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PROTEGEZ VOS DONNEES PRIVEES

Ne tombez pas dans les filets des pirates !

- F. M.

Afin de récupérer nos données personnell­es, puis nous dérober de l’argent, les cybercrimi­nels nous font parfois croire qu’ils disposent d’informatio­ns compromett­antes alors qu’il n’en est rien.

Les cordonnier­s sont les plus mal chaussés. Cette maxime résonne dans nos têtes tandis que nous écrivons cet article sur les arnaques aux données personnell­es. En effet, l’un de nos rédacteurs a, dans le même temps, subi un piratage de ses données bancaires.

Tout est parti d’un message en apparence anodin provenant de La Poste et reçu sur son portable : un colis qu’il attendait n’était pas assez affranchi pour lui être délivré, et il fallait régler la différence. Le message était aux couleurs du transporte­ur, il ne contenait pas de fautes d’orthograph­e, l’adresse sur laquelle on lui demandait de se rendre semblait sécurisée. Il y avait même un (faux) numéro de suivi Colissimo (le service de livraison aux particulie­rs de La Poste). De fait, en ces jours de crise sanitaire, beaucoup de colis se retrouvent bloqués en instance de transport.

Bref, notre rédacteur ne s’est pas assez méfié, a cliqué sur le lien et renseigné ses coordonnée­s bancaires afin de payer les trois euros d’affranchis­sement manquants. Quelque temps plus tard, un message de sécurité (merci la double authentifi­cation) le prévenait d’une tentative d’achat avortée sur le Play Store de son téléphone Android. Il a im

médiatemen­t fait opposition à sa carte bancaire et, heureuseme­nt pour lui, l’acte decy be r malveillan­ce est resté sans suite.

Usurpation d’identité et arnaque à la webcam

Cependant, tout le monde ne s’en tire pas à si bon compte. « Une usurpation d’identité, en particulie­r, peut avoir des répercussi­ons des années après le délit proprement dit », renseigne Paige Hanson, responsabl­e en cybersécur­ité pour NortonLife­Lock, l’éditeur du logiciel antivirus du même nom. Ainsi, le mois dernier, « un garagiste s’est vu réclamer vingt millions d’euros par le fisc à la suite d’une usurpation. Le profession­nel a été obligé de fermer sa société car il avait des saisies sur salaire de plusieurs dizaines de milliers d’euros pour des dettes qu’il n’avait pas contractée­s », ajoute Jean-Jacques Latour, responsabl­e de l’expertise en cybersécur­ité du site Cybermalve­illance.gouv.fr, édité par le groupement d’intérêt public Acyma (pour Actions contre lac y ber malveillan­ce ).

Face aux arnaques aux données personnell­es, nous ne sommes pas tous égaux. Certains les repèrent facilement, d’ autres agis sentir rationnell­ement et tombent dans le panneau. Par exemple, de faux hackers font croire à leurs cibles qu’ils ont piraté leur webcam alors qu’il n’en est rien. « Les victimes reçoivent un message du style : “Je vous ai piraté, je vous ai filmé alors que vous alliez sur des sites pornograph­iques. Si vous ne payez pas une rançon, je vais diffuser ces images compromett­antes à tous vos contacts », explique Jean-Jacques Latour. Des messages de ce type ont été diffusés à

De faux hackers font croire à leurs cibles qu’ils ont piraté leur webcam

des dizaines de millions de personnes en France. « Des personnes âgées, qui sont les cibles préférées des hackers, précise l’expert en cybersécur­ité, nous appelaient pour nous dire qu’ils n’allaient jamais sur des sites pornograph­iques. Ils nous demandaien­t comment les escrocs avaient fait pour s’y prendre? D’autres nous informaien­t qu’ils n’avaient pas de webcam et essayent de comprendre comment ils avaient bien pu être filmés. Ils étaient en panique ! Sans compter les gens qui payaient car ils avaient quelque chose à se reprocher. » Deux Franco-Ukrainiens, responsabl­es de ces arnaques, ont été identifiés, arrêtés et sont aujourd’hui en prison.

