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Ce qu’il faut pour se lancer
Avec le numérique, les apprentis musiciens n’ont jamais eu autant de méthodes et d’outils à leur disposition. Hervé, auteur-compositeurinterprète en pleine ascension, en témoigne. Avec d’autres, il raconte comment la musique assistée par ordinateur change la donne.
Parti de rien, il sera là… aux Victoires de la Musique, ce vendredi 12 février, nommé parmi les révélations masculines de l’année, aux côtés de Hatik et Noé Preszow. Parti de rien, comme il le chante dans Addenda, Hervé est l’un de ces rares artistes à avoir appris la musique tout seul. Le jeune auteur-compositeurinterprète de 28 ans est en effet un véritable autodidacte que rien ne prédestinait, a priori, à monter un jour sur scène. Et pourtant, son premier album, Hyper, sorti au mois de juin, le mènera tout droit sur celle de l’Olympia le 26 mars (si la situation sanitaire l’autorise) et le 25 octobre prochains. Sachant que les onze titres de cet album (seize dans sa version «prolongée») ont tous été composés sur son ordinateur, dans le petit studio d’enregistrement qu’il s’est aménagé, depuis maintenant quelques années, dans son appartement de la rive gauche parisienne.
Chez moi, pour réaliser mes démos musicales, j’utilise...
L’histoire d’Hervé est celle d’une passion qui a commencé à l’adolescence. « À 14, 15 ou 16 ans », raconte-t-il. Lui-même ne se rappelle plus très précisément à partir de quel âge. Mais ce dont il se souvient très bien, en revanche, c’est de la relation «assez particulière » qu’il entretenait alors avec le son des claviers. « Dès que j’entendais du piano, j’avais des frissons, les larmes aux yeux, confie-t-il. C’était incroyable parce que je ne viens pas d’une famille de musiciens. » Une passion qui le poussera donc à suivre tout de même, « pendant un an ou deux », des cours de piano à l’école de musique de sa ville, Fontenay-le-Fleury, en banlieue parisienne. « Mais tout a réellement commencé quand j’ai découvert Cubase », assure-t-il. C’est un « pote geek », en troisième, qui lui fournira une version qu’il installera « sur une vieille tour sous Windows XP ».
Savoir choisir son DAW
Cubase est un logiciel de production musicale, ou un «DAW» comme disent les initiés, pour Digital Audio Workstation. Il comprend de nombreux instruments virtuels, une multitude d’effets sonores et une large bibliothèque de samples, c’est-à-dire des extraits sonores libres de droits pouvant être modifiés, assemblés, superposés et intégrés dans des compositions. Pour preuve des possibilités offertes par ce genre de boîte à outils, c’est justement uniquement avec les samples d’un logiciel similaire (Apple Logic Pro) que Héloïse Letissier, alias Christine and the Queens, a composé Damn, dis-moi, sorti en mai 2018. « J’ai aimé l’idée qu’on puisse se rendre compte que ce qui avait été utilisé pour faire un single radio se trouve à la portée de tous, dans un logiciel démocratique », expliquera-t-elle sur son compte Twitter. Effectivement, la démonstration se révèle convaincante.
