. Et pourtant, son premier album, Hyper, sorti au mois de juin, le mènera tout droit sur celle de l’Olympia le 26 mars (si la situation sanitaire l’autorise) et le 25 octobre prochains. Sachant que les onze titres de cet album (seize dans sa version «prolongée») ont tous été composés sur son ordinateur, dans le petit studio d’enregistre­ment qu’il s’est aménagé, depuis maintenant quelques années, dans son appartemen­t de la rive gauche parisienne.

Chez moi, pour réaliser mes démos musicales, j’utilise...

L’histoire d’Hervé est celle d’une passion qui a commencé à l’adolescenc­e. « À 14, 15 ou 16 ans », raconte-t-il. Lui-même ne se rappelle plus très précisémen­t à partir de quel âge. Mais ce dont il se souvient très bien, en revanche, c’est de la relation «assez particuliè­re » qu’il entretenai­t alors avec le son des claviers. « Dès que j’entendais du piano, j’avais des frissons, les larmes aux yeux, confie-t-il. C’était incroyable parce que je ne viens pas d’une famille de musiciens. » Une passion qui le poussera donc à suivre tout de même, « pendant un an ou deux », des cours de piano à l’école de musique de sa ville, Fontenay-le-Fleury, en banlieue parisienne. « Mais tout a réellement commencé quand j’ai découvert Cubase », assure-t-il. C’est un « pote geek », en troisième, qui lui fournira une version qu’il installera « sur une vieille tour sous Windows XP ».

Savoir choisir son DAW

Cubase est un logiciel de production musicale, ou un «DAW» comme disent les initiés, pour Digital Audio Workstatio­n. Il comprend de nombreux instrument­s virtuels, une multitude d’effets sonores et une large bibliothèq­ue de samples, c’est-à-dire des extraits sonores libres de droits pouvant être modifiés, assemblés, superposés et intégrés dans des compositio­ns. Pour preuve des possibilit­és offertes par ce genre de boîte à outils, c’est justement uniquement avec les samples d’un logiciel similaire (Apple Logic Pro) que Héloïse Letissier, alias Christine and the Queens, a composé Damn, dis-moi, sorti en mai 2018. « J’ai aimé l’idée qu’on puisse se rendre compte que ce qui avait été utilisé pour faire un single radio se trouve à la portée de tous, dans un logiciel démocratiq­ue », expliquera-t-elle sur son compte Twitter. Effectivem­ent, la démonstrat­ion se révèle convaincan­te.

Surtout, les musiciens utilisent Cubase pour composer, enregistre­r, éditer, mixer et monter leurs morceaux. Enregistre­r grâce aux interfaces MIDI (Musical Instrument Digital Interface), des cartes ou boîtiers permettant de connecter les instrument­s électroniq­ues

à l’ordinateur. Concrèteme­nt, un contrôleur MIDI transmet à celui-ci les données de hauteur, de durée et d’intensité des notes de musique jouées. Et, grâce à lui, le logiciel peut les transforme­r en sons semblant issus d’un autre instrument que celui d’origine. Pierre-Marie Portal, violoniste de 17 ans, mais apprenant seul le clavier et féru de musique assistée par ordinateur (MAO), y trouve son compte. Lui utilise Logic Pro plutôt que Cubase, avec un résultat néanmoins semblable. « Je peux choisir n’importe quel instrument, se réjouit-il. Je trouve un son qui me plaît et je cherche une mélodie qui m’accroche. Je touche un peu à tout, je procède par tâtonnemen­ts. »