Chantage et extorsion au faux rançongici­el

Des cybercrimi­nels ont aussi mis en place, fin 2020, un système de rançonnage aux couleurs de la police. Les malfrats faisaient croire à leurs cibles qu’une enquête avait été ouverte à leur encontre pour pédophilie et pédopornog­raphie. Ils ajoutaient que s’ils ne prenaient pas contact avec eux dans les plus brefs délais, l’informatio­n serait rendue publique et qu’ils seraient fichés comme pédophiles. « Cela génère une énorme panique chez les victimes, commente Jean-Jacques Latour. Certains se disent : “Je suis allé sur un site pornograph­ique et peutêtre que les femmes que j’ai regardées étaient mineures et que je ne le savais pas.” Tandis que d’autres se pensent victimes d’une erreur judiciaire, mais craignent que tout le monde les pointe du doigt comme pédophiles. » Les criminels commencent ainsi un dialogue avec la victime et lui réclament à la fin des centaines voire des milliers d’euros pour ne pas ébruiter l’affaire. Là aussi, les gens payent de peur de voir leur nom étiqueté comme pédophile.

En plus de jouer sur la panique, les cybercrimi­nels savent aussi très bien surfer sur l’actualité. « On a vu fleurir énormément d’arnaques opportunis­tes en liaison avec la Covid-19, confie Jean-Jacques Latour. Quantité de masques, de gels et de chloroquin­es ont été proposés sur de faux sites de vente qui récupéraie­nt les données bancaires des clients. »

Le siphonnage de boîte mail, le Graal des cybercrimi­nels

Mais le Graal descy be r malveillan­ts reste le piratage de nos boîtes mails, qui renferment une grande partie de nos vies. Photocopie­s de carte d’identité, RIB, avis d’imposition, adresses, numéros de sécurité sociale ou de téléphone, dossiers médicaux… Autant de données très recherchée­s par les cybercrimi­nels, soit pour usurper une identité, soit pour détourner des fonds. « Cela commence souvent par un hameçonnag­e, décrit Jean-Jacques Latour. C’est-à-dire que les escrocs réussissen­t à récupérer le compte et le code

d’accès à votre messagerie, généraleme­nt en se faisant passer pour celle-ci. Une fois qu’ils ont récupéré vos identifian­ts, il ne leur reste plus qu’à se connecter et à siphonner vos données. » Et là, c’est le drame, d’autant que les cybercrimi­nels ne manquent pas d’imaginatio­n pour parvenir à leurs fins. « Les fraudeurs trouvent sans cesse de nouveaux moyens de tromper les gens pour qu’ils leur communique­nt leurs données personnell­es. Cela va des courriels d’hameçonnag­e aux faux appels d’assistance technique, en passant par les escroqueri­es aux médias sociaux ou aux SMS, et les scarewares (des logiciels malveillan­ts pour provoquer la panique et récupérer des données personnell­es, NDLR) », énumère Paige Hanson. Ce qui ne change pas, c’est l’objectif des arnaqueurs : vous prendre votre argent. D’ailleurs, « les menaces idéologiqu­es et politiques sont reléguées au second plan », selon JeanJacque­s Latour.

En cas d’usurpation d’identité, Constantin Pavléas, avocat spécialisé dans le numérique, conseille de prendre des copies d’écran des pages web où quelqu’un s’est fait passer pour vous, puis d’alerter le site pour lui demander de retirer tout contenu publié en votre nom. Enfin, il faut déposer plainte. « L’usurpation d’identité numérique est une infraction pénale à la fois matérielle – dans le sens où on utilise tout ce qui peut identifier une personne, que ce soit une image ou une adresse IP – et intentionn­elle, explique Constantin Pavléas. La personne qui usurpe le fait dans un but précis, celui de porter atteinte à la tranquilli­té de la personne, à sa considérat­ion ou à son honneur. » Si le numérique ouvre le champ des possibles, il vaut donc mieux, et plus que jamais, bien se couvrir pour naviguer sur la Toile. Suites de sécurité, réseaux privés virtuels (VPN), double authentifi­cation, outils de reconnaiss­ance biométriqu­e… Il existe en plus de nombreux parapluies à dispositio­n.˜

« L’usurpation d’identité numérique est une infraction pénale matérielle »

Constantin Pavléas, avocat

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 ??  ?? * Enquête Fellowes/ObSoCo réalisée en 2015 par internet sur un échantillo­n représenta­tif de mille personnes âgées de 18 à 75 ans.
* Enquête Fellowes/ObSoCo réalisée en 2015 par internet sur un échantillo­n représenta­tif de mille personnes âgées de 18 à 75 ans.

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