Surtout, les musiciens utilisent Cubase pour composer, enregistrer, éditer, mixer et monter leurs morceaux. Enregistrer grâce aux interfaces MIDI (Musical Instrument Digital Interface), des cartes ou boîtiers permettant de connecter les instruments électroniques
à l’ordinateur. Concrètement, un contrôleur MIDI transmet à celui-ci les données de hauteur, de durée et d’intensité des notes de musique jouées. Et, grâce à lui, le logiciel peut les transformer en sons semblant issus d’un autre instrument que celui d’origine. Pierre-Marie Portal, violoniste de 17 ans, mais apprenant seul le clavier et féru de musique assistée par ordinateur (MAO), y trouve son compte. Lui utilise Logic Pro plutôt que Cubase, avec un résultat néanmoins semblable. « Je peux choisir n’importe quel instrument, se réjouit-il. Je trouve un son qui me plaît et je cherche une mélodie qui m’accroche. Je touche un peu à tout, je procède par tâtonnements. »
Plus besoin de savoir lire une partition
Et Hervé? Après avoir récupéré Cubase, l’ado a voulu l’utiliser avec son synthétiseur. «De ceux que l’on achète dans les hypermarchés, précise-t-il. Avec des sons de violon, de basse, de batterie… » Suffisant pour mettre à profit ses quelques cours de piano durant lesquels il a malgré tout appris à faire des accords. Il commence alors à s’enregistrer et… « là, je découvre que le logiciel me permet de boucler des sons à l’infini avec des tempos différents, s’emportet-il. Je deviens dingue, et je me dis que je veux absolument faire ça toute ma vie. » Le reste de l’histoire – autrement dit ses hésitations, ses inspirations, ses expérimentations… en résumé la recette de son futur succès – est à découvrir dans la suite de l’interview que le chanteur nous a accordée (lire p. 45). Mais le résultat, on le connaît. Un contrat chez Initial, le label de Clara Luciani, Angèle et Eddy de Pretto, un premier album, l’Olympia, les Victoires de la Musique… Et ce n’est assurément qu’un début.
Un parcours qui a de quoi faire rêver les quelque 30 millions de Français qui, selon une étude Ifop*, regrettent de ne pas savoir jouer d’un instrument. Pourtant, il n’a jamais été aussi facile qu’aujourd’hui d’apprendre. Grâce aux outils numériques. Sachant qu’il n’est jamais trop tard pour s’y mettre. En témoigne Hervé, mais
AUJOURD’HUI, IL N’A JAMAIS ÉTÉ AUSSI FACILE DE FAIRE DE LA MUSIQUE
pas seulement. Ainsi, est-ce aussi une évidence pour l’ingénieur du son et youtuber québécois Étienne Tremblay dont la chaîne de tutoriels, «La machine à mixer», sur l’enregistrement, le mixage et le mastering, rassemble près de 56000 abonnés. «Il faut simplement savoir compartimenter ses apprentissages », explique-t-il.
En ce qui concerne celui d’un instrument (par exemple, le clavier comme le conseille Hervé), il existe de nombreuses applications accessibles aux grands débutants qui n’imposent pas de savoir lire une partition et invitent à s’entraîner sur les chansons que l’on aime. Telles Simply Piano (bit.ly/ 3j2yKix), Yousician (bit.ly/3j5rbYA), Flowkey (bit.ly/2NR62po) ou La Touche Musicale (Latouchemusicale.com). Comptez cependant de 8 à 20 euros par mois pour bénéficier de leurs leçons. Pour ce qui est de l’appréhension des bases de la théorie musicale, tout de même conseillée mais pas obligatoire, rendez-vous sur la chaîne YouTube d’Audiofanzine (youtu.be/KlgJbMVK3zg), sur des sites tels que Theoriedelamusique.com, Apprendre lesolfege.com, ou encore des applis mobiles telles que Note Rush (bit.ly/3pxTYr7), Music Crab (bit.ly/3pAc9fB) et Meludia (bit.ly/3j4WOl0) moyennant un abonnement à 4,99 euros par mois. Le point commun de ces ressources? Toutes se révèlent assez ludiques, et donc accessibles à tout âge.
Rien de mieux que les versions gratuites
Concernant l’initiation à la musique assistée par ordinateur (MAO) – pour s’enregistrer, y compris juste sa voix, ajouter des effets, des instruments virtuels… –, Étienne Tremblay conseille de se faire la main sur les versions d’évaluation gratuite de plusieurs logiciels –par exemple Cubase (bit.ly/3cndVwP), mais aussi, parce que plus adaptés aux débutants, Studio One 5 Prime (bit.ly/3j3azAl) ou FL Studio (bit.ly/3aiGQQ3) sur PC, Garage Band (apple.co/2YHcUYJ) ou Logic Pro (apple.co/3afXU9j) sur Mac –puis d’en choisir un et de s’y tenir. «Car, à constamment explorer de nouveaux outils, de nouveaux plug-ins, on peut facilement se perdre et, pendant ce temps-là, on ne fait pas de musique », prévient-il.