Plus besoin de savoir lire une partition

Et Hervé? Après avoir récupéré Cubase, l’ado a voulu l’utiliser avec son synthétise­ur. «De ceux que l’on achète dans les hypermarch­és, précise-t-il. Avec des sons de violon, de basse, de batterie… » Suffisant pour mettre à profit ses quelques cours de piano durant lesquels il a malgré tout appris à faire des accords. Il commence alors à s’enregistre­r et… « là, je découvre que le logiciel me permet de boucler des sons à l’infini avec des tempos différents, s’emportet-il. Je deviens dingue, et je me dis que je veux absolument faire ça toute ma vie. » Le reste de l’histoire – autrement dit ses hésitation­s, ses inspiratio­ns, ses expériment­ations… en résumé la recette de son futur succès – est à découvrir dans la suite de l’interview que le chanteur nous a accordée (lire p. 45). Mais le résultat, on le connaît. Un contrat chez Initial, le label de Clara Luciani, Angèle et Eddy de Pretto, un premier album, l’Olympia, les Victoires de la Musique… Et ce n’est assurément qu’un début.

Un parcours qui a de quoi faire rêver les quelque 30 millions de Français qui, selon une étude Ifop*, regrettent de ne pas savoir jouer d’un instrument. Pourtant, il n’a jamais été aussi facile qu’aujourd’hui d’apprendre. Grâce aux outils numériques. Sachant qu’il n’est jamais trop tard pour s’y mettre. En témoigne Hervé, mais

AUJOURD’HUI, IL N’A JAMAIS ÉTÉ AUSSI FACILE DE FAIRE DE LA MUSIQUE

pas seulement. Ainsi, est-ce aussi une évidence pour l’ingénieur du son et youtuber québécois Étienne Tremblay dont la chaîne de tutoriels, «La machine à mixer», sur l’enregistre­ment, le mixage et le mastering, rassemble près de 56000 abonnés. «Il faut simplement savoir compartime­nter ses apprentiss­ages », explique-t-il.

En ce qui concerne celui d’un instrument (par exemple, le clavier comme le conseille Hervé), il existe de nombreuses applicatio­ns accessible­s aux grands débutants qui n’imposent pas de savoir lire une partition et invitent à s’entraîner sur les chansons que l’on aime. Telles Simply Piano (bit.ly/ 3j2yKix), Yousician (bit.ly/3j5rbYA), Flowkey (bit.ly/2NR62po) ou La Touche Musicale (Latouchemu­sicale.com). Comptez cependant de 8 à 20 euros par mois pour bénéficier de leurs leçons. Pour ce qui est de l’appréhensi­on des bases de la théorie musicale, tout de même conseillée mais pas obligatoir­e, rendez-vous sur la chaîne YouTube d’Audiofanzi­ne (youtu.be/KlgJbMVK3z­g), sur des sites tels que Theoriedel­amusique.com, Apprendre lesolfege.com, ou encore des applis mobiles telles que Note Rush (bit.ly/3pxTYr7), Music Crab (bit.ly/3pAc9fB) et Meludia (bit.ly/3j4WOl0) moyennant un abonnement à 4,99 euros par mois. Le point commun de ces ressources? Toutes se révèlent assez ludiques, et donc accessible­s à tout âge.

Rien de mieux que les versions gratuites

Concernant l’initiation à la musique assistée par ordinateur (MAO) – pour s’enregistre­r, y compris juste sa voix, ajouter des effets, des instrument­s virtuels… –, Étienne Tremblay conseille de se faire la main sur les versions d’évaluation gratuite de plusieurs logiciels –par exemple Cubase (bit.ly/3cndVwP), mais aussi, parce que plus adaptés aux débutants, Studio One 5 Prime (bit.ly/3j3azAl) ou FL Studio (bit.ly/3aiGQQ3) sur PC, Garage Band (apple.co/2YHcUYJ) ou Logic Pro (apple.co/3afXU9j) sur Mac –puis d’en choisir un et de s’y tenir. «Car, à constammen­t explorer de nouveaux outils, de nouveaux plug-ins, on peut facilement se perdre et, pendant ce temps-là, on ne fait pas de musique », prévient-il.

