LES FAITS MARQUANTS
Les oeuvres d’art mises sous garantie par la technologie blockchain ont le vent en poupe. L’une d’elles vient de battre des records de vente, et ce n’est sans doute que le début d’une fièvre acheteuse.
Holy f…! C’est par ces mots laconiques, que nous traduirons pudiquement par p… de m…, que Mike Winkelmann, alias Beeple, a réagi sur son compte Twitter le 11 mars dernier, afin de commenter la vente de l’une de ses créations. Adjugée pour 69,3 millions de dollars chez Christie’s, l’image Jpeg est devenue la quatrième oeuvre la plus chère vendue par un artiste vivant (en tenant compte de l’inflation). Depuis bientôt quatorze ans, Beeple réalise chaque jour une oeuvre d’art numérique. Pour sa 5000e création, il a conçu un montage accumulant sur une seule image ses 4999 premières réalisations, qu’il a sobrement intitulé Everydays : The First 5000 Days. En février dernier, il avait vendu plus de 6 millions de dollars une oeuvre représentant Donald Trump – l’un de ses sujets de prédilection, avec Buzz l’Éclair de la saga d’animation Toy Story – nu et allongé dans l’herbe, criblé de dizaines de tatouages où l’on lisait « Loser »,« Eat Shit » (mange m…) ou « Poor Boy ». Mais c’est avec sa 5000e oeuvre que l’artiste crève le plafond. Le monde de l’art ne sera plus jamais le même. Car il ne s’agit pas d’une simple image jpeg. C’est une NFT (Non-Fungible Token ou jetons non fongibles) qui garantit, grâce à la technologie blockchain, l’authenticité et l’originalité de l’oeuvre. Ces jetons sont certifiés uniques, traçables et non interchangeables, contrairement au cryptomonnaies qui, si elles sont certifiées et traçables, peuvent s’échanger entre elles. Et les collectionneurs d’art raffolent de ce qui est rare, unique et original. C’est en 2018 que les NFT s’étaient d’abord fait connaître du grand public, lorsque CryptoKitties était devenu viral. Ce jeu en ligne fonctionne comme une place de marché où les joueurs s’achètent des chats virtuels avec la blockchain Ethereum, une cryptomonnaie concurrente du célèbre Bitcoin. Depuis, les prix pour les oeuvres NFT se sont envolés et l’euphorie a gagné les places de marché idoines.
L’explosion des NFT
Quelques jours avant la vente record de Beeple, un groupe d’artistes restés anonymes (heureusement pour eux), a poussé à bout la logique du NFT. Il a mis aux enchères une vidéo NFT sur le marché virtuel OpenSea, qui se présente comme le plus grand du genre, où ils mettent le feu à une estampe de Banksy, le célèbre artiste de rue. Cette frénésie pour le marché des NFT a aussi poussé Jack Dorsey, le PDG de Twitter, à mettre en vente le premier tweet de l’histoire, celui qu’il a publié le 21 mars 2006 : « Just Setting up my Twttr » (« J’ai créé mon compte Twttr »). Les enchères ont atteint 2,9 millions de dollars. Le message a été acquis par Sina Estavi, directeur général d’une plateforme blockshain. Le virtuel a décidément de l’avenir.