Pour ceux qui souhaitent également enregistrer leur voix, Sylvain Bertholet, musicien amateur de 46 ans, qui s’est aménagé un home studio dans son sous-sol, rappelle que «le son pris par un micro est toujours surprenant, et souvent décevant. Il faut donc s’habituer et en tirer le meilleur, ce qui est toujours un challenge. Mais on progresse en justesse et en diction à force de s’écouter.» À noter que pour améliorer sa voix et ajouter des effets, il utilise le logiciel gratuit Audacity (audacity.fr).
Enfin, pour ce
qui est du matériel, la carte son externe est le pendant matériel du DAW. Elle est la clé de voûte de n’importe quel home studio, là où l’on branche ses micros pour capter voix, guitare, clavier, saxophone…
Nous avons posé à Éric Marine, spécialiste studio et home studio de la boutique SonoVente.com, la question de la pertinence de ces packs tout-en-un qui proposent à la fois l’interface audio, le microphone, le casque et les câbles indispensables. Selon notre expert, ils permettent effectivement de réaliser des économies, mais surtout d’acheter des matériels qui fonctionneront bien de concert, parfaitement compatibles entre eux. Pour bien choisir son interface audio, il faut surtout veiller à avoir un nombre d’entrées suffisant. Deux sont vivement conseillées pour pouvoir enregistrer simultanément le chant et la guitare ou un piano en stéréo. Ensuite, le prix varie en fonction de la qualité des convertisseurs audio utilisés, autrement dit de l’électronique embarquée.
Un budget léger pour bien démarrer
Reste l’épineuse question du budget. Mais Hervé rappelle que lorsqu’on débute, il ne faut pas s’imaginer que du matériel plus onéreux fera la différence. Inutile donc de se suréquiper. « C’est comme quand on ne sait pas prendre de photos, ça ne sert à rien d’avoir un super appareil, appuie-t-il. L’important, c’est avant tout de s’amuser, de prendre du plaisir avec un micro, un clavier maître, un ordinateur et un casque. Pour commencer, ça ira très bien. » Et de rappeler que «Thriller a été enregistré avec un micro à seulement 300 euros ! » En l’occurrence, il s’agit du SM7B de Shure. En réalité, plus proche des 400 euros mais, en effet, tout de même bien moins cher que la plupart des micros professionnels qui valent plusieurs milliers d’euros.
De son côté, Éric Marine se fait l’écho d’Hervé et confirme: «Nul besoin de dépenser des fortunes ». Cela dit, un ordinateur plutôt récent,« avec au minimum 8 Go, mais plutôt 16 Go de mémoire vive, et un disque SSD », reste conseillé.« Pour bien débuter, un home studio revient entre 400 et 600 euros », résume-t-il. Mais il est déjà permis de se faire plaisir avec un simple micro branché en USB sur l’ordinateur –on en trouve de très bons pour un peu plus d’une centaine d’euros– et un logiciel en version light. Ou Garage
Band, gratuit pour les détenteurs de matériels Apple. Même son de cloche de la part de Sylvain Bertholet qui, quant à lui, appelle carrément à la sagesse. « Mieux vaut commencer par un matériel peu onéreux et s’équiper progressivement quand on comprend mieux l’univers du son. Parce qu’il faut aussi laisser le temps à son oreille de se former. »
Se former, mais aussi expérimenter, améliorer ses connaissances et son matériel, c’est donc à ces conditions que la promesse de la musique assistée par ordinateur –d’exhumer les trésors de créativité qui, comme pour Hervé, sommeillent peut-être en vous– sera remplie. Parti de rien…
* « Les Français, la musique et le piano », étude Ifop pour Piano Lab, décembre 2017.