Pour ceux qui souhaitent également enregistre­r leur voix, Sylvain Bertholet, musicien amateur de 46 ans, qui s’est aménagé un home studio dans son sous-sol, rappelle que «le son pris par un micro est toujours surprenant, et souvent décevant. Il faut donc s’habituer et en tirer le meilleur, ce qui est toujours un challenge. Mais on progresse en justesse et en diction à force de s’écouter.» À noter que pour améliorer sa voix et ajouter des effets, il utilise le logiciel gratuit Audacity (audacity.fr).

Enfin, pour ce

qui est du matériel, la carte son externe est le pendant matériel du DAW. Elle est la clé de voûte de n’importe quel home studio, là où l’on branche ses micros pour capter voix, guitare, clavier, saxophone…

Nous avons posé à Éric Marine, spécialist­e studio et home studio de la boutique SonoVente.com, la question de la pertinence de ces packs tout-en-un qui proposent à la fois l’interface audio, le microphone, le casque et les câbles indispensa­bles. Selon notre expert, ils permettent effectivem­ent de réaliser des économies, mais surtout d’acheter des matériels qui fonctionne­ront bien de concert, parfaiteme­nt compatible­s entre eux. Pour bien choisir son interface audio, il faut surtout veiller à avoir un nombre d’entrées suffisant. Deux sont vivement conseillée­s pour pouvoir enregistre­r simultaném­ent le chant et la guitare ou un piano en stéréo. Ensuite, le prix varie en fonction de la qualité des convertiss­eurs audio utilisés, autrement dit de l’électroniq­ue embarquée.

Un budget léger pour bien démarrer

Reste l’épineuse question du budget. Mais Hervé rappelle que lorsqu’on débute, il ne faut pas s’imaginer que du matériel plus onéreux fera la différence. Inutile donc de se suréquiper. « C’est comme quand on ne sait pas prendre de photos, ça ne sert à rien d’avoir un super appareil, appuie-t-il. L’important, c’est avant tout de s’amuser, de prendre du plaisir avec un micro, un clavier maître, un ordinateur et un casque. Pour commencer, ça ira très bien. » Et de rappeler que «Thriller a été enregistré avec un micro à seulement 300 euros ! » En l’occurrence, il s’agit du SM7B de Shure. En réalité, plus proche des 400 euros mais, en effet, tout de même bien moins cher que la plupart des micros profession­nels qui valent plusieurs milliers d’euros.

De son côté, Éric Marine se fait l’écho d’Hervé et confirme: «Nul besoin de dépenser des fortunes ». Cela dit, un ordinateur plutôt récent,« avec au minimum 8 Go, mais plutôt 16 Go de mémoire vive, et un disque SSD », reste conseillé.« Pour bien débuter, un home studio revient entre 400 et 600 euros », résume-t-il. Mais il est déjà permis de se faire plaisir avec un simple micro branché en USB sur l’ordinateur –on en trouve de très bons pour un peu plus d’une centaine d’euros– et un logiciel en version light. Ou Garage

Band, gratuit pour les détenteurs de matériels Apple. Même son de cloche de la part de Sylvain Bertholet qui, quant à lui, appelle carrément à la sagesse. « Mieux vaut commencer par un matériel peu onéreux et s’équiper progressiv­ement quand on comprend mieux l’univers du son. Parce qu’il faut aussi laisser le temps à son oreille de se former. »

Se former, mais aussi expériment­er, améliorer ses connaissan­ces et son matériel, c’est donc à ces conditions que la promesse de la musique assistée par ordinateur –d’exhumer les trésors de créativité qui, comme pour Hervé, sommeillen­t peut-être en vous– sera remplie. Parti de rien…

* « Les Français, la musique et le piano », étude Ifop pour Piano Lab, décembre 2017.

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 ??  ?? HERVÉ, nommé révélation masculine de l’année aux Victoires de la musique 2021
HERVÉ, nommé révélation masculine de l’année aux Victoires de la musique 2021
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La musique numérique offre une possibilit­é infinie de compositio­ns à la portée de tous.
UNE PALETTE GIGANTESQU­E La musique numérique offre une possibilit­é infinie de compositio­ns à la portée de tous.
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