NÉOBANQUES DES COMPTES MALINS ET PRATIQUES
« Votre argent nous intéresse », clamait il y a quelques décennies BNP Paribas. Et si vous exigiez plus ? Les néobanques vous le promettent. Même s’il vaut mieux savoir où vous mettez les pieds.
Le 6 avril, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution des secteurs de la banque et de l’assurance a, dans un communiqué, frappé du poing sur la table. Elle déplorait que les journalistes ou les comparateurs en ligne nomment néobanques des entreprises qui ne le sont en réalité pas. Du moins, pas légalement. En clair, ces sociétés ainsi abusivement qualifiées n’ont en fait pas obtenu l’agrément bancaire, le sésame qui en ferait des « établissements de crédit ». Des « néo » certes, mais en somme pas des banques. Autant vous le dire, sauf le respect que nous devons au régulateur, nous ne nous en tiendrons pas à cette définition légale. Et nous donnerons droit de cité à des acteurs tels que Nickel ou Aumax pour moi, qui ne sont pourtant, d’un point de vue juridique, que des « établissements de paiement » au périmètre d’action plus restreint. À l’inverse, certaines banques mobiles, telles Orange ou Ma French Bank, sont bien de « vraies » néobanques. Il y a aussi ce qu’on appelle les « licornes internationales » – des sociétés dont la valorisation atteint un milliard de dollars ou davantage – comme l’anglaise Revolut ou l’allemande N26. Celles-là possèdent bien un agrément bancaire – respectivement en Lituanie et en Allemagne –, mais pas en France. Reste les « banques en ligne » de type Boursorama, Fortuneo, Hello Bank ! qui, paradoxalement, pourraient prétendre à l’appellation. Si elles se gardent bien de le faire, c’est qu’elles y trouvent leur compte, se positionnant idéalement à équidistance des start-up de la fintech et des banques traditionnelles.
Disruptives, elles évoluent vite en fonction du contexte
Dans notre taxonomie légalement incorrecte, mais tirée des pratiques observées en termes de parcours client, de marketing ou de ciblage d’une population particulière, nous retiendrons la définition donnée par Stéphanie Thomas, directrice de publication du site ComparateurBanque.com : « Une néobanque est un acteur disruptif qui évolue très rapidement en fonction des besoins de ses
Juridiquement, ces banques ne remplissent pas toutes les conditions
usagers et met en avant un aspect moteur de cogestion par les utilisateurs. » L’observatrice avisée du secteur ajoute que c’est précisément « cette absence de cadre rigide qui rend possible cette flexibilité et cette agilité, que l’agrément bancaire rend au contraire si difficile ».
Les options font la différence et ne sont pas que des gadgets
On ajoutera que le support matériel de ces innovations tous azimuts reste le smartphone, cet objet qu’on a toujours sur soi. Il servira à modifier en temps réel un plafond de paiement, à bloquer ou débloquer une carte en un clic… Beaucoup de ces nouveaux acteurs donnent accès pour une somme modique, voire gratuitement, à des options ordinairement très onéreuses. Vivid Money propose par exemple une carte Metal gratuite dont tout l’intérêt est d’offrir des garanties d’assurances supérieures aux autres cartes premium de type Premier ou Gold, du cashback (rétrocession d’une partie du prix d’achat) jusqu’à 10 % ou des retraits jusqu’à mille euros partout dans le monde. Chez Aumax pour moi, on pourra s’exonérer des frais bancaires supplémentaires ordinairement facturés quand on paye ou retire de l’argent à l’étranger. On bénéficiera aussi d’une conciergerie 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour booker billets de voyage, restaurants ou baby-sitter. D’autres sociétés, telle BitPanda, se sont spécialisées dans les cryptomonnaies. Certaines encore vous garantissent de placer votre argent dans des investissements écologiques, comme Green-Got ou Bunq. Et si vos ados ont besoin d’un
compte (lire notre encadré p. 41), il suffit de se tourner, par exemple, vers Xaalys ou Vybe.
Comptes de cantonnement et comptes bloqués
L’innovation, d’accord, mais votre argent est-il en sécurité? La loi française dispose que les comptes bancaires classiques sont garantis jusqu’à un montant de cent mille euros auprès du Fonds de garantie des dépôts et de résolution. Pour les néobanques, c’est quasiment la même chose, mais de façon indirecte. « Par obligation réglementaire, nous explique Stéphanie Thomas, l’argent déposé par le client d’une néo alimente un compte de cantonnement qui est lui-même détenu dans un établissement de crédit. Ainsi les fonds remis par les clients sont dissociés des fonds propres de la Fintech. » Elle ajoute que c’est un sujet sur lequel ces nouveaux acteurs n’aiment pas forcément communiquer. Autre cas de figure, pour une société dont le siège se situe à l’étranger mais en Europe, comme l’allemande N26, la garantie est du même montant. À ce détail près que le système d’assurance allemand interviendra s’il y a une faillite. Néobanque ou pas, vous êtes donc censé être protégé de la même façon. Mais attention, seuls les fonds qui seront transférés sur le fameux compte de cantonnement le seront vraiment. Reste à savoir si la start-up transmet avec diligence les informations à l’établissement de crédit. Une mésaventure beaucoup plus ennuyeuse peut malheureusement arriver aux titulaires de ces comptes. Elle est la conséquence d’une réglementation renforcée pour lutter contre l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent. Ainsi, toutes les néobanques sont tenues, sous peine de lourdes sanctions, de pratiquer des contrôles sur les comptes de leurs clients. Certaines vérifications sont effectuées par des algorithmes de manière automatique, d’autres décidées de manières aléatoires. En cas de mouvements financiers inhabituels, le service « compliance » ou « de mise en conformité » va examiner l’activité. De deux choses l’une, soit ce service est interne à l’établissement et la procédure de vérification est censée aller assez vite, soit il est externalisé et la procédure prend beaucoup plus de temps. En l’absence de justificatif du détenteur du compte et si ce dernier peine à fournir les bonnes explications, l’argent peut donc être bloqué pendant des semaines, voire des mois. Stéphanie Thomas constate que les clients ont parfois l’impression d’une certaine « opacité ». Ces cas de comptes bloqués ne devraient pas vous freiner dans votre volonté de recourir à ces services, mais à condition d’en limiter le périmètre. « Pour réduire ses frais bancaires et bénéficier de fonctionnalités innovantes, c’est oui. Mais il ne faut pas forcément en faire son compte principal », synthétise la directrice de ComparateurBanque.com.z
Dans les néobanques, les fonds déposés sont eux aussi